Ce livre présente trois intérêts: des photographies, une analyse de l'œuvre (qui se confond avec des notes biographiques) et des extraits de romans et de poèmes.

De l'homme, je retiendrai, selon Pierre-Olivier Walzer, qu'il était trop cynique et trop lucide pour écrire une grande œuvre: l'ironie de Toulet lui interdisait l'accès à la grande littérature, le cantonnant aux pièces courtes, dans lesquelles il excellait, jouant avec une rare élégance de la grammaire et d'un vocabulaire précieux.

Au détour d'un chapitre, Walzer présente sa conception du romancier:

Mais ces noms, accablants, nous font justement mesurer la distance qui sépare l'œuvre romanesque de Toulet des grandes œuvres romanesques. Toulet avait-il l'étoffe d'un romancier? Monsieur du Paur, Le Mariage de don Quichotte, La Jeune Fille verte semblait en apporter les preuves intrinsèques. Après ce départ plein de promesses, on s'aperçoit pourtant, en considérant les circonstances particulières d'où naîtront ses nouvelles œuvres d'imagination, que Toulet n'a jamais été qu'un romancier d'occasion. Toulet est un styliste. il se donne des thèmes à développer. Ce qu'on goûte chez lui, ce sont les charmes du langage, la fantaisie du primesaut, l'ironie mordante ou amusée, les touts de la syntaxe, le choix des mots, la délicatesse ou l'imprévu des images, en bref: le style. Il est clair qu'il possède le don de narrateur indispensable au genre, mais ce n'est pas là tout le romancier: «ce qui le fait, c'est en grande partie la qualité représentative de ce qu'il nous raconte; ou, ainsi que le dit Edmond Jaloux, la somme plus ou moins complète de ses observations sur les lois de la destinée ou de la nature humaine. Marcel Proust peut raconter n'importe quoi et à force de génie introspectif donner à ce n'importe quoi autant de signification éternelle que Balzac ou Dostoïevski aux gestes d'un Hulot, d'un Raskolnikoff ou d'un Stavroguine. Mais c'est une exception. Et ce qui a ruiné le roman de mœurs, c'est que beaucoup d'écrivains ne sont arrivés à ne voir dans les tableaux de ce genre que ce que tel ou tel milieu avait de pittoresque facile, vite banal et sans lendemain.»
Toulet, dans le domaine du roman, ne dépasse guère cette facilité, qui a certes toute espèce de charmes, mais qui ne mérite pas toute notre attention. Toulet ne croit pas à ses personnages, il ne se confond pas avec eux; ces bonshommes l'amusent, confie-t-il à Madame Bulteau. C'est l'aveu d'un échec.
Pour le vrai romancier il ne s'agit pas de jeu, il s'agit de communion.
«Madame Bovary, c'est moi.»

Pierre-Olivier Walzer, Paul-Jean Toulet, qui êtes-vous ?, p.24