En Europe, si on demande à quelqu'un de définir quelque chose, sa définition s'éloigne toujours des choses simples qu'il connaît parfaitement, elle se renfonce dans un région inconnue, une région d'abstraction de plus en plus éloignée.
Ainsi, si vous lui demandez ce qu'est le rouge, il répond que c'est une «couleur».
Si vous lui demandez ce qu'est une couleur, il vous répond que c'est une vibration ou une réfraction de la lumière, ou une division du spectre.
Et si vous lui demandez ce qu'est une vibration, il répond que c'est une sorte d'énergie, ou bien quelque chose de ce genre-là, jusqu'à ce que vous en arriviez à un mode d'être, ou de non-être. En tout cas, vous perdez pied, ou bien c'est lui qui perd pied.
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[Le Chinois] veut définir le rouge. Comment peut-il le faire dans un dessin qui n'est pas peint en rouge?
Il réunit (ou son ancêtre réunissait) les dessins abrégés des choses suivantes: une rose, de la rouille, une cerise, un flamand rose.
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Le «mot» ou idéogramme chinois pour rouge est basé sur quelque chose que tout le monde connaît.
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Fenollosa expliquait comment et pourquoi un langage écrit de cette manière NE POUVAIT QUE RESTER POETIQUE; simplement il ne pouvait pas ne pas être ni rester poétique puisqu'aussi bien une colonne de caractères écrits anglais pouvait ne pas rester poétique.

Ezra Pound, a.b.c. de la lecture, chapitre 1