Sa lutte contre François d'Assise devait grandir l'empereur; tout le cours de sa vie le démontre. François d'Assise, le plus grand contemporain du Hohenstaufen, fut le porteur de la force adverse véritable, la force secrète contre laquelle Frédéric II était destiné dès le berceau à se dresser et à rassembler toutes les forces du monde. Plusieurs décennies plus tôt, l'abbé Joachim de Flore avait annoncé l'avènement de l'un et de l'autre, de cette force et de son adversaire. Un fondateur d'ordre devait ramener le temps du Christ et des apôtres, rajeunir l'Eglise, et un empereur devait flageller l'Eglise rajeunie. Et, conformément au mythe, l'abbé Joachim a désigné le fils d'Henri VI comme le futur instrument du châtiment, celui qui porterait la confusion dans le monde, comme le proche précurseur de l'Antéchrist. Les deux idées étaient très voisines, un renouvellement de la personne du Christ devant nécessairement engendrer l'Antéchrist.

Ernst Kantorovicz, L'Empereur Frédéric II, p.155