C'est surtout Julius Guttman qui prit pour moi une importance personnelle. Il était spécialiste de la philosophie juive du Moyen-Âge, en particulier à l'époque hispano-arabe, où la cohabitation entre musulmans et juifs était dans l'ensemble très harmonieuse, de sorte que la vie juive put alors se développer librement. Outre la philosophie arabo-aristotélicienne, il naquit en ce temps-là également un aristotélisme juif, dont la figure la plus importante à citer fut Maïmonide. Je me souviens encore d'un cours chez Guttman sur le Sefer Kusari de Juda Halevi — une fiction historique sur une joute oratoire entre juifs, chrétiens et musulmans à la cour du chef chazari en Russie du Sud, dont l'auteur se servait comme d'un instrument littéraire pour prouver la supériorité philosophique du judaïsme.

Souvenirs de Hans Jonas, p.62