Le personnage du Christ était moins abandonné à l'imagination personnelle que les autres, car le XVe siècle avait encore la chance de penser qu'il existait un témoignage direct de l'apparence du Christ, celui d'un compte rendu émanant d'un certain Lentulus, gouverneur de Judée, et adressé au Sénat romain:

Un homme de taille moyenne ou petite, et très distinguée, d'apparence si impressionnante que ceux qui le regardent l'aiment ou le craignent. Ses cheveux sont couleur de noisette mûre et descendent jusqu'à la hauteur des oreilles pour tomber ensuite en boucles épaisses et luxuriantes jusqu'aux épaules. Par-devant, les cheveux sont partagés en deux par une raie médiane, selon l'usage des Nazaréens. Son front est vaste, poli et serein; son visage est dépourvu de rides ou de marques, et s'embellit d'un teint légèrement rosé, à peine perceptible. Son nez et sa bouche sont sans défaut. Sa barbe est épaisse et ressemble à la première barbe d'un jeun homme, elle est de la même couleur que les cheveux; elle n'est pas particulièrement longue et se divise en deux parties. L'aspect de l'homme est simple et réfléchi. Ses yeux sont brillants, mobiles, clairs, resplendissants. Il est terrible quand il blâme, doux et aimable quand il exhorte. Il est rapide dans ses mouvements mais garde toujours sa dignité. Personne ne l'a jamais vu rire, mais on l'a vu pleurer. Il est large de poitrine et droit; ses mains et ses bras sont délicats. En paroles, il est sérieux, sobre et modeste; il est le plus beau d'entre les fils des hommes.

Michaël Baxandall, L'Oeil du Quattrocento