J'ai entendu parler pour la première de Patrick Mauriès dans les commentaires quand j'ai parlé de Susan Sontag.

Je l'aurai rencontré moins d'un mois après, au cours du colloque Kitsch et arts scéniques.




toujours une photo de téléphone : Marie Pecorari, Patrick Mauriès, Isabelle Barbéris.

Nous avons assisté à une lecture par David Christoffel d'extraits du Second manifeste Camp, puis d'un court film de Benjamin Bodi et Laurent Charpentier présentant également des citations de ce livre.

Voici quelques notes prises lors de la table "ronde" (cf. photo ci-dessus) qui a suivi. Je vois peu à peu se dessiner une génération d'auteurs ou d'intellectuels que j'appelle "les enfants de Barthes", "les orphelins de Barthes" serait plus exact. Dieu que cet homme aura été et est encore aimé. J'espère qu'il le savait, qu'il l'aura su.



Comme d'habitude je renarrativise: il ne s'agit pas des mots exacts de Patrick Mauriès, mais de ce que j'en ai retenu, avec toutes les inexactitudes qui peuvent s'y être glissées.

L'idée de ce livre est venue à Patrick Mauriès lorsque celui-ci a découvert Candy darling, l'ami trans de Wahrol. C'était un être non assignable.

Pourquoi ce livre: pour garder une distance, pour restituer l'esprit du temps (le livre date de 1979), c'est-à-dire une jubilation, une ironie, une distance, et enfin pour appliquer la sémiologie (l'analyse du signe), qui était la culture du moment.

Ce livre n'est pas une satire, mais c'est malgré tout un jeu. Il développe cette idée devenue commune d'un artiste sans œuvre. Il s'appuie sur un texte de Susan Sontag. Il s'agissait d'un hommage à Susan Sontag, mais elle l'a très mal pris, sans doute parce qu'elle était en train de devenir très sérieuse en se tournant vers la politique. Ça s'est très mal passé (sourire embarrassé et rieur de Patrick Mauriès).

Selon Edward Gorey, le Camp est un vieux mot qui vient de l'argot de théâtre juif new yorkais.

Patrick Mauriès a bricolé son petit meccano (sic) sans intention de le publier et l'a donné à lire à Barthes. Celui-ci a donné le manuscrit aux éditions du Seuil sans même demander son avis à Mauriès.
C'était étonnant car Barthes était sérieux, pétri de culture classique, il n'était pas du tout dans cet esprit camp. Il a apprécié cette remise en cause.

remarque de Marie Pecorari: Pour moi le kitsch est moins ironique et le camp, davantage.

Patrick Mauriès mettrait le kitsh plutôt du côté du sublime, de l'excessif. Si le camp échoue, souvent cet échec est dû à une ambition trop grande.

Pour Isabelle Barbéris: le camp est une construction de l'éthos. Ce serait un très vieux mot français utilisée chez les anglo-saxons avant de revenir sur le continent. Le camp est plus politique que le kitsch. Le kitsch neutralisé glisse vers le dandysme.

Mauriès s'oppose à Sontag puisque pour elle le camp doit être naïf tandis que pour Mauriès il n'est jamais naïf. C'est peut-être une des raisons du mécontentement de Sontag, parce que d'une certaine façon Mauriès la traitait de naïve. Elle prenait tout cela très au sérieux.
Patrick Mauriès en a été très surpris, car les deux livres étaient différents, très liés à l'esprit du temps (1965 pour Sontag et 1979 pour Mauriès.)
Le livre a fait peur à Angelo Rinaldi. Il s'agissait d'une pseudo-philosophie se référant à la sémiologie, développant une idée, celle de la vie comme œuvre (// de l'artiste sans œuvre).

question d'Isabelle Barbéris: quelle place tient ce livre dans votre œuvre?
Patrick Mauriès — Je viens de sortir un tout petit livre Nietzsche à Nice. Il y a des choses qui reviennent, mais l'effet parodique est moins exploité.
Le second manifeste s'intéressait à des objets ordinaires.

remarque de Patrick Cardon: La revue FMR, ce n'était pas vraiment ordinaire !
Mauriès: oui... mais qui se serait intéressé à Capucci, etc ?

Patrick Cardon : Il y a un souci de rester victorien, un attrait pour cette période... La revue Le Promeneur ne s'intéressait quasiment qu'à des Victoriens...
Mauriès: oui... La période victorienne est une période de répression. La sexualité réprimée transparaît dans les lettres.

dans la salle: Y a-t-il eu des critiques qui n'ont pas vu l'ironie?
— Oui, Angelo Rinaldi, par exemple. Il y a eu une bonne réception dans les milieux de la Mode. Karl Lagersfeld commençait à créer. La Mode était en train de devenir un objet culturel, avec Kenzo, Chloé...
Ce sont des années qui ont été jubilatoires. C'était la création en s'amusant.


Le Second manifeste Camp est disponible dans deux ou trois bibliothèques en France et est introuvable. Patrick Mauriès n'a pas semblé opposé à la proposition de Patrick Cardon de le rééditer.