Psalm

Niemand knetet uns wieder aus Erde und Lehm,
niemand bespricht unsern Staub,
Niemand.

Gelobt seist du, Niemand,
Dir zulieb wollen
wir blühn.
Dir
entgegen.

Ein Nichts
waren wir, sind wir, werden
wir bleiben, blühend :
die Nichts-, die
Niemandsrose.

Mit
dem Griffel seelenhell,
dem Stabufaden himmelswüst,
der Krone rot
vom Purpurwort, das wir sangen
über, o über
dem Dorn.

Paul Celan, in La Rose de personne, bilingue, éditions Corti.

Traduction de Martine Broda
Psaume

Personne ne nous repétrira de terre ou de limon,
personne ne bénira notre poussière.
Personne.

Loué sois-tu, Personne.
Pour l'amour de toi nous voulons
fleurir.
Contre
toi.

Un rien
nous étions, nous sommes, nous
resterons, en fleur ;
la rose de rien, de
personne.

Avec le style clair d'âme,

l'étamine désert-des-cieux,
la couronne rouge
du mot de pourpre que nous chantions
au-dessus, au-dessus de
l'épine.



J'ai trouvé dans un forum quelques remarques sur cette traduction, remarques que je laisse à votre appréciation:

« Celan connaissait l'hébreu, et son "gelobt seist du" ne peut être que "baroukh ata", c'est à dire "béni sois-tu", qui est le début de tant de prières juives. Son "entgegen" évoque le "contre" de la création de la femme "ezer kenegdo". Parce que "entgegen" évoque en même temps proximité et opposition, comme l' "aide contre lui" que donne Hachem Yitbarakh à l'homme en le séparant en ses parties mâle et femelle.
Quant au Niemand et au Nichts à la place de Dieu, il ne s'agit pas d'un blasphème comme on pourrait le croire d'une lecture rapide, mais de la réévocation du nom mystique de Dieu "ein sof" (Il n'y a pas de fin), souvent abrégé en "ein".»

Ainsi ce psaume est véritablement un psaume, une prière adressée à Dieu, ce qui m'amène à poser la question suivante:

Mit dem Griffel seelenhell, dem Stabufaden himmelswüst, der Krone rot vom Purpurwort, das wir sangen…

Ne faut-il pas traduire :
«Avec (…), cela nous le chantions …»; c'est-à-dire que par-delà nos souffrances nous bénissions Dieu (nous continuions de bénir Dieu), au-dessus de l'épine s'élevaient nos bénédictions (sous-entendu: nos louanges étaient offertes, aussi offertes et inexplicables et obstinées que nos souffrances, aussi gratuites que l'épanouissement de la rose au désert (etc.), la couronne et l'épine renvoyant au sacrifice christique (etc. de nouveau));
plutôt que
«Avec (…) la couronne rouge du mot de pourpre que nous chantions…» dont je saisis mal le sens?