Billets pour la catégorie Antoine Compagnon 2009 :

27 janvier 2009 - L'importance de la photographie

Le compte-rendu plus qu'exhaustif est chez sejan.

Donc pour Barthes et Robbe-Grillet, raconter c'est tout de suite "une vie reçue" à la façon d' "une idée reçue".

Nadja (1927) et surtout sa préface, appelée avant-dire et publiée en 1963, postule l'incompatibilité de la littérature et de la vie. Vanité de l'écriture de soi.

On trouve dans l'incipit les deux expressions "qui suis-je?", "qui je hante".
Et dans la partie centrale: qui vive?
Le livre exprime la haine du temps passé à écrire. "Témoin hagard": point de vue de ce que je hante.

  • deux remarques

1/ Blanchot dans Le Livre à venir condamne le journal intime. Mais pas Nadja, car Nadja est un récit, et Blanchot agrée les récits. Or Robbe-Grillet utilise la fable, Barthes le fragment pour leur récit de vie. Blanchot rejette ce modèle romanesque. Il accepte Nadja qui utilise la photographie. => il y a donc une contradiction sur le récit: le récit est-il impasse ou solution?

Il faut tenir compte du changement d'époque: 1950 Blanchot pouvait trouver Nadja sublime; en 1970, Barthes et Robbe-Grillet étaient suspects.

Pour Blanchot, le récit commence avec l'impuissance du témoignage. On raconte ce qu'on ne peut rapporter. Le récit est une solution.
Robbe-Grillet : le tissu vivant des détails
Barthes : tissu du texte. trame, colmater pour raconter l'irreprésentable, aplatir la notation.
Blanchot: le récit déchire le tissu du récit ordinaire de la vie.

La vie pour Blanchot : un événement qui tranche la vie. Surprise, hasard, précipice.
La vie pour Barthes: un incident du corps, c'est inénarrable. Barthes n'aime pas les surréalistres : ils ont manqué le corps.

2/ Nadja utilise les photos pour la première fois. La photo porte témoignage. Nadja, ce sont des écrit de vie avec photographies.

L'un des meilleurs écrivains découvert par Compagnon ces derniers temps: W. G. Sebald. Les Emigrants: 4 nouvelles; Austerlitz
Ne seraient-ils pas à l'origine du récit avec photos? Les photos sont disséminées dans le texte et non illustratrives. Or toute photo tire vers la mort, comme nous l'apprend par exemple la Shoah et sa non-représentation (ce qui manque à la Shoah, ce sont des photos).
Le premier texte de Sebald s'intitule Vertiges, en 1990. Il commence par un texte d'Henri Burlard qui évoque les chevaux de Napoléon — morts le long d'un col de montagne.
Ainsi, derrière les photos de vie se trouve déjà Stendhal.

séminaire 3 : Bernard Sève - Témoin de soi-même? Modalités du rapport à soi dans les Essais de Montaigne.

Je continue à ne noter que quelques pistes pour moi-même (des références, principalement) sans beaucoup me préoccuper des articulations logiques et vous renvoie à sejan pour une recension minutieuse et parfois plus qu'exhaustive.


20 janvier 2008

On a souvent dit que Les Essais avait une dimension picturale (faire son portrait, cf. D. Arasse).

Ici, une autre approche: Montaigne témoin de lui-même, dans sa force (les actes) et sa faiblesse (les cogitations informes)

Les Essais : oralité. Ils ont souvent été dictés => la vraie forme du témoignage.

Montaigne était magistrat: on remarque l'importance du style judiciaire et les traces de la procédure.
Pas de trame dans les témoignages déposés en justice: c'était interdit par le code de procédures. La parole était erratique par obligation.
rappelle (ou explique) le style judiciaire des Essais. Ajout de majuscules (correction de Montaigne sur les manuscrits) au milieu des phrases pour marquer des scanssions, marquer le rythme de la voix.

3 sortes d'historiens: ceux qui fournissent tout en vrac, ceux qui sont excellents, et entre les deux, ceux qui gâchent tout en en faisant trop.

20 janvier 2009 - Trois tentatives d'écritures personnelles contemporaines.

Le compte-rendu exhaustif est chez sejan.

