Billets pour la catégorie Citations RC :

Kairos

Minuit moins le quart. J'aurais dû noter sur le moment (il faut toujours tout noter sur le moment — après ce n'est plus la même chose…)

Renaud Camus, Parti pris, journal 2010, p.127

L'Etat contre l'esprit d'entreprise, une vieille tradition française

Le thème de la complication extrême du droit français des affaires, des bâtons qu'il met dans les roues des entrepreneurs et des investisseurs, et des périls qu'il implique pour eux, est très présent chez Nobel à la fin de sa vie. Il le sera plus encore chez Sohlman après la mort du chimiste — mais alors il s'agira plutôt des droits de succession: tout, absolument tout, plutôt que le système français; la domiciliation à éviter à tout prix sera celle de l'avenue Malakoff qui avait pourtant offert à Nobel sa plus durable adresse, d'autant qu'il avait gardé possession de son hôtel parisien jusqu'à la fin de ses jours.

Renaud Camus, Demeures de l'esprit - Italie, Nord, p.19 (Fayard, 2012)

People

D'ailleurs Renaud et Romane, tout en reconnaissant avoir traversé comme tous les couples des moments difficiles, démentent absolument les rumeurs de séparation.

J.-R.G. du Parc & Denise Camus, Travers Coda, Index et Divers, p.92



(Comme souvent, la page indiquée dans l'index pour Travers Coda est fausse: apparemment, il s'est produit un décalage de deux pages à un moment donné de la fabrication du livre.)

Non, rien

Il aurait pu se calfeutrer dans un seul étage, et le faire bien chauffer. Le croire serait mal le connaître. Il s'est installé dans la tour.

Renaud Camus, Roman Furieux (1986), p.177

Manque de sérieux

(Combien d'entre nous auront été jugés débiles par tel ou telle pour avoir préféré une comédie américaine bien ficelée au dernier drame psychologique et social hongrois ou ruthène?)

Renaud Camus, Buena Vista Park, Hachette, 1980, p.98

De Nostradamus à Derrida

[…] Nostradamus serait abscons par esprit de tolérance et désir de neutralité. Ce trait, l'obscurité, pourrait aussi bien valoir au prophète versificateur une place au sein de la longue lignée des poètes et penseurs hermétiques, du trobar clus à Mallarmé, d'Héraclite («Ils m'ont appelé l'Obscur») à Lacan ou Derrida, […]

Renaud Camus, Demeures de l'esprit, France Sud-Est, p.169

Plaisir fétichiste

… la cohorte plus étroite des amateurs de confitures.

Renaud Camus, Demeures de l'esprit - France Sud-Est, p.170

Clin d'œil geek

Je dirai, pour l'instruction des biographes,
Que son corsage avait quarante-deux agrafes.

Tristan Derème cité par Renaud Camus in Demeures de l'esprit - France Sud-Est, p.100

Camus

L’adjectif camus présente en effet la particularité de ne pouvoir qualifier, pratiquement, qu’un seul substantif.

Vaisseaux brûlés, 1-3-8-2-1


CAMUS, USE, adj. et subst.
I. Adj. cf. camard I)
A. [En parlant d'une pers., de son visage; d'un animal] Qui a le nez (le museau) court et aplati.
Au fig., fam. Désappointé, penaud.
Rendre un homme camus. ,,Le réduire à ne savoir que dire.`` (Ac. 1835, 1878). ,,Il voulait faire le capable, on l'a rendu bien camus`` (Ac. 1835, 1878).
B. [En parlant du nez d'une pers., du museau d'un animal] Aplati, écrasé.

II. Subst. (cf. camard II)
A. Camus, camuse. Personne qui a le nez court et aplati.
B. Par dénomination vulg. d'animaux.
1. Camus, subst. masc. ,,Dauphin ordinaire`` (BESCH. 1845)[1]; ,,poisson du genre polynème`` (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.).
2. Camuse, subst. fém., arg. Carpe (qui a un rudiment de museau) (cf. ESN. 1966).


Je suis bien assuré que la cause que maintenant que je traite serait vidée en une seule parole de vérité évidente [Mt 7, 12]. Car il ne faudrait que dire à ceux qui forcent les consciences d'autrui: voudriez-vous qu'on forçât les vôtres? Et soudainement leur propre conscience, qui vaut plus que mille témoins les convaincrait tellement qu'ils en demeureraient tout camus.

Sébastien Castellion, Conseils à la France désolée (1562)

Notes

[1] Je viens de comprendre pourquoi les dauphins apparaissent dans les Églogues! (généralement accompagnés d'Orion ou de Gide (Urien))

Exactement

[…] je ne sais pas si je m'explique bien, mais ceux qui savent déjà tout cela me comprendront sans mal.

Renaud Camus, Demeures de l'esprit - Suède, p.35

Dickens et Andersen

Quant à Dickens: Andersen, au cours de ses innombrables voyages, va le voir et séjourne longuement au sein de sa famille. Après son départ, Dickens fait apposer sur la porte de la chambre qu'il a occupé un écriteau proclamant qu'en cette pièce Hans Christian Andersen, le grand écrivain danois, a passé cinq semaines, lesquelles, à la famille, ont paru cinq siècles. Andersen, lui, est enchanté de son séjour. En guise de lettre de château, il publie un article intitulé "Un été chez M. Dickens". Il y célèbre particulièrement la chaleureuse ambiance familiale et la bonne entente entre les membres de la maisonnée. Lorsque l'article paraîrt Dickens s'est séparé de sa femme et toute la famille s'est dispersée.

