Cette intervention très intéressante était un véritable cours d'histoire de l'art. Elle éclairait la mise en place progressive d'une hiérarchie parmi les élus au cours du Moyen-Âge.

Peu à peu s'est mise en place l'idée que le parcours terrestre conditionne la place au Paradis.

Chasteté, pureté morale et refus de la chair sont fondamentaux pour obtenir la qualité d'élus.

Selon Origène et Jérôme, tous les élus sont égaux et occupent les mêmes places que les anges.
Cependant, une autre conception suppose des places hiérarchisées au Paradis, une proximité des élus avec Dieu plus grande selon leur rang et leur mérite. C'est ce que soutiennent par exemple Hyppolyte de Rome, Philippe et Augustin, s'appuyant sur Jean-14,2 ou le premier épître aux Corinthiens.

Origène et Jérôme reprennent Matt-22,14, «à la résurection, […] on est comme des anges dans le ciel». «Comme des anges», c'est-à-dire asexués. Jérôme précise qu'il n'y aura plus ni romains, ni barbares, ni race, ni sexe.

Pour Augustin en revanche, l'identité sexuelle sera maintenue, mais il n'y aura plus de concupiscence. Le Paradis est hiérarchisé selon l'importance du sacrifice de la chair: d'abord le martyre, puis la virginité, le veuvage, le bon mariage. Les élus obtiennent une gloire différente dans un ciel commun.

Les élus ne sont représentés qu'à partir du XIIe siècle.

'Ici nous a été projeté une image dont je n'ai pas les références. Il s'agissait du corps de Christ. Les Saints sont présents dans la tête, l'Eglise dans le corps. Conformément à la pensée d'Hypolite de Rome et de Cyprien, la liturgie de la Toussaint distingue six catégories d'élus: appartenant à l'Ancien Testament, les patriarches et les prophètes, appartenant au Nouveau Testament, les apôtres, les martyres, les confesseurs (dont les quatres docteurs de l'Eglise).

L'identité sexuelle des vierges est non spécifiée dans les textes. Ce statut sera réservé aux femmes par l'iconographie à partir du XIIIe siècle.

Pour résumer
Le rapport au corps est fondamental.
Dans les représentations, l'ordre représente le Bien et le désordre le Mal. La clarté (luminosité) est proportionnelle au mérite. Au XIIIe, la légitimation d'une hiérarchie au paradis permet de légitimer une hiérarchie terreste.

L'iconographie présente un grand décalage temporel (je suppose: un grand retard par rapport aux textes qu'ils illustrent). Par exemple, la liturgie de la Toussaint était déjà présente en 834; elle avait été imposée par le pape en France et en Germanie.


La conférencière projette deux tableaux et les commente:

- le Sacramentaire de Metz, réalisé pour Charles le Chauve. Il représente le Christ sur un trône, tel un empereur. Il y a trois registres de Saints: les apôtres (Pierre qu'on reconnaît à sa clé), (les soldats? et) les maryrs (reconnaissables à la palme), les confesseurs (portant livre et rouleau d'écritures). Le dernier registre représente les Saintes.

- la chapelle de l'église San Pantalone à Venise. Elle présente la foule des Saints. Les quatre évangélistes sont au pied du trône. Les quatre docteurs sont très différenciés : Jérôme, Grégoire le grand (la tiare), Ambroise de Milan (fouet), Augustin.