En janvier, j'avais découvert que Sjef Houppermans intervenait à Cerisy, ainsi que Jan Baetens et Bernado Schiavetta. Après quelques hésitations, je m'étais inscrite au colloque "La forme et l'informe dans la création moderne contemporaine".
Je suis donc à Cerisy depuis hier soir. Il pleut. Le parc et les bâtiments sont magnifiques. Il se tient dans le même temps un colloque sur la littérature latino-américaine, anniversaire du colloque "mythique" organisé par Jacques Leenhart en 1978 (sic, je n'en savais rien avant d'arriver).


Pas de billet construit, mais quelques anecdotes ou informations que je veux conserver.

Les photos omniprésentes dans le château mériteraient d'être réunies en livre. Gide est toujours très élégant et décontracté, il se débrouille toujours pour être sur le meilleur siège, y compris quand celui-ci est une chaise longue.
Ricœur, Heidegger.
Je n'imaginais pas Ricardou aussi "rockeur", on dirait Guy Gilbert (Un prêtre chez les loubards). Etonnant que RC n'y ai jamais fait allusion.

Mon voisin de table est Jacques Leenhart. Je le connais par son livre sur une lecture politique de La Jalousie de Robbe-Grillet. Sa femme est éditeur de littérature, Sabine Wespieser. Il est professeur à l'école des hautes études et s'intéresse à des domaines variés, même si ce n'est pas bien vu dans un milieu qui aime l'extrême spécialisation.
Edith Heurgon nous apprend que Christian Bourgois a donné à Cerisy les fonds de 10/18 concernant les colloques. Certains sont véritablement épuisés, mais il reste beaucoup de Butor, Robbe-Grillet, Boris Vian. Les livres sont vendus trois euros. (Quand je pense au mal que j'ai eu à trouver les deux tomes du colloque sur Robbe-Grillet).

Après le dîner, petit verre de calva et présentation sous les toits, dans le "grenier". Une ou deux chauve-souris volettent pendant les explications.

«Nous sommes un lieu de colloques international en français». La salle rit.
Edith Heurgon raconte le passage de Pontigny (créé en 1910 par Paul Desjardins) à Cerisy, quand le premier lieu sort de la famille. Après la guerre, Anne Heurtaux-Desjardins décide de poursuivre l'œuvre de son père. La bibliothèque de Paul Desjardins est vendue («On disait: "un livre, une tuile". Je regarde la charpente pensivement. Le prix du sacrifice.) Il ne reste pas d'archives de Pontigny, les Allemands ont tout emporté. Le rapport au temps n'était pas le même qu'aujourd'hui, il n'y avais qu'une intervention par jour qui n'était pas enregistrée.

L'Oulipo est né ici. Une photo montre ses fondateurs (plus un qui n'en fera pas partie, mais Jacques Peyrou ne précise pas lequel): «Le Lionnais avait insisté pour qu'il y ait une voiture d'enfant sur la photo, pour signifier la naissance. C'est la poussette de mon fils sur la photo.»

Tout le monde se présente (pendant le repas, je me suis trouvée un statut: lecteur. Ni professeur, ni étudiant, ni traducteur, ni éditeur, tout simplement lecteur.) Je m'aperçois que deux ou trois personnes sont là pour des raisons encore plus ténues que les miennes: ils accompagnent un conjoint.

Jean-Jacques Thomas précise durant sa présentation: «La première conférence de Derrida en khâgne (à laquelle il ait assisté, je suppose) portait sur la fin du livre. On peut effectivement se demander s'il faut continuer à utiliser les formes fixes comme le sonnet, ou s'il faut se tourner vers des choses plus modernes, comme la ritournelle». Tout le monde rit.

Il est prévu d'aller faire un tour aux auto-tamponneuses dans le village. Y a-t-il un feu d'artifice à Cerisy?