Il y a un aspect irrésistiblement comique, tragi-comique, à bien des aspects de la vie de l'écrivain: y compris, et peut-être surtout, à ses épisodes les plus lamentables.

Renaud Camus, Demeures de l'esprit - Danemark Norvège, p.46

J'ai enfin trouvé la théorie qui conforte mon art des jardins.

Visitant mon propre jardin, qui vraiment non é gran ché, une femme très aimable, mais vraiment très très très aimable — au point qu'on pouvait se demander si elle ne se moquait pas —, disait un jour:

«Et puis, quelle bonne idée d'avoir su lui laisser un air pas trop appliqué…»

Eh bien, Drachmann, je l'ai appris, et les personnes qui veillent sur sa maison (très bien), théorisent et officialisent ce point de vue, et ils en observent rigoureusement les principes, bien commodes, il est vrai, pour les paresseux. […]
[…] Pour peu qu'on n'ait pas de trop hautes et trop constantes exigences d'art («Et puis, quelle bonne idée de n'accrocher pas seulement des chefs-d'œuvre…»), la visite est délicieuse, et elle donne l'illusion de pénétrer doucement l'âme danoise. Ce n'est pas une chose aisée, Shakespeare nous l'a assez appris — et combien, en cela, cette âme est universelle.

Renaud Camus, Demeures de l'esprit - Danemark Norvège, "Villa Pax, Skagen, Jutland", pp.21-23

Je retiens

Mme Royal, cette logothète

Renaud Camus, Parti pris, p.116

L'homme révolté

Comme quoi Sartre et Benny Levy ont dit vrai : On a raison de se révolter.

Renaud Camus, Parti pris, p.272

Vive la tondeuse Babyliss

[…] et quel bonheur de s'être débarrassé des photographes, grâce aux autoportraits, comme jadis des coiffeurs grâce à la tondeuse Babyliss!)

Renaud Camus, Parti pris, p.25

Je vois bien Ileana Sonnabend

«Ce qui s'est passé c'est que sa femme lui a dit: "Maintenant ras le bol, i'faut qu'tu bosses!" (biographe de Leo Castelli, parlant de son livre et de son sujet, sur France-Culture: l'épouse qui est censée s'exprimer là est donc… Ileana Sonnabend! Je vois bien Ileana Sonnabend disant: «Ras l'bol, faut qu'tu bosses!»…)

Renaud Camus, Parti pris, p.23

Chacun sa chance

Le fétiche, c'est le désir même. Le refouler, c'est étouffer son désir. Il ne faut pas l'envisager pour ce qu'il exclut, il n'est pas une phobie, ce n'est pas lui qui dicte les «ceci ou cela s'abst. », mais positivement, pour ce qu'il recherche. Il ne faut pas non plus le considérer au niveau individuel, chez chacun d'entre nous séparément, mais globalement, chez l'ensemble des acteurs de la vie sexuelle. Frappe alors son extrême diversité, semblable à celle des goûts, dont il n'est qu'une variante un peu plus têtue.

Ainsi j'aurais un fétiche de la moustache, ou du poil, ou de la petite taille, mais d'autres ont un fétiche des énormes sexes, des yeux bleus, des yeux verts, des tatouages, de la corpulence, de l'âge mûr, du grand âge, des tempes argentées, de la calvitie. Rien apparemment qui ne puisse faire l'objet d'un goût fétichiste. Comme le charme, comme la séduction, comme l'intelligence, comme l'affection, comme la tendresse, le fétiche sape la morne dictature sexuelle de la beauté, la fastidieuse tyrannie de la jeunesse. Grâce à eux, grâce à lui, elles ne sont plus seules à susciter le désir. Vous trouvez ce type affreux, moi il me met en rut. II n'est presque personne qui n'ait à offrir pâture à un fétiche quelconque. 86 ans? —Le pied! 9 ans et demi? —Moi, moi! Monté comme un cheval? —Je craque! Comme un caniche? —Ça me rappelle mes touche-pipi chez les bons pères, j'achète! Des poils sur les épaules? —Houba houba! Le pubis glabre? —Génial! 210 kilos? —Ça commence à devenir intéressant... On voit ses côtes, un fakir? —Tout ce que j'aime! Bossu? —Mon rêve! Le nez cassé, chauve, pas de cou, la vraie bête? —Arrête, j'vais jouir! Rien, pas la moindre particularité? —Mais c'est justement ça qui me touche, chez lui, et qui me fait bander...

Et puis bien sûr il y a les vrais fétichismes, dans l'acception plus traditionnelle du mot, le cuir, le caoutchouc, les «costumes trois-pièces», les slips Petit-Bateau, les baskets sales, les pardessus en loden, les uniformes de CRS, de pompier, de député socialiste, de Maire de Paris, les jarretelles noires, les lunettes, et de quoi déjà a-t-il été récemment question dans un «Reflet» de Gai Pied, la bambinette? Voyez comme, grâce au fétiche, chacun a sa chance, et comme il moque, narquois, l'autorité, qu'on avait crue irréversible, de la nature. Ce garçon ne vous dit rien? Peut-être vous émouvrait-il un peu davantage dans sa tenue de gardien de la paix? Not your trip? Mais ce ne sont pas les seules particularités physiques, ou les «accessoires», qui peuvent s'ériger en fétiches, des pratiques aussi bien. Tel aime qu'on lui masse les doigts de pied, ou les baisers dans le cou, ou les lavements, ou pisser sur ses petits camarades. Songeons encore aux possibles lieux d'action : fétichisme de l'ascenseur, du sexe de masse dans les cabines téléphoniques, de l'enculage sur motocyclette à deux cents à l'heure le long d'une autoroute (soyez prudents), du phare isolé sur son rocher.

