Je prends de l'argent au distributeur. Il me faut de la monnaie pour la machine à café. Je pense à l'automate de la poste du Cnit pour obtenir des pièces, mais la poste du Cnit, qui ne me déçoit jamais quand il s'agit de me décevoir, est fermée pour travaux.
Alors je décide d'aller à la Fnac, pour y trouver un truc pas trop cher.

Au passage j'épelle "Teilhard" à une vendeuse qui cherche sur son écran en interrogeant deux vieilles dames: «Théière?» Elles ne savent pas (et je me demande comment on peut avoir l'idée de chercher un livre de Teilhard sans savoir qui il est. Pour un petit-neveu, peut-être?)

Je vais au rayon religion (la dernière fois au Virgin j'avais trouvé un Wénin, je cherche un Boyarin, sait-on jamais) qui se trouve au même endroit que la spiritualité, la sociologie et la psychologie (un peu comme si on avait décidé de mettre tous les charlatanismes ensemble). J'aime bien cet endroit, on y trouve toujours des livres bizarres.
J'en feuillette plusieurs (Le Petit Prince adapté à la vie de bureau…) dont Pourquoi l'amour fait mal d'Eva Illouz. Ce n'est pas un livre érotico-sentimentalo-psychologique, mais une étude socio-économique sur les mutations de l'amour (ce qu'on entend par amour et ce que l'on attend de l'amour) dans un monde d'égaux où l'on ne croit plus au sacré. En fait, pour se donner une idée du livre, il suffit de savoir que l'autre titre de l'auteur traduit en français s'intitule Les sentiments du capitalisme («Aurait-on oublié que les sentiments sont des acteurs majeurs de l'histoire du capitalisme et de la modernité? et qu'elle a favorisé le développement d'une nouvelle culture de l'affectivité engageant le moi privé à se manifester plus que jamais dans la sphère publique?»)
Bref, un livre sérieux dont je note ici les références en attendant d'avoir du temps à y consacrer.

Je repars avec le livre de Jaddo, Juste après dresseuse d'ours. J'en aime le ton et les histoires courtes. Ce n'est pas du tout le même angle que celui du Dr Borée qui lui raconte ses aventures de médecin généraliste à l'ancienne (le médecin de famille, disait-on chez nous: Loin des villes, proches des gens).
Jaddo, c'est plutôt des aperçus de ses années d'études, de ses stages, de ses indignations (elle a l'indignation fréquente et spontanée, j'aime bien) contre le système (absurde), les pontes (arrogants), les patients (imprécis ou sans gêne).

Je ne vais pas citer le drôle ou l'indignant (se reporter au blog ou au livre), juste l'utile (je n'aurais jamais pensé que c'était si important, les médicaments que l'on prenait):
Alors très sérieusement, maintenant, un MESSAGE DE SANTE PUBLIQUE:
Soit on est capable de donner tout son traitement de tête, sans oublier un médicament et sans oublier les posologies ni la durée du traitement, soit on a toujours sur soi une fiche cartonnée avec la liste de ses médicaments.
Si vous avez un mère ou une grand-mère qui n'a plus toute sa mémoire, vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Le prochain médecin qui la verra aux urgences construira un petit autel avec des bougies en hommage autour d'une photo de vous.
Et potentiellement, vous, vous sauverez la vie de votre grand-mère.

Jaddo, Juste après dresseuse d'ours, presses pocket, p.118-119