Nouvelle traduction d'Olivier Le Lay, première traduction intégrale en français si j'ai bien compris (j'ai du mal à y croire: avait-on réellement caviardé ce texte, qui ne tient que par son rythme, sa puissance d'évocation des vies qui passent, des informations dérisoires, des grands textes mythologiques ou bibliques? Qu'en restait-il? Qu'avait-on enlevé?)

Compte-rendu sans spoiler, ne donnant rien d'autre que quelques impressions et un avertissement: ici, vous n'apprendrez rien mais vous serez emporté dans le flot irrésistible de la vie: inutile de se débattre, mieux vaut se laisser porter par le courant.

Trois piliers : le livre de Job, le sacrifice d'Isaac, la description des abattoirs. Une vie broyée mais étrangement broyée, broyée doucement, insensiblement. Tout le livre nous le répète, Franz Biberkopf (le héros) "n'a pas compris", ne comprend pas ce qui lui arrive. Il se rebelle, fait des plans, veut diriger sa vie. «Il n'a pas encore compris», nous répète le texte.
Et pourtant, dans les faits, ce héros paraît bien passif et bien peu rebelle, un peu ivrogne, un peu brutal, un peu benêt mais moins qu'il ne devrait l'être pour être heureux sans se poser de questions.

Suite à un dialogue avec la mort, Franz "comprendra". Mais pas le lecteur, laissé seul face à cette absence de révélation concrète: que s'est-il passé? En quoi la vie de Franz après la révélation est-elle différente de sa vie avant? Pas de réponse nette, pas de réponse.

Grande poésie du texte, traduction lancinante des rythmes, tramways et comptines.

Envie de reprendre Voyage au bout de la nuit, pour comparer, pour entendre une autre voix, de la même époque.