Renaud Camus, Chroniques achriennes, p.43-44

Un cadeau de Noël

Plieux, vendredi 16 janvier, neuf heures et demie du soir. Une dame qui se présente comme «une admiratrice anonyme» m'envoie, de Belgique, une boîte de chocolats. Je me dis que cette admiratrice ne m'a sans doute pas beaucoup lu, parce que je me souviens distinctement avoir supplié, dans ce journal même, qu'on ne m'envoie pas de chocolats — comme je ne leur résiste pas, rien que cette année j'ai bien dû prendre trois ou quatre kilos depuis le 15 décembre (on dira que je n'ai qu'à ne pas les manger; mais ce serait témoigner d'une bien chiche connaissance des passions humaines…). Qu'on m'offre n'importe quoi, écrivais-je à peu près: des livres, des disques, des châteaux en Écosse, des paires de chaussettes, mais pas de chocolats!

Furieux, mais surtout contre moi-même, j'ouvre donc la boîte de chocolats et y trouve… une paire de chaussettes — le comble est que j'ai été un peu déçu, sur le moment…

Renaud Camus, Kråkmo, p.42

Ferdinand Thrän

Il n'est pas douteux que l'un de mes principaux maîtres et modèles (je l'imitais avant de connaître son existence, c'est dire...) est ce Ferdinand Thrän, "l'archiviste des vilenies", architecte et restaurateur de la cathédrale d'Ulm, qui apparaît dans le ''Danube'' de Claudio Magris : Thrän a passé toute sa vie à tenir un grand registre des diverses avanies qu'il avait à subir, sans en oublier une.

Renaud Camus, Une chance pour le temps, journal 2007, p.339

Ou l'inverse

Et pays de Galles! Et Pays basque! J'aimerais apprendre avant de mourir comment s'écrivent Pays de Galles et pays Basque. À moins que je ne m'embrouille, et je peux me tromper, M. Massuyeau tient pour le bas de casse à pays — pays Basque, pays de Galles —, mais Hélène me réclame une capitale à Pays de Galles. Or une autre contrainte agissante est l'exigence de cohérence interne. Peut-être faut-il écrire Pays de Galles, mais comme on a écrit pays de Galles dans le premier volume (ou l'inverse, je ne sais plus...).

Renaud Camus, Kråkmo, p.209

Mieux vaut préciser

«Vous voulez dire que quand vous citez un texte il n'est pas de vous?
— Oui, c'est exactement cela, je veux dire que quand je cite un texte il n'est pas de moi.»

Renaud Camus, Kråkmo, p.32

Ecriture ensommeillée

— Moi je rédige ça le soir en m'endormant : ce n'est pas de l'écriture automatique, c'est de l'écriture ensommeillée.

Renaud Camus citant un ami, Journal de Travers, p.1243

Savoir subjonctif imparfait

Je n'ai pu entendre, en fait, que Francine Mallet parler de son livre sur George Sand, et je n'en ai rien appris que je ne susse déjà (était-ce Mme Valtesse de La Bigne, ou bien Mme de Loynes, ou bien quelque autre hôtesse littéraire Troisième République, qui disait de je ne sais plus quel Paul Hervieu ou Ferdinand Brunetière: «il m'a aimée vingt-cinq ans sans que je le susse.»?)

Renaud Camus, Journal de Travers, p.1223

Pourquoi le Danemark ?

(Interrogation suite à la parution des Demeures de l'esprit - Danemark Norvège.)

Cependant on ne se débarrasse pas si facilement d'un homme qui a mûri quarante ans son projet.
Renaud Camus, Rannoch Moor (journal 2003), p.435


La plus élaborée de mes histoires de substitution fut écrite jadis à Perth, en dix petits cahiers rouges couverts d'une écriture serrée. Elle concernait le Danemark qui, à partir du XVIIe siècle, fort de la Norvège, de l'Islande, du Groenland, d'une bande côtière au sud-ouest de la Suède, du Schleswig-Hostein et de la Poméranie, devenait une puissance mondiale de première importance, comparable et même supérieure à la Grande-Bretagne: il conquérait le Bengale et la Malaisie, l'Ontario et le Manitoba (le Canada comprenait trois zones: française à l'est, danoise au centre, britannique à l'ouest), l'Australie et la Nouvelle-Zélande, la Guyane danoise (entre les trois autres et l'Amazone), Gibraltar et Malte, une grande partie de l'Afrique. Le nord de l'Allemagne est depuis 1945 zone d'occupation danoise, puis "impériale": en effet les anciennes colonies danoises sont devenues indépendantes mais elles ont conservé pour souverain la reine du Danemark, elles se sont organisées en empire et continuent d'élire, au suffrage universel, une assemblée impériale unique siégeant à Copenhague et devant laquelle est responsable un chancelier d'Empire, chargé des affaires militaires, diplomatiques, culturelles, etc. Sous partie de cet empire, le Royaume-Uni (Danemark, Norvège, Scanie, Poméranie et Islande) est lui-même une fédération. Etc.
Le plan de Copenhague imaginaire, quoique inspirée de la vraie, mais agrandie pour jouer un rôle de double capitale, et beaucoup plus riche en monuments, a été dressé en grand détail, ainsi que celui des principaus édifices (le palais royal, par ex.: parties XVIIe, XVIIIe, XIXe s.). Les diverses constitutions, nationales et impériale, sont brossées à grands traits. Les Chambres successives sont représentées par des dessins en forme d'éventails. Etc.

