Comme je suis prétentieuse, je n'avais pas l'intention de répondre à la chaîne qui court actuellement, sur "six choses que vous ne savez pas", ou "auriez voulu savoir", ou "auriez préféré ignorer", puisque je n'avais pas été interpelée personnellement.
Mais finalement, c'est trop tentant, selon la très pertinente analyse d'affordance. Je vais donc prétendre répondre à l'invitation d'un bourgeois, en inventant une contrainte de plus (pour que cela soit plus facile): je réponds autour de six "premières fois" de livres:

1/ Le premier livre que j'ai lu était une histoire de princesse et de grenouille (ou crapaud, plus vraisemblablement). J'avais cinq ans, je lisais parfaitement puisque j'avais déjà une année de CP derrière moi, et l'institutrice de cet autre CP nous lisait chaque jour un chapitre d'une histoire de prince transformé en crapaud. Je voulais connaître la fin, prenant mon courage à deux mains, je lui avais demandé le livre qu'elle m'avait prêté pour un week-end.
Aujourd'hui, je suis émerveillée d'avoir commencé en littérature avec l'archétype des contes de fée.

2/ J'ai commencé à lire des SAS en quatrième, parce que ma mère avait déclaré devant moi à des amis à elle, faisant à son habitude comme si je n'existais pas et ne pouvais l'entendre: «J'espère bien qu'elle ne lit pas de SAS!»
Le mardi soir, pendant que mes parents allaient suivre d'illusoires cours de bridge, je dénichais quelques SAS cachés tout en haut du placard du bureau. La semaine suivante je les y replaçais. Le filon s'est vite épuisé.

3/ Je ne sais plus quel livre j'ai lu pour la première fois en anglais. The Mill on the Floss semble le plus probable: une professeur s'était entichée de moi en seconde; quand je lui avais demandé de me prêter un Dos Passos (42e parallèle, de mémoire), elle avait jugé cela inconvenant, et m'avait prêté un George Eliot (que j'avais lu je ne sais comment, vu mon niveau de l'époque), et plus tard offert The House of the Seven Gables relié en rouge (je n'ai pas dépassé la page 60). Après mon bac, j'ai lu The Turn of the Screw. Bizarrement, je ne considère aucun de ces livres comme mon premier livre en anglais. Mon premier livre en anglais, c'est The illustrated man ou The Great Gatsby. Je ne sais plus lequel des deux j'ai lu d'abord — j'ai prêté et perdu le premier, le second n'était pas à moi.

4/ La même imprécision entoure ma première "vraie" BD (ie, ni Goscinny, ni Hergé): La Ballade de la mer salée, rue Monsieur le Prince à Paris, ou les Passagers du vent, à Blois, pendant un été de stage chez Poulain (le chocolat)? La chronologie veut que ce soit Corto Maltese, mais les souvenirs se disputent la primauté.

5/ Le premier livre de philosophie que j'ai lu est Temps et récit I, de Ricœur, en 1985. Quand je l'ai relu, en 1991, il m'a paru beaucoup plus facile.

6/ La première nouvelle de Borgès que j'ai lue était incluse dans la préface de L'Ange de l'histoire, de Stéphane Mosès, un livre sur Franz Rosenzweig, Benjamin et Scholem. C'était en janvier ou février 1995. Cette nouvelle raconte l'histoire d'un condamné à mort. Au moment de son exécution, le temps se suspend pour qu'il puisse finir l'œuvre de sa vie.


Je prie Tlön de poursuivre, avec pour contrainte six films, et Skot, avec pour contrainte six odeurs (râle pas, c'est juste un prétexte pour s'y mettre).
Et Guillaume (contrainte: six souvenirs autour de Nuruddin Farah) et Guillaume (contrainte: Balzac ou Dickens).