Transcription à partir de CD du début du cours sur Le Neutre de Roland Barthes.

Je vais parler du désir de neutre aujourd'hui dans ma vie car il n'y a pas de vérité qui ne soit liée à l'instant. Je dois dire qu'entre le moment où j'ai décidé de l'objet de ce cours en mai dernier et le moment où je l'ai préparé, il s'est produit dans ma vie un événement grave, un deuil. Par conséquent, le sujet qui va parler n'est plus le même que celui qui avait décidé d'en parler.
A l'origine, il s'agissait de parler de la levée des conflits. En gros, c'est de cela qu'on parlera, car on ne change pas l'intitulé d'une affiche du Collège... Mais sous ce discours j'entends une autre musique.

Un second neutre apparaît derrière le premier. Le premier neutre établit la différence qui sépare le vouloir-vivre du vouloir-saisir. Il s'agit de quitter le vouloir-saisir pour aménager le vouloir-vivre.
Puis il se produit une seconde décantation où l'on abandonne le vouloir-vivre pour la vitalité. Pasolini, dans un poème dont je n'ai pu retrouver la référence précise (mais je la retrouverai pour un prochain cours), parle d'une "vitalité désespérée". La vitalité, c'est la haine de la mort.
La forme de ce second neutre, c'est en définitive une protestation : " il m'importe peu de savoir si Dieu existe ou non, mais ce que je sais, c'est qu'il n'aurait pas dû créer ensemble l'amour et la mort". Et le neutre, pour moi, c'est ce non irréductible, un non qui est comme suspendu devant les endurcissements de la foi et de la certitude, et un non qui est en quelque sorte incorruptible par l'une et par l'autre.

[...] Ce n'était ni d'amour ni de mort que parlait Barthes, mais de sa peine, et dans cet amphithéâtre du collège de France, devant ces inconnus et ces indifférents, il demandait avec une grande simplicité, avec un souffle soudain retenu sans que la portée de sa voix en soit atténuée, comment ne pas souffrir.