Renaud Camus, Journal de Travers, p.669-670 (journal 1976 publié en 2007)

La douceur de vivre

Il [Valery Larbaud] a joué un rôle très important dans la publication d'Ulysses, par exemple. Il était très riche, c'était l'héritier des eaux de Vichy. Il a beaucoup voyagé, sa poésie est pleine de lieux, de noms de lieux, de pays traversés. Quand il avait seize ou dix-sept ans il est allé en Russie, j'aimais beaucoup ces vers:

J'ai connu pour la première fois toute la douceur de vivre
Dans un wagon du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow.

Renaud Camus, Journal de Travers, p.1098

Ectoplasme

Paradoxalement, il [Paul Otchakowski] ne croit pas assez à la force des livres. Il est persuadé qu'un homme que Patrick Kéchichian a traité d'antisémite est un homme mort. Mais il est un tout autre ordre des chose où c'est Patrick Kéchichian qui n'est pas tout à fait vivant. Patrick Who?

Renaud Camus, K.310, p.179

L'« affaire Camus », une affaire réglée

Camus (R.) : écrivain mineur de la fin du XXe siècle, un instant tiré de l'obscurité par le scandale, et par le scandale renvoyé dans le silence et dans l'oubli.

Renaud Camus, K.310, p.156

Conforme

Quoi qu'il en soit, ce confirme ce que j'ai toujours su, à savoir que presque personne n'a d'opinion à soi, ni ne désire en avoir, d'ailleurs. Au contraire: le grand désir, le plus grand désir de l'homme, est de penser ce que pense son voisin.

Renaud Camus, K.310, p.154

Le style

Ecrire, c'est nécessairement écrire contre. Plus une société est consensuelle, plus le style est solitaire. Son domaine, c'est le reste du sens — ce que la vérité écrase de vérité, ce que la vertu ne peut pas digérer de vertu, ce qui dans la raison résiste à la raison.

Ils veulent des stylistes, mais qui pensent comme eux, sans s'aviser que le style, c'est toujours un écart de langage.

Il y a des stylistes géniaux, il y a des stylistes imbéciles, il y a des stylistes abjects, mais il n'y a pas de stylistes conformes.

Renaud Camus, K.310, p.132

Fardeau

Si j'étais un roi du Moyen-Âge (et rien ne dit que je ne le sois pas), je ferais construire une cathédrale, où l'on me verrait, au portail sud, portant cet édifice entre les bras, un peu embarrassé par le paquet.

Renaud Camus, Retour à Canossa, p.127

L'inégalité sexuelle

Houellebecq relève avec insistance la profonde inégalité sexuelle, non pas l'inégalité entre les deux sexes, mais l'inégalité terrible des individus devant le plaisir et l'amour, dont personne ne parle jamais, alors que chacun l'éprouve quotidiennement.

Renaud Camus, Retour à Canossa, p.48

L'attente

L'attente est signe de sa propre déception. Si j'attends si fort c'est parce que je sais déjà que rien ne viendra. L'attente crée le silence qui la fonde, et bientôt va l'exaspérer. Ce sont les hommes et les femmes qui n'attendent rien, qu'on appelle.

Renaud Camus, Retour à Canossa, p.95

Saint-Ex

Son mari n'a vu qu'une fois l'illustre cousin. C'était en 1939, à Toulouse. Antoine de Saint-Exupéry était déjà couvert de gloire, mais en même temps il sentait le soufre, politiquement. Par exemple il avait couvert la guerre d'Espagne ''du côté des républicains'', ce qui paraissait tout à fait inconcevable au père de notre commensal.

Ce dernier avait cinq ou six ans, à l'époque. Il possédait un petit avion de bois, un jouet qui ce jour-là s'est écrasé à terre et brisé. Le cousin Antoine a dit: «C'est ce qui s'appelle un accident.» C'est la seule phrase de lui dont se souvienne à présent le petit garçon de l'époque.

Renaud Camus, Retour à Canossa, p.93

Belles-Epaules

J'ai sous le nez ses spectaculaires épaules en trois temps — six temps, sans compter la nuque : bing, bing, bing, schlorpp, bing, bing, bing.

Renaud Camus, Hommage au Carré, p.462

Flora Tristan

Et elle avait une meilleure raison d'être de mauvaise humeur: elle mourait.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.476

A la peine

(j'écris en marchant. I'm a pen. — Yeah, in the ass...)

