Encore un massacre à l'arme automatique aux Etats-Unis. Comme lors de l'attentat de Nouvelle-Zélande en mars dernier, le meurtrier évoque le «Grand remplacement», expression lancée par Renaud Camus il y a quelques années1; Renaud Camus dont la défense consiste à dire que les assassins ne l'ont pas lu (il s'agirait donc d'une malheureuse coïncidence?2). Je me demande combien de nazis avaient lu Mein Kampf. Parfois j'ai l'impression que c'était surtout les opposants à Hitler qui l'avaient lu).

— Malheureuse, quelle analogie es-tu en train de faire!
— Cette analogie s'appuie sur une remarque de Tzedorov dans Face à l'extrême: les décisions ou les actes3 que nous devons prendre ou poser en temps de paix sont les mêmes qu'en temps de guerre. Ce sont leurs conséquences qui diffèrent.

Je me souviens de cette interview dans le cadre des manifestations de Charlottesville en août 2017. Les néo-nazis (croix gammée et KuKluxKan) chantaient: «ils ne nous remplaceront pas», «les juifs ne nous remplaceront pas». Deux ans déjà.

Soit RC est bête à manger du foin4 et il ne voit réellement pas le danger à exprimer une pensée qui encouragent des fous furieux; soit il est de mauvaise foi et il se rend parfaitement compte de ce qu'il fait, mais il trouve que la haine du juif, du noir, du musulman, est un faible prix à payer si cela doit préserver «la race blanche» ou «la civilisation occidentale»5 de la «mixité»6 ou du «remplacement».
Je penche pour la deuxième solution.

Réveillée vers trois heures du matin par la pensée de ce dessin de juillet dernier représentant Trump attisant la haine des suprémacistes. On ne saurait mieux résumer ce que je pense des positions camusiennes.





Note
1 : c'est même le titre d'un livre. L'éditeur peut se frotter les mains, il va sans doute y avoir un contrat de traduction.
2: ne prenons pas de risque et précisons: ironie!
3: car les paroles, à plus forte raison publiques, sont des actes («quand dire, c'est faire»).
4: quels que soient par ailleurs ses talents d'écriture : un artiste mais pas un intellectuel.
5: ce qui est à peu près synonyme chez lui (je l'imagine déjà écrire trois pages pour démontrer que c'est faux, que je l'ai mal compris (il aime tant démontrer qu'on ne l'a pas lu et mal compris — tant que je finis par me demander si ce n'est pas plus important pour lui que d'être lu et compris — à tel point qu'à chaque fois qu'il a commencé à être reconnu par la presse (avec le chien Horla, les Demeures, un mea culpa de la presse lent et progressif), il a aussitôt fait le nécessaire pour être détestable), que «ce qu'il voulait dire c'est que…», dans sa fameuse technique qui consiste à insister sur un détail dans l'espoir de démontrer que le reste de la démonstration ne tient pas. Hélas pour lui, ce n'est pas une démonstration mais un tableau, et ce n'est pas parce qu'on a peint de travers un arbre dans un coin que l'ensemble du tableau n'est pas valable.)
6: la haine de la mixité est davantage le cheval de bataille de Richard Millet que celui de Renaud Camus.