Comme prévu je n'ai pas lu le Bonnefoy, mais un autre livre, plus maniable, consacré au Bernin.
C'est une sorte de concentré de biographie entièrement orientée autour de l'œuvre, exaspérant par deux travers: d'une part rien ne trouve grâce aux yeux d'Howard Hibbard si ce n'est Le Bernin (il faut lire son exécution des trois autres statues qui entourent le baldaquin de Saint-Pierre), d'autre part l'auteur veut absolument que l'œuvre du Bernin soit une progression, une succession orientée (vers toujours plus de génie bien sûr), ce qui le pousse à des interprétations parfois artificielles.

Ce livre reste cependant une excellente introduction à l'œuvre du Bernin, il est abondamment illustré, il fournit des dates, des noms et une première bibliographie. J'ai relevé au passage que Colbert semblait avoir la répartie assassine. J'ai désormais envie de lire Chantelou et Vasari. Et Saint-Augustin, mais c'est une autre histoire.

Je retiens que Le Bernin n'opposait pas baroque et classisisme, pour lui il s'agissait d'amener le spectateur à partager une émotion religieuse. Bonnefoy le note aussi d'ailleurs, en remarquant que le classisisme naît davantage d'une réaction à la peinture de Michel-Ange, brutalement dévalorisée, que d'une opposition au baroque.

Plus qu'aucune autre grande œuvre d'art visuel, les créations du Bernin sont l'accomplissement des aspirations religieuses, politiques et humaines de son temps dont elles forment, prises ensemble, un portrait physique et spirituel. Elles ne sont pas simplement autobiographiques (comme l'étaient, en un sens, les œuvres de Donatello et de Michel-Ange) ; elles sont l'autobiographie de l'époque elle-même. La conception du Bernin trancha sur l'ancien art religieux - qui privilégiait les histoires, enluminait les événements et les sentiments chrétiens. Son point de mire était le fidèle. Par empathie, par analogie, il s'agit d'ouvrir l'homme ordinaire à l'expérience du divin - et dans ce registre il reste insurpassé à travers l'histoire de l'art.
Howard Hibbard, Le Bernin, p.225

Finalement, Le Bernin aura trop été de son époque, trop en accord avec son siècle, trop admiré, trop adulé, et c'est de ce manque de décalage que viendrait l'oubli relatif dans lequel il est tombé. Nous rejoignons ici l'analyse du classique selon A. Compagnon, "celui qui n'est jamais d'aucune époque": Le Bernin ne pouvait pas devenir "un" classique si l'on retient cette définition.