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.323

Pas faux…

On peut toujours compter sur moi pour aller jusqu'au bout de mes bêtises.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.250

Fort de Brégançon

Je lui ai dit n'être pas parvenu à voir le fort présidentiel. Il confirme que c'est impossible:

— Surtout avec le gardien, c't' un ancien gendarme, l'est féroce. Normalement, on peut y aller que par la mer. Même le président, y doit passer par le grand-duc de Luxembourg. Quand y sera brouillé avec le duc, y pourra plus y aller, à son fort, parce qu'il faut qu'il le traverse, le duc.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.216

Pour que la vérité soit proclamée

Le préfet de discipline m'associait peut-être inconsciemment au vieux mendiant à la barbe blanche à cause de l'épisode du duffle-coat. Il était sûr de m'avoir vu suivre ce malheureux en criant et en dansant: trois heures de retenue le jeudi. Je refuse le châtiment: grande retenue, tout un dimanche. Qui aurait cru à mon innocence contre la certitude d'un préfet? Je suis sûr qu'il était de bonne foi. J'allais être renvoyé. J'ai subi mes neuf heures de retenue. Mais peut-être ai-je désiré, alors, d'être écrivain pour pouvoir encore le proclamer, un jour, par un autre moyen, à la face du monde, et de l'abbé G. qui l'un ni l'autre ne me liront: jamais je n'ai crié Père Noël, place Bansac, après ce vieux mendiant à barbe blanche.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.134

D'une grand-mère l'autre

Je connaissais la Sévigné bretonne, la Sévigné provençale, la Sévigné parisienne et même la Sévigné bourbonnaise, mais la Sévigné bourguignonne, dont il est beaucoup question par ici, m'avait échappée jusqu'à présent. J'allais m'étonner de ce que ma grand-mère ne m'en ait jamais parlé, mais je me suis souvenu à temps que c'était la grand-mère du narrateur, pas la mienne, qui était une spécialiste de la marquise, ainsi que de George Sand; la mienne n'était une spécialiste que d'Eugénie et Maurice de Guérin, de Francis Jammes et de la comtesse de Noailles.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.56

Fidélité

Et de plus d'un ami qui me jugeais léger et infidèle quand nous nous voyions trois ou quatre fois par semaine, j'ai cherché patiemment la trace et le souvenir quand depuis longtemps il m'avait oublié.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, note en bas de page 38

L'art de la profiterole

[...] rappelle-moi un jour, ô lecteur, de te placer ma tirade sur les profiteroles au chocolat, dont la sauce n'est plus jamais brûlante, when it's obviously the whole point.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.33

Les voisins invisibles

Jérôme et Paméla V. me racontaient, cet été, avoir partagé, au cours d'un dîner au Cercle Européen de Cocody, une petite table avec une femme charmante et un inconnu. Avec la jeune femme, ils avaient longuement parlé de La Recherche et de ses personnages. Au dessert, l'inconnu avait dit:

— C'est bizarre, je suis à Abidjan depuis trois ans et pourtant je n'ai rencontré aucun de vos amis.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.32

Citation utile

Je n'y arrive pas, je n'y arrive pas, je n'y arrive pas, je n'y arrive absolument pas.

Renaud Camus, Au nom de Vancouver, p.197

Prochaine réincarnation

La seule consolation est que les Lettres, de toute façon, ne sont probablement pas, de nos jours, la meilleure voie vers la gloire. Aurais-je été Pascal Quignard ou Yves Bonnefoy, je ne suis pas sûr que ma présence eût suscité beaucoup plus d'émoi. Alain Finkielkraut, peut-être? Michel Houellebecq? Philippe Sollers, sûrement. La prochaine fois, oui, j'essaierai d'être Philippe Sollers.

Renaud Camus, Au nom de Vancouver, p.269

Obscurité

Si trois ou quatre [photographies] sont utilisables, absolument sans plus, je pourrai m'estimer satisfait — la plupart sont tout à fait ratées: je ne suis décidément pas un maître de la lumière basse, et, cette maison de Loti, on y voit comme dans le cul d'un... (non, rien (je n'aurais, d'ailleurs, sauf pour l'éclairage, que du bien à dire du cul des..., dont j'ai quelques souvenirs délicieux (mais bon))).

Renaud Camus, Au nom de Vancouver, p.237

Gothico-iroquois

Entre la fille, en grande tenue gothico-iroquoise, ou l'équivalent du moment: énormes godillots haut montant, minuscule minijupe de cuir d'où dépasse une jupette aux broderies grand-mère, chaînes, cadenas, force piercings, ongles très longs et teints en violet foncé, maquillage blafard, très longs cils d'un seul côté, crête de coq vert pomme.

Renaud Camus, Théâtre ce soir, p.35

La futilité de la littérature dès qu'elle touche à l'essentiel

Mais je sens (comme disait mon vieux maître Henry de Montherlant (je suis vraiment d'excellente humeur), mais je sens (donc) qu'il vaut mieux commencer d'une autre façon mon récit. (Ce que j'admire le plus chez Montherlant (non, non, je ne l'ai jamais rencontré, mais quand je suis un peu pompette j'ai tendance à me prendre pour Gabriel Matzneff), c'est le premier paragraphe de La Petite Infante de Castille: «Barcelone est une ville de six cent mille deux cents âmes, et elle n'a qu'un urinoir. On devine si à certaines heures il a charge d'âmes. Mais je sens qu'il vaut mieux commencer d'une autre façon mon récit.») (Néanmoins je suis sûr que Genet, dans Journal du Voleur, fait état de plusieurs urinoirs à Barcelone. A quoi l'on peut juger la futilité de la littérature dès qu'elle touche à l'essentiel. D'ailleurs Walter Benjamin... Mais arrêtez de détourner la conversation).

