Il faut qu'on sache et il faut que l'on sache sont tous deux bons, mais avec cette différence néanmoins, qu'en certains endroits il est beaucoup mieux de mettre l'un que l'autre.

Plusieurs mettent qu'on et non pas que l'on, quand il y a un l immédiatement après le n, comme je ne crois pas qu'on lui veuille dire et non pas que l'on lui veuille dire, à cause du mauvais son des deux l, je ne crois pas qu'on laisse et non pas que l'on laisse.

Il faut mettre qu'on aussi et non pas que l'on quand il y a plusieurs que dans une période, comme cela arrive souvent en notre langue qui s'en sert avec beaucoup de grâce en différentes façons, par exemple: il n'est que trop vrai que depuis le temps que l'on a commencé, etc. Il est bien mieux de dire qu'on a commencé pour diminuer le nombre des que, qui n'offensent pas seulement l'oreille de celui qui écoute, mais aussi les yeux ne celui qui lit, voyant tant de que de suite. Il faut encore mettre qu'on et non pas que l'on quand le mot qui le précède immédiatement se termine par que, comme on remarque qu'on ne fait jamais ainsi, etc., et non pas on remarque que l'on ne fait jamais ainsi.

Il faut mettre que l'on et non pas qu'on devant les verbes qui commencent par com ou con, comme je ne dirais pas qu'on commence, qu'on conduise, mais que l'on commence, que l'on conduise. Mais comme j'ai déjà dit, tout cela n'est que pour une plus grande perfection et ce n'est pas une faute que d'y manquer.

L'usage de ces deux termes différents, qu'on et que l'on, est encore très commode en prose et en vers, mais surtout en vers pour prendre ou quitter une syllabe selon qu'on a besoin de l'un ou de l'autre dans la versification. Il est superflu d'en donner des exemples, les poètes en sont pleins. Mais pour la prose peu de gens comprendront l'avantage qu'elle tire d'allonger ou d'accourcir d'une syllabe une période, s'ils n'entendent l'art de l'arrondir et s'ils n'ont l'oreille délicate.

Claude Favre de Vaugelas, Remarques sur la langue française utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire, p.46