Il revint aux yeux et c'est alors qu'il la reconnut: la princesse enlevée et retenue captive par le dragon. Il avait égaré le livre, mais il revit soudain la page dans tous ses détails. La jeune fille était enchaînée dans une grotte, et l'horrible dragon crachait sur elle des nuages de fumée. Elle regardait bravement le dragon en face. Quand on lui avait donné le livre, il ne savait pas lire: il devait avoir quatre ou cinq ans. Sa mère et sa sœur aînée lui avaient lu si souvent l'histoire qu'il la connaissait par cœur; n'empêche qu'il continuait à leur apporter le livre pour se faire lire le conte. Le dragon était tué par le chevalier aux longs cheveux noirs. Sa haine pour le chevalier avait presque égalé celle qu'il éprouvait pour le dragon, et il avait fini par les détruire tous les deux en frottant patiemment les images de son doigt mouillé jusqu'à les faire disparaître. Mais il n'avait pas effacé Madelin.

Jan Van de Wetering, Le Massacre du Maine, p.85 (Rivages noir)