Renaud Camus, Chroniques achriennes, p.101

Parmi les phrases préférées

Georges Marchais et moi n'avons pas la même idée de la poésie : j'en avais toujours eu le vague soupçon.

Renaud Camus, Chroniques achriennes, p.56

Chambéry-fraise

Malgré ses principes le barman du Berlioz, à Grenoble, finit par sourire au client timide qui lui demande tous les jours un Chambéry-fraise depuis le 14 juillet.

Renaud Camus, Chroniques achriennes, p.194

Cri du cœur

Je ne peux plus supporter l'humanité. Je ne peux plus supporter l'humanité ! C'est embêtant, parce qu'il y en a vraiment beaucoup.

Renaud Camus, Une chance pour le temps, p.318



Et comme j'ai mauvais esprit, j'ai envie d'ajouter que la mort n'y changera rien.

Le lecteur improbable

Au demeurant, les chances étaient minces pour que les livres abandonnés trouvassent un lecteur auquel ils pussent apporter quelque chose — si minces, même, qu'en entretenant l'espérance que s'opérât une telle transmission, on entrait dans la perspective du miracle.

Renaud Camus, Loin, p.156



A rapprocher de cela.

La narration et la diégèse

Contexte: Renaud Camus décrit des planches de BD porno à un ami au téléphone. Il y en a beaucoup, l'action (les actions) est compliquée:

Tu te branles toujours ?
Ah non, merde, j'ai oublié. J'ai été pris par la narration aux dépens de la diégèse, comme dirait Ricardou.

Renaud Camus, Journal de Travers, p.1545

Etats du temps

En ouvrant Le Royaume de Sobrarbe au hasard, je tombe sur :

«Guy Carlier et Soljénitsyne», «Guy Carlier et Soljénitsyne», «Guy Carlier et Soljénitsyne» — qu'y a-t-il à ajouter à cela ?
p.164


Et je me dis que ma phrase préférée des journaux des dernières années est sans doute cette citation de Christian Giudicelli dans Rannoch Moor :

«Pour que Proust soit invité à la télévision aujourd'hui, il faudrait une émission sur l'asthme.»
p.681

La rumeur

Il semblerait d'ailleurs que circule à mon propos une rumeur favorable au moins sur un point. «Il paraît qu'tu es un disc-jockey super», m'a-t-on dit l'autre soir en arrivant ici. Il faut apprendre à se contenter de gloires modestes.

Renaud Camus, Fendre l'air, p.237

Axiome

Le pire inconvénient des gens grossiers, c'est qu'ils vous obligent, à la longue, à l'être aussi.

Renaud Camus, Notes achriennes (1982), p.37

Ladore de Nabokov à Roman Roi

Quoi qu'il en soi, ces jolis petits vers me touchent surtout par leur féconde résurgence dans l'œuvre de Nabokov, chez qui le souvenir de René est toujours très actif, particulièrement dans Ada, si préoccupé par le motif de l'inceste entre frère et sœur. Le domaine édénique où Ada et Van passent leur enfance dépend du village de Ladore, et l'importune Lucette, la jeune sœur dont le prénom rappelle la Lucile de Combourg, commet une fois le lapsus de parler du Mont-Dore «sorry, Ladore». On se souvient enfin que la Dordogne a pour origine deux ruisseaux, la Dore et la Dogne, et que cette troisième Dore prend sa source au pied du Sancy pour traverser immédiatement Le Mont-Dore. Tout cela prouve suffisamment, il me semble, que le domaine enchanté d'Ada doit être situé dans le Puy-de-Dôme et que la contrée prétendument mythique, russe à la fois et américaine, où se déroule l'action, c'est l'Auvergne.

Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, p.122


indexation de ce nom de Ladore dans Roman Roi.
Pour une onomastique à venir.

Phrase préférée

La phrase fétiche du moment (c'est un peu comme les musiques, ça change mais ça reste, ça change en restant) :

Je me suis pris d'amour pour Péc, et ce n'est pas une malheureuse rondelle de caoutchouc qui va renverser mes sentiments.

Renaud Camus, Notes sur les manières du temps p.180

Jean Puyaubert

Nous n'étions d'accord sur rien et nous étions en sympathie sur tout.

Renaud Camus, Vaisseaux brûlés, §783

citations

199. « Depuis que j'ai arrêté les poppers, dit mon ami Flatters, j'oublie tout... » Mais est-ce bien Flatters, qui dit cela ? Ou bien moi ? Je ne sais plus...
Renaud Camus, Vaisseaux brûlés

— Mais non, mais non, moi qui vous parle, je prends de la coke sept fois par jour, tous les jours, depuis neuf ans, et je n'ai toujours pas d'accoutumance...*
Renaud Camus, Travers, p.73

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Autre

Ainsi par Red**** et Fred on atteint Freud [...]
Renaud Camus, Été, p.28

Ce qui m'évoque irrésistiblement cette sobre contreprétrie "Salut Fred!".

