Le compte-rendu plus qu'exhaustif est chez sejan.

Donc pour Barthes et Robbe-Grillet, raconter c'est tout de suite "une vie reçue" à la façon d' "une idée reçue".

Nadja (1927) et surtout sa préface, appelée avant-dire et publiée en 1963, postule l'incompatibilité de la littérature et de la vie. Vanité de l'écriture de soi.

On trouve dans l'incipit les deux expressions "qui suis-je?", "qui je hante".
Et dans la partie centrale: qui vive?
Le livre exprime la haine du temps passé à écrire. "Témoin hagard": point de vue de ce que je hante.

  • deux remarques

1/ Blanchot dans Le Livre à venir condamne le journal intime. Mais pas Nadja, car Nadja est un récit, et Blanchot agrée les récits. Or Robbe-Grillet utilise la fable, Barthes le fragment pour leur récit de vie. Blanchot rejette ce modèle romanesque. Il accepte Nadja qui utilise la photographie. => il y a donc une contradiction sur le récit: le récit est-il impasse ou solution?

Il faut tenir compte du changement d'époque: 1950 Blanchot pouvait trouver Nadja sublime; en 1970, Barthes et Robbe-Grillet étaient suspects.

Pour Blanchot, le récit commence avec l'impuissance du témoignage. On raconte ce qu'on ne peut rapporter. Le récit est une solution.
Robbe-Grillet : le tissu vivant des détails
Barthes : tissu du texte. trame, colmater pour raconter l'irreprésentable, aplatir la notation.
Blanchot: le récit déchire le tissu du récit ordinaire de la vie.

La vie pour Blanchot : un événement qui tranche la vie. Surprise, hasard, précipice.
La vie pour Barthes: un incident du corps, c'est inénarrable. Barthes n'aime pas les surréalistres : ils ont manqué le corps.

2/ Nadja utilise les photos pour la première fois. La photo porte témoignage. Nadja, ce sont des écrit de vie avec photographies.

L'un des meilleurs écrivains découvert par Compagnon ces derniers temps: W. G. Sebald. Les Emigrants: 4 nouvelles; Austerlitz
Ne seraient-ils pas à l'origine du récit avec photos? Les photos sont disséminées dans le texte et non illustratrives. Or toute photo tire vers la mort, comme nous l'apprend par exemple la Shoah et sa non-représentation (ce qui manque à la Shoah, ce sont des photos).
Le premier texte de Sebald s'intitule Vertiges, en 1990. Il commence par un texte d'Henri Burlard qui évoque les chevaux de Napoléon — morts le long d'un col de montagne.
Ainsi, derrière les photos de vie se trouve déjà Stendhal.