Les indulgences

D'autres mesures menèrent à leur tour au commerce, tristement célèbre, des indulgences. Des foules de moines mendiants, dûment informés, étaient envoyés pour répandre dans le peuple les sentences d'excommunication et de déposition. Pour cette mission, les moines devaient utiliser toutes les occasions de rassemblement de foules, c'est-à-dire les processions, les messes, les marchés. Ils avaient en outre l'obligation de faire suivre toute prédication de l'invitation à prendre la croix contre Frédéric. Mais, afin de ne pas affaiblir  inopportunément la croisade prêchée contre Frédéric et ses fils, le pape Innocent interdit secrètement, de la façon la plus stricte, qu'on prêcha aussi la croisade en Terre sainte — et cela à l'instant précis où Saint Louis préparait la sienne.  Le seul fait d'avoir écouté un prêche exhortant à la croisade contre Frédéric II valait une indulgence de quarante à cinquante jours accordée par le pape et celui qui prenait la croix avait droit aux mêmes indulgences que les croisés qui combattaient contre les Sarrasins. Et si, ensuite, on se faisait relever de ce vœu de croisade en payant, la rémission des péchés subsistait. Aussi, beaucoup se croisaient-ils uniquement pour se faire relever immédiatement de leur vœu en versant une somme d'argent et se dégager de leurs péchés par ce rachat. Ce procédé n'était pas tout à fait nouveau. Il était possible depuis longtemps déjà de se dégager du vœu de croisade en versant une somme d'argent. Mais cet argent était utilisé précisément pour la croisade, alors que désormais il ne représentait plus qu'une nouvelle source de revenus pour l'Eglise et le clergé et un moyen pour combattre l'empereur. Dès lors que l'on fit abstraction de la fiction d'une croisade et que les indulgences furent accordées immédiatement contre de l'argent, le commerce des indulgences s'établit. Et c'est ce commerce qui donna finalement l'impulsion extérieure au schisme du XVIe siècle, c'est-à-dire à la Réforme.

Ernst Kantorowicz, L'Empereur Frédéric II, p.560

Dieu

—… GENTIL? GENTIL! Comment pouvez-vous dire une chose pareille, malheureuse! Vous avez entendu , Mère Antoinette: Dieu est gentil… Mère Adélaïde glapissait d'une colère noire. Et c'était gentil, peut-être, petite sotte, de détruire Sodome et Gomorrhe? C'était gentil, le déluge? C'était gentil de demander à Abraham de sacrifier son fils?

Et d'un grand coup de béquille sur le bureau.
—Sachez, jeunes filles, que Dieu n'est pas gentil, il est bon. Dieu n'est pas niais…

Alix de Saint-André, L'Ange et le réservoir de liquide à freins, Folio, p.260

Pauvres de nous

Avec Catherine Garraude, Mère Adélaïde avait perdu le seul être humain qu'elle aimât vraiment. Les autres, elle les aimait bien sûr comme elle-même, selon le commandement; c'est-à-dire pas beaucoup.

Alix de Saint André, L'ange et le réservoir de liquide à freins, p.255
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