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Autre

LES RUSSES ONT DU FER A NE PAS SAVOIR QU'EN FOUTRE, LES FRANÇAIS C'EST LE CONTRAIRE.
Renaud Camus, Travers, p.53

(C'est étonnant comment n'importe quoi acquiert une légitimité dès qu'il s'agit d'une citation. (N'empêche, ça m'a fait rire. Dans le contexte, la phrase aurait facilement pu passer inaperçue.))


(la phrase sur la coke est à retrouver dans Journal de Travers.)

Pas de discrimination positive à l'Académie française

Paul me disait s'être renseigné sur les chances de ma candidature à l'Académie. Comme il était prévisible, elles sont infimes, pour ne pas dire inexistantes. Il y aura beaucoup de candidats au siège de Julien Green, dont la vacance sera proclamée le 14 avril —parmi eux Franz-Olivier Giesbert, donc, et surtout René de Obaldia. Et jamais les académiciens ne voudront donner l'impression qu'ils remplacent «un homme qui aimait les hommes», selon la pudique expression de P.O.L, par un autre, comme si ce groupe humain disposait d'une sorte de droit à être représenté en de certaines proportions sous la Coupole, et comme s'il existait au sein de la Compagnie un parti des hommes à hommes, comme jadis un parti des ducs...

Je dois dire que je n'avais pas pensé à cela. Le lien entre Green et moi, dans mon esprit, c'était celui d'un prolixe auteur de journal à un autre, voilà tout.

Renaud Camus, Retour à Canossa, p.119

Amour d'enfance

Mardi 8 mars 1960. Mort de sa chienne Vania, épagneul breton. Il note dans son petit dictionnaire grec, sans doute sur le modèle de Louise de Vaudémont à Chenonceau : « Rien ne m'est plus, plus ne m'est rien».
Renaud Camus, Le jour ni l'heure

Les chiens, c'était surtout Vania, ma chienne blanche et dorée, suivie d'éventuels prétendants, et de ses rejetons du moment, quand ils étaient assez grands pour courir plusieurs heures, et n'avaient pas été noyés, dans le plus grand des bassins, ni déjà donnés.
Echange (1976), p 9

Voisine est la tombe de Vania, ma chienne bien-aimée. Sa mort a été la plus grande douleur de mon enfance. Depuis des mois je la savais prochaine. Je faisais moi-même, tous les jours, des piqûres à la pauvre bête, qui gémissait doucement. Je me réjouissais presque d'aller en classe, à cette époque, pour m'éloigner un moment du champ clos d'un drame imminent, inéluctable. Pourtant j'avais passé avec le Ciel un contrat. neuf neuvaines achetaient à Vania une semaine de vie. Mais il ne suffisait pas de réciter les paroles des pater et des ave, il fallait en comprendre, au sens le plus fort, en habiter chacune à chaque fois. Je passais mes nuits en prières, à genoux, dans une concentration fébrile. Quand Vania est morte, je n'ai pas perdu la foi mais ma confiance en Dieu. Je n'ai pas su retrouver avec certitude, là-haut, le coin de terre que mon père avait creusé pour elle.
Journal d'un voyage en France (1981), p.94

Une troisième est pour Roman la plus cruelle. Elle paraîtra futile et ne devoir même pas, peut-être, figurer ici; c'est pourtant celle qui l'affecte le plus: la longue agonie, qui dure presque deux ans, de Vanya, son épagneule tant aimée. La reine Louise, qui comprend l'angoisse de son petit-fils, fait venir de Back, à plusieurs reprises, un célèbre vétérinaire. Roman fait lui-même, des mois durant, de quotidiennes piqûres à la pauvre vête, qui gémit et le regarde d'un air de surprise plus que de reproche, sans comprendre pourquoi son jeune maître la fait souffrir. Le mal qui la ronge l'agite de soubresauts, lui fait pousser de soudains cris de douleur. Elle est devenue aveugle et se cogne à tous les meubles. Roman s'échappe de la maison et fait d'immenses promenades dans la forêt pour fuir l'imminence de la fin. Partir pour la capitale et les heures de classe au Palais le soulage, s'éloigner du domaine où la mort tisse ses filets. Mais si Vanya allait mourir pendant qu'il n'est pas auprès d'elle? Il obtient de son père qu'elle vienne à Back abec lui. Mais elle est trop âgée pour un si grand changement. Elle n'est pas heureuse dans l'appartement du Grand Voïvode, dépaysée parmi des objets qu'elle ne connaît pas, trop loin du jardin où ses pauvres pattes ne peuvent plus la mener à travers les escaliers de marbre. On la réinstalle au manoir. Lorsqu'il est loin d'elle, Roman téléphone tous les jours pour avoir de ses nouvelles. Cet appel même lui fait peur. Il en voit s'approcher l'heure avec terreur. L'idée lui vient souvent qu'une fois survenu ce qu'il craint tant, chaque minute l'en éloignera tandis que chaque minute aujourd'hui l'y mène inexorablement: il la chasse.
Roman Roi (1983), p.165-166

Pourtant Roman n'hésite pas un instant sur l'emplacement de la tombe de la chienne Vanya, que rien ne signale, sinon peut-être la proximité d'un petit rocher rond, sur lequel Diane et moi nous appuyons, les yeux sur les toits et le clocher à bulbe de Hörst, très loin en-dessous de nous.
Roman Roi, p.352

