C'est un petit texte, que je n'ai acheté que parce que l'édition me séduit — des petits livres blancs tachés une seule couleur, vert, bleu, mauve, orange, sur papier mat. Introduction, repères biographiques, ce sont des livres réalisés avec soin. J'apprends que Larbaud a traduit Landor et Coleridge, La ballade du vieux marin, poème dont je m'obstine, sans succès jusqu'ici, à vouloir trouver des traces dans L'Amour l'Automne.

C'est un texte si court, si simple, qu'il semble illusoire d'en faire une recension sans le paraphraser et donc le dénaturer, c'est le récit, sous forme de conversation, d'une excursion dans une superbe voiture jusqu'au centre de la France, c'est une ode au Nivernais.

Tout en rendant hommage à la campagne française, aux villes de province, un sort est fait aux provinciaux, provinciaux dont le portrait correspond si exactement à ce que je connais dans ma famille que je me suis sentie vengée:

— Mais pour l'Ecclésiaste, une chose n'est pas vanité: c'est la crainte du Seigneur. Et pour la province aussi, mais ce n'est pas la crainte du Seigneur. C'est le côté matériel, primitif de la vie: le désir du bien-être, contrarié par la peur de la dépense. Voilà leur ciel et leur enfer. Ce qui, pour nous est à l'arrière-plan et comme dans les coulisses, le cadet de nos soucis, devient ici la principale, l'unique préoccupation. De là, l'orgueil de la richesse, le mépris de la pauvreté, et la mesquinerie de la vie, et les clans, et la vilaine morale, et l'avarice. [...] Et de là l'indifférence pour tout ce qui nous paraît le plus digne de soins et de sacrifices. Et cette indifférence produit l'ignorance. Si la littérature, ou la géographie, ou l'histoire de l'imprimerie, me sont indifférentes, je n'en saurai jamais un mot. Ainsi ce qui est pour nous l'essentiel, la vie même, est pour la province un luxe que sa peur de la dépense lui fait regarder avec méfiance, et où nous disons «sérieux», elle pense «frivole».
Valery Larbaud, Allen, édition Sillage p.82


Pour les camusiens :

Ah ! que de souffles aux Provinces !
Saint-John Perse, chanson liminaire d'Anabase cité aux premières lignes d'Allen. (références camusiennes à retouver).

Chantelle, ô Cantilia !
Allen, fin du prologue au lecteur. cité dans Journal d'un voyage en France et dans Corée l'absente p.355

Et maintenant vous ouvrez la porte, vous tournez la page et vous entrez au beau milieu d'une phrase.
Ibid. (références camusiennes à retouver).