  • Alain Robbe-Grillet. Le Miroir qui revient - paru en 1983

Pas le seul. Egalement Nathalie Sarraute dans Enfance, la même année.
Robbe-Grillet : a commencé Le Miroir qui revient en 1976, l'a abandonné, l'a repris en 1983. Entre les deux, il était devenu possible de tenir son journal. C'est une démarche plutôt étrange de la part d'un auteur qui se voulait contestataire. Pourquoi attendre que cela devienne possible?
Solution trouvée: réécrire le passé comme subversif. Donner une autre cohérence au Nouveau Roman: "je n'ai jamais parlé d'autre chose que de moi" déclare (à peu près) Robbe-Grillet. Les Gommes, La Jalousie, c'était déjà de l'écriture personnelle. => Le passé est réécrit pour le rendre cohérent avec le présent.

Clive James, romancier australien, dans l'incipit de Unreliable Memories : l'incipit annonce que les premiers romans sont souvent des autobiographies déguisées, ceci est un roman déguisé.

Préjugé de Robbe-Grillet (à propos de Stendhal): l'abondance et la rapidité, l'absence d'efforts sont synonyme d'absence de qualité.
Pour Robbe-Grillet, l'écriture falsifie l'existence par le canon romanesque qui suppose une sélection et une simplification. L'utilisation de l'imparfait, de l'adjectif, les liens de causes à conséquences sont autant d'interprétation, relèvent de l'idéologie de l'interprétation.
On retrouve ici les critiques de Valéry pour Pascal: trop beau pour être vrai.
cf. Benveniste : il y a deux temps, celui du discours et celui de l'histoire.

La vie racontée devient romanesque, "toute réalité est indescriptible" => procès des formes littéraires.
Il n'y a pas d'issue. Robbe-Grillet décide d'organiser des fables.

  • Roland Barthes par Roland Barthes : "Tout ceci doit être considéré comme dit."

Ce n'est pas la même tactique car l'ennemi n'est pas le même: l'ennemi, c'est le récit.
1968 : annonce de la mort de l'auteur
1971 : apparition des biographèmes dans S/Z et retour amical de l'auteur. L'auteur n'organise pas de cohérence forte, il organise ou met en scène le liens entre quelques détails ténus. Il y a pluralité de détails.

Georges Gusdorf, spécialiste de l'autobiographie, a été très dur pour RB par RB'': c'est une parodie d'autobiographie, une fuite, sans recherche de cohérence, sans récit. Il s'agit de fragments non sertis. Pas de récit (on pense à Proust qui a passé la fin de sa vie à sertir les passages qu'il avait déjà écrit.)

Fragments non sertis, pas de récit : c'est ce à quoi on assiste aujourd'hui.

  • Najda de Breton: pour la semaine prochaine. Apparition de la photographie comme élément central.

séminaire 2 : Franck Lestringant - Témoigner au siècle des Réformes : le témoin et le martyr

Ceci ne sont que des notes pour moi-même. Je vous renvoie à sejan pour une recension minutieuse.


13 janvier 2008

Agrippa d'Aubigné (protestant) : «Ce n'est pas la peine qui fait le martyr, c'est la cause.»

Toutes les victimes ne sont pas martyrs. On songe aux homosexuels qui se sont suicidés en silence. Avec Corydon, Gide espère écrire un témoignage qui sauvera des vies.

l'histor / le martus : l'historien / le martyr
- l'historien: celui qui a vu. Un œil qui écrit. Il pèse les deux parties, ajoute le passé au présent et se tourne vers l'avenir.
- le martyr : une vérité engagée.

François Hartog pense qu'à notre époque le témoin tend à prendre le pas sur l'historien.

13 janvier 2009 - La littérature doit être impersonnelle

Le compte-rendu exhaustif est chez sejan.

Blanchot: s'il y a de la vie, il n'y a pas d'œuvre. Ecrire la vie: une naïveté. La vie ne précède pas la littérature.
Le langage est le non-moi, ce qui ne coïncide pas avec le moi.
Blanchot après 1940: "absence d'être". «Je me nomme, c'est prononcer mon chant funèbre».
cf. Brunetière: la littérature est impersonnelle. Blanchot note à propos de Kafka: Kafka remarque dans son journal qu'il est entré en littérature dès qu'il a pu substituer le il au je.
Blanchot: «Celui qui ne fait rien de sa vie écrit qu'il ne fait rien et voilà donc quelque chose de fait.»

Pourquoi des gens comme Virginia Woolf ont tenu un journal? Parce que la littérature fait peur. On conserve un journal pour garder un contact avec soi.