Lorsque j'étais enfant, j'aimais tellement une chienne, devenue vieille et malade, que j'avais passé avec Dieu un contrat pour sa protection : Il la maintiendrait en vie aussi longtemps que je dirais chaque nuit neuf neuvaines. Mais il ne s'agissait pas de prononcer automatiquement et à toute vitesse les mots du Notre Père et du Je vous salue. Il fallait au contraire se pénétrer de chacun d'eux, s'interroger sur son sens, je dirais presque le réaliser, au sens même dont s'accommodent les puristes, c'est-à-dire le rendre réel, le citer à comparaître, l'examiner en chacun de ses tenants et de ses aboutissants, sous tous ses angles et tous ses aspects, en la moindre de ses possibles hypostases. Tâche épuisante, on s'en doute, et qui ne saurait être menée à bien. À sonder seulement le Notre de Notre Père, une vie ne suffirait pas. Ne parlons pas du Je de Je vous salue.
D'ailleurs ma chienne mourut.
Du sens (2002), p 55

Comme chien et chat

le le le enfin peu importe était tout à fait à l'image de la vie si vif si agité si animé dans sa jeunesse sautant cabriolant puis évoluant lentement vers l'immobilité la raideur l'impossibilité ou simplement le manque d'envie de bouger eh bien oui il a suivi exactement ce processus à présent hélas très avancé de sorte que de sorte que il reste dans la cour il se lève rarement tout juste fait-il dans l'après-midi une petite visite de courtoisie de digestion de politesse à la voisine qui d'ailleurs ne manque jamais de lui donner deux ou trois biscuits et de célébrer justement sa courtoisie son amabilité sa gentillesse l'éloquence de son regard au point qu'elle se promet bien si un jour elle a un chien mais elle-même n'est pas si de prendre un chien précisément de cette race-là de cette espèce exactement comme celui-là le plus semblable pos mais ça ne sera pas facile parce qu'elle a déjà trois ou quatre chats et ils pourraient bien ne pas faire très bon ne pas voir d'un très bon mais bon maintenant à présent même les chats ces chats de la de cette que pourtant il a poursuivis toute sa vie durant comme par l'effet d'un pacte d'un automatisme d'un parce qu'il le fallait bien parce que c'est l'usage la convention l'usage sans d'ailleurs jamais il aurait d'ailleurs été bien at il n'est pas sûr du tout qu'il aurait eu le dessus le dernier le ne le ne lui ne se donnent même pas la peine de restent tranquillement immobiles eux aussi quand ils le voient paraître sachant bien qu'il ne va pas qu'il ne va certes pas qu'il ne risque pas de et c'est un spectacle assez curieux

Renaud Camus, L'Inauguration de la salle des Vent, p309

fragments de L'Inauguration de la salle des Vents

si vous revivez vous avez ma carte n'hésitez pas à passer un coup de si je ne suis pas morte si vous n'êtes pas morts et même si vous êtes morts (p.30)

je veut dire lui veut dire ce qu'il veut dire ce que l'auteur essaie de nous dire (p.41)

le lit qui était directement contre justement le mur collé contre directement la paroi était collé directement contre l'attente et que l'oreille était directement collée contre tendue collée plaquée directement contre le silence contre l'absence (p.52)

ce que sait la nuit n'est pas la vérité elle se trompe (p.53)

dans un mélange d'anglais et de mélange (p.55)

documentaire sur la Caronie

1-3-8-3-1-1-2-1-9. Mais je garde une petite préférence, tout de même, pour The Lady Vanishes, accessoirement l'un des très rares films où l'on puisse voir la Caronie du temps du roi Roman et ses paysages, entendre sa langue et sa musique, observer ses danses et ses moeurs. « Et, en vérité, l'immense oreille tenait sur une petite et frêle tige, mais cette tige était un homme ! »

Renaud Camus, Vaisseaux brûlés

Pourquoi lire Renaud Camus ?

Si les écrivains savaient vraiment pour quelles raisons bizarres ils intéressent les trois quart de leurs lecteurs, ils seraient horrifiés : «J'vois j'ai la fille à ma belle-mère elle a un labrador, elle aussi — alors forcément...

Renaud Camus, Retour à Canossa, p 219

Roman Roi, rêve d'enfant

CARTES

Enfant, je passais des heures à tracer des cartes de pays imaginaires, d'une folle complication. Tel Etat par exemple était divisé entre catholiques et protestants. Mais les régions protestantes n'étaient pas d'un seul tenant, et surtout, elles recelaient toujours en leur sein des provinces catholiques, lesquelles comptaient plusieurs enclaves protestantes, qui à leur tour, etc. (un raffinement particulièrement jouissif était que le fief le plus enclavé fût le fief familial du souverain (d'où il arrivait qu'il tentât de gouverner)).

Dans le même pays se parlaient au moins deux ou trois langues, mais les frontières linguistiques, bien que tout à fait aussi retorses, sinon davantage, que les frontières religieuses, ne coïncidaient en rien avec elles. A tout cela se greffaient des problèmes dynastiques inextricables.

Cette situation aboutissant régulièrement à de furieuses guerres civiles, tout en renversements d'alliance (selon qu'un facteur de regroupement en remplaçait un autre), mes cartes devaient encore faire état de fronts multiples, éternellement changeants. L'homme providentiel survenait au moment où sur la feuille de papier ne pouvait plus être introduit le moindre pointillé.

Buena Vista Park, (1980), p 61

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