Courte biographie : Qiu est né à Shanghai. Lors de la Révolution culturelle, son père est la cible des révolutionnaires et lui-même est interdit d’école. Il réussit néanmoins à soutenir une thèse sur T.S. Eliot et poursuit ses recherches aux États-Unis. Les événements de Tian’an men le décideront à y rester.

Le livre est paru en 2000 aux Etats-Unis. L'histoire se déroule au printemps 1990, après les événements de la place Tiananmen.

Le début est très lent, didactique, chaque fait expliqué un peu lourdement, sans humour. L'inspecteur Chen, devenu policier par hasard, ou plutôt par le fait de l'organisation politique et sociale chinoise qui dispose de l'existence des individus dans le détail (enfance, études, lieu d'habitation, emploi, logement, etc), est consciencieux, intègre et féru de poésie classique.
Puis le livre trouve son rythme et dégage un indéfinissable charme désuet, peut-être parce qu'au delà —ou en-deça— de la couche de communisme ou de modernisme qui couvre Shanghaï, on découvre une civilisation attachée à des valeurs simples et fondamentales, la cuisine, la famille, la fidélité, l'ordre domestique. La morale confucianiste permet la sérénité. Cela peut faire sourire; confronté à l'arbitraire politique et aux difficultés de la vie quotidienne, c'est émouvant. Il se dégage de tout cela un portrait de Chinois humblement courageux, ignorants que leur humilité est du courage.
Guan, la victime, est une "travailleuse modèle". L'inspecteur Chen imagine ce qu'aurait pu être sa vie si elle n'avait pas désiré la gloire, cette gloire s'obtenant au prix d'une soumission totale à la politique:

Guan aurait pu épouser l'ingénieur Lai, ou un autre. Elle aurait été une ménagère ordinaire qui marchande une poignée de ciboules au marché, qui fait les poches de son mari le matin, qui se bagarre pour caser son réchaud dans la cuisine collective... Mais elle vivrait, comme tout le monde, ni trop bien ni trop mal. La politique avait rendu impossible une telle vie personnelle. Comblée d'honneurs , elle ne pouvait pas se satisfaire d'un homme ordinaire, insuffisant pour son statut et son ambition. Elle ne pouvait pas descendre de la scène pour draguer un homme à un arrêt de bus ou flirter avec un inconnu dans un café. D'autre part, quel homme voudrait vraiment pour épouse un membre du Parti qui fait des discours politiques à la maison — et même au lit?
Qiu Xialong, Mort d'une héroïne rouge, p.411

L'enquête amène l'inspecteur Chen à suspecter le fils d'un haut dignitaire de la ville de Shanghaï, un "ECS", enfant de cadre supérieur. Cette classe crainte et détestée du petit peuple chinois est présentée sous deux angles: elle est insupportable car elle a tous les droits, elle est infréquentable car la fréquenter ne permet plus de distinguer ce que l'on doit à son propre mérite et ce que l'on doit à son soutien.
Mettre en cause un ECS quelques mois après Tienanmen sera sans doute interprété par les vieux communistes comme une remise en cause de leur légitimité, explique le secrétaire du Parti au sein du commissariat. C'est dangereux, l'équilibre du pays est fragile. Que l'ECS soit coupable ou non n'a finalement pas grande importance. De façon générale, ce que font les individus compte peu, c'est ce qu'ils sont, et surtout ce que sont leurs parents, oncles, grandes-tantes, amis, qui est fondamental. (Cependant, cette généralisation est inexacte, ce que fait chacun est largement commenté et chacun vit sous les yeux de tous dans une ville où une famille de trois personnes vit dans une pièce de huit mètres carré avec cuisine commune et poêle à charbon. La rumeur peut ruiner une réputation dans une société très prude.)

Chen subit des pressions politiques pour abandonner l'enquête, il doit choisir entre son métier et sa conscience professionnelle. S'appuyant à tout moment sur des vers anciens (expliqués et remis dans leur contexte à chaque fois. Cela devient de plus en plus plaisant; ce qui au début était un peu ennuyeux finit par être trop rare à la fin, on en voudrait davantage), il fait ses choix, non dans une pureté angélique, mais en décidant d'utiliser toutes les armes à sa disposition.