Amiel dit: le journal, c'est la méditation du zéro sur lui-même.
Le journal est un piège. Il donne l'impression d'écrire et de vivre alors qu'en fait on n'a ni écrit ni vécu. Blanchot parle de "paresse ocuppée» dans Faux pas.

Il y a un manque de sincérité dans le journal. Ecrire je suis seul suppose déjà un lecteur. Pour Blanchot, la littérature à la première personne est un paradoxe. Valéry trouve les Pensées de Pascal trop belles dans les formes: l'auteur ment.
Valéry: «il ne faut pas confondre l'homme qui a fait l'ouvrage avec l'homme qu'elle fait supposer.

Introduction au thème des séminaires : le témoignage

Je continue à ne noter que quelques pistes pour moi-même (des références, principalement) sans beaucoup me préoccuper des articulations logiques et vous renvoie à sejan pour une recension minutieuse et parfois plus qu'exhaustive.

6 janvier 2008

En l'absence d'intervenant, Antoine Compagnon a profité de la seconde heure pour introduire le thème des séminaires de cette année: les témoignages.

Le témoignage: ne pas se présenter comme un exemple, mais comme un exemplaire.[1].

Le témoignage transporte dans le temps et l'espace.
La problématique du témoignage est très bien expliquée dans les premières lignes de Journal d’un homme de quarante ans de Jean Guéhenno. (1934)
L'écriture du témoignage naît avec les tranchées de 14-18.

A la lecture d'un témoignage, il n'est pas possible pour le lecteur de faire la part entre le type (général, lieu commun) et le tic (idiosyncrasie, anecdote).

D'après Chateaubriand dans ltinéraire de Paris à Jérusalem, les qualités d'un témoignage sont la fidélité, la neutralité, l'exhaustivité.
Montaigne veut un témoin simple, pas trop instruit, afin d'éviter l'amplification, la littérature.

autopsie: voir par soi-même.
Elizabeth Loftus en 1979 a démontré la faiblesse des témoignages dans Eyewitness testimony.
Compagnon cite également Témoins de Jean Norton Cru, qui montre comment les mêmes mythes traversent les récits des poilus.

Notes

[1] Le témoignagne est donc pris ici comme le récit de personnes inconnues, n'ayant rien de remarquable, sans légitimité politique ou artistique qui expliquerait qu'elles écrivissent des mémoires.

6 janvier 2009 : faire de sa vie une œuvre

Je ne ferai pas de compte-rendu exhaustif cette année, mais un seul et même post repris de semaine en semaine reprenant les quelques idées et références que je pense pouvoir m'être utiles.
Pour quelque chose de complet, voir sejan.

Barthes n'a pas prononcé le 19 janvier 1980 les mots qu'il avait prévus de prononcer et que l'on trouve aujourd'hui dans la version publiée de son cours Préparation du roman.
Faire de sa vie une œuvre: Chateaubriand, Proust, Stendhal, Gide, Montaigne.
L'écriture n'est plus l'enregistrement de la vie qui passe, mais la transformation de la vie par l'écriture. Il s'agit d'écrire la mort.

Pourquoi Barthes n'a-t-il pas prononcé ces phrases? L'écriture biographique était alors très mal vue dans les milieux qui l'entouraient, à droite comme à gauche.
On accusait les écritures du Moi
- soit de trop raconter le Moi (abus. critique de droite. maître à penser: Julien Benda avec La littérature byzantine.)
- soit de ne pouvoir le faire (aporie. critique de gauche. maître à penser Maurice Blanchot)

Benda reprenait une réflexion de Brunetière dans un article paru dans La Revue des deux mondes, "L'écriture personnelle". Brunetière y démontrait que l'écriture personnelle s'attache à l'individu contre le général, à l'anecdote (le bizarre) contre le lieu commun.

Une troisième voie est offerte par Jean Paulhan qui dans Les fleurs de Tarbes propose de partir du lieu commun à la recherche de la littérature.

Un peu de cuistrerie : je prévois deux citations à venir, une de Barthes «Dès lors le but de tout ceci n'est-il pas de se donner le droit d'écrire un "journal"?» ("Roland Barthes par Roland Barthes", p.90) et une de Proust «[...] c'est ici que je [Odette] travaille» (sans d'ailleurs préciser si c'était à un tableau, peut-être à un livre, le goût d'en écrire commençait à en venir aux femmes qui aiment à faire quelque chose et à ne pas être inutiles)» (A l'ombre des jeunes filles en fleurs p 616, Pléiade T1).

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