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Noël et le solstice d'hiver

Ces rappels et ces rapprochements aident à comprendre pourquoi on a souvent voulu voir dans un certain nombre de fêtes et de rites du christianisme une sorte d'habillage des religions pré-chrétiennes. Le plus connu des spécialistes français du folklore, Arnold Van Gennep († 1957) a cependant nuancé cette conception séduisante, mais parfois trop facile. Si la théorie de la survivance par adaptation chrétienne lui a paru acceptable pour les Rogations1, il s'est au contraire insurgé contre la théorie solsticiale en ce qui concerne Noël et la Saint-Jean. «On ne peut, écrivait-il, consulter un libre ou un article sur la Saint-Jean sans y trouver le cliché: «c'est le reste d'un culte solaire antérieur au «Christianisme», avec l'addition: «le culte du Soleil existait chez «tous les peuples depuis la plus haute Antiquité»… La Saint-Jean ne peut être ni solaire en général, ni solsticiale, de par son essence et ses origines, parce qu'elle ne se situe pas le jour le plus long de l'année, jour que tous les peuples auraient pu, en effet, «distinguer par expériences additionnées»2. Une remarque parallèle vaut pour la Noël qui ne coïncide pas avec le solstice d'hiver.

Jean Delumeau, Le catholicisme entre Luther et Voltaire, p.338





1 : A. Van Gennep, Manuel de folklore français contemporain, 12 vol., Paris, 1943-1958 - citation issue du t.I, vol IV, p.1637.
2 : Ibid., p.1734

Lectures et conférences obligatoires

Des inventaires après décès révèlent, tout au long du XVIIe siècle, l'indigence des bibliothèques de certains curés. En 1630, dans la pauvre chambre du curé de Dampierre (diocèse de Paris), on ne trouve que quatre volumes: le Calendrier des Bergers, un martyrologue, le Paradis des prières — recueil de méditations pour les différents moments de la journée —, et l'Estat de l'Eglise militante, ouvrage vaguement historique rédigé en 1555. En 1686 encore, la bibliothèque du curé de la Chapelle-Milon — toujours dans le diocèse de Paris — se réduit à «trois livres couverts en parchemin, l'un estant la vie des saints, l'autre la vie des saints pareil à dessus, l'autre des homélies escrites sur les évangiles, et un autre petit livre couvert de vélin et intitulé Advis et résolution théologique pour la paix de conscience».

Les séminaires contribuèrent de façon décisive à relever le niveau intellectuel du clergé: ils représentèrent, à l'âge de la Réforme catholique, une véritable «révolution ecclésiastique». […] En 1602, l'évêque de Nice ordonna à ses prêtres de posséder au moins douze ouvrages. En 1654, Godeau, évêque de Vence, donna dans ses mandements des listes de livres à lire à ses prêtres. En 1658, l'archevêque de Sens, Gondrin, demanda à ses curés de se procurer 47 ouvrages qu'ils devaient, le cas échéant, présenter lors des visites pastorales et, parmi eux, une Bible, le catéchisme romain, les Décisions du concile de Trente, la Somme de saint Thomas d'Aquin, l'Imitation, les Introductions de saint Charles Borromée aux confesseurs, et l'Introduction à la vie dévôte. […]

[…] Des «conférences ecclésiastiques» se proposèrent également de stimuler l'activité intellectuelle du bas clergé. \[...] A Angers, Mgr Le Peletier passa pour un prélat despotique parce qu'il imposa à son clergé des retraites et des «conférences» ecclésiastiques1. Mais, dans le diocèse de Paris notamment, la hiérarchie tint bon et donna aux conférences une organisation de plus en plus méthodique.

Jean Delumeau et Monique Cottret, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, (7e édition, mai 2010), p.360-361





Note
1 : Fr. Lebrun, Cérémonial (1692-1711) de R. Lehoreau, Paris, 1967, p.98
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