Cet exercice de retranscription est étonnant. Je prends conscience à quel point l'écriture, la technique de l'écriture, est pauvre pour retranscrire une voix. Il manque les pics, les attaques de la voix ("C’est une œuvre qui COmmence"... "DAns un lyrisme ABsolument échevelé), les moments qu'elle se perd dans la fin du souffle (Pessoa lointainement), tous les moments que la voix semble au-dessus ou en-dessous du souffle..

Il y a les virgules et les points que je place arbitrairement, conventionnellement, alors que le plus souvent les phrases ne s'interrompent pas, elles semblent ne former qu'une seule longue mélopée (Sauf que c'est justement moins vrai pour cet enregistrement-là, hésitant, haché. C'était davantage vrai pour Nono, par exemple).

Il y a le sourire que l'on sent "C’est la première œuvre du wagnérisme lusitanien" dans la voix, impression renforcée par les précisions données après la diffusion de la pièce, comme s'il s'agissait d'expliquer que la plaisanterie, l'exagération, n'en était pas une ("Après tout, Richard Wagner lui-même, en 1854 ou 1855, a hésité pendant quelques semaines à accepter la proposition de l’empereur Pierre II du Brésil"): je ne peux m'empêcher d'imaginer qu'hors antenne, des explications ont été demandées, ou de légers reproches ont été adressés, et que donc un complément d'informations a été donné...

Bref, tout cela me permet, tandis que je retranscris les mots, le sens, et que je sens tout ce que je ne retranscris pas, tout ce que je ne fais pas "passer", de mieux comprendre ce que ce doit être d'interpréter un texte théâtral (et combien l'auteur doit pouvoir se sentir déposséder quand l'interprétation s'éloigne de ce qu'il imaginait), de mieux comprendre aussi à quel point une partition musicale donne finalement peu d'indications sur ce que le compositeur avait en tête.