Assis sur le parapet de pierre à pic sur la mer, des enfants en haillons chantaient, les yeux au ciel, la tête légèrement inclinée sur l'épaule. Ils avaient le visage émacié et pâle, les yeux aveuglés par la faim. Ils chantaient comme chantent les aveugles, la tête renversée, les yeux tournés vers le ciel. La faim humaine a une voix merveilleusement douce et pure. Il n'y a rien d'humain dans la voix de la faim. C'est une voix qui naît d'une zone mystérieuse de la nature de l'homme, où prend racine ce sens profond de la vie qui est la vie elle-même, notre vie la plus secrète et la plus vivante. L'air était limpide, et doux aux lèvres. Une légère brise embaumant l'algue et le sel montait de la mer, le cri plaintif des mouettes faisait frissonner le reflet de la lune sur les flots, là-bas, au fond de l'horizon, le pâle spectre du Vésuve se noyait lentement dans la brume argentée de la nuit. Le chant des enfants faisait plus pur et plus abstrait ce paysage inhumain et cruel, si étranger à la faim et au désespoir des hommes.

Curzio Malaparte, La Peau, p.50 (2008)