Paris, jeudi 24 octobre 1968

…Ainsi me suis-je trompé en écrivant il y a quelques jours, à propos de Présent passé, passé présent d'Eugène Ionesco, que "plus nous vieillissons, plus notre enfance nous redevient présente…" . Je parlais de l'enfance, il est vrai, et je n'étais plus un enfant en 1930.

Cet article, paru dans Le Figaro du 14 octobre 1968, doit être évoqué ici pour une autre raison encore. C'est en l'écrivant (après avoir lu Ionesco) que mon ancien projet de composer le Temps immobile s'est de nouveau imposé à moi et de façon telle que j'en ai vraiment commencé la réalisation. J'espère, cette fois, non le mener à son terme (il s'agit d'une entreprise interminable) mais le conduire assez loin si le temps n'en est laissé.

Et voici que je mesure ma chance: j'ai noté, moi, sinon tout, du moins beaucoup de ce que, de jour en jour, a perdu Eugène Ionesco, et depuis tellement longtemps que je dispose de matériaux si considérables qu'ils m'écrasent. Moins long de la moitié, mon Journal serait moitié plus utilisable.

Claude Mauriac, Le Temps immobile, p.407