Le critère de l'oreille est un critère qui me paraît tout à fait valable, mais trop personnel pour pouvoir être défendu publiquement, pensais-je jusqu'à il y a quelques jours. Et puis, en feuilletant dans une librairie L'introduction à l'Œuvre-kavi, je remarque dans les rayonnages un livre bien moins effrayant, Remarques sur la langue française utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire, de Claude Favre de Vaugelas. Ce livre est très intéressant. Il contient quelques remarques qui n'ont plus lieu d'être («Persécuter - Ce mot est mal prononcé par une infinité de gens qui disent perzécuter comme si au lieu du s il y avait un z [...]» p.100, j'ai également noté plusieurs remarques qui précisent le genre d'un nom (ivoire, toile, préface,...), apparemment le genre d'un certain nombre de mots courants est resté longtemps indécis, ce qui me paraît étrange) et beaucoup de remarques qui trouvent à s'appliquer encore aujourd'hui, je suis même surprise par leur nombre.

Et ô bonheur, Vaugelas fait grand cas de la cacophonie, qui semble bien être pour lui un critère valable pour juger de la langue :

À cause de la rencontre des deux voyelles en ces deux petits mots, si on, plusieurs écrivent toujours si l'on, excepté en un seul cas qui est quand après le n il suit immédiatement un l. Par exemple ils diront si on le veut et non pas si l'on le veut, parce qu'il y a un l immédiatement après le n, et que des deux cacophonies il faut choisir la moindre; car si si on blesse l'oreille, si l'on le, à mon avis, la blesse encore davantage. [...]
Claude Fabre de Vaugelas, Remarques sur la langue française utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire p.45

ou encore

À la Cour on prononce beaucoup de mots écrits avec la diphtongue oi, comme s'ils étaient écrits avec la diphtongue ai, parce que cette dernière est incomparablement plus douce et plus délicate. À mon gré c'est une des beautés de notre langue à l'ouïr parler, que la prononciation d'ai pour oi''. [...]
Ibid., p.92

Résumons-nous: le sens, l'oreille, les règles apprises à l'école, les règles découvertes en lisant, un peu d'humour, de goût (dans le sens de gôuter avec plaisir, «ce petit faste», comme dit Syntaxe («Mais si elle y faut, c'est parce qu'elle n'est pas assez société», p.193, cette utilisation de faillir me ravit)), beaucoup d'humilité, la certitude qu'on se trompe et qu'on doit fait faire beaucoup d'erreurs ou de fautes, mais que ce n'est finalement pas si grave, puisque nous aimons la langue, et que nous progresserons au hasard de nos lectures.

En écrivant cela je tente de consoler "les complexés de la langue" et de tenir à distance "les tyrans de la langue", pour maintenir un espace où l'usage courant permet encore de se comprendre.