La soif de connaissance de Descartes m'émeut. Quelle lutte contre la frustration. Non, il ne reproche pas à Dieu de l'avoir créé faillible et non pas parfait, mais c'est par un effort qu'il se retient de le faire.
Et je n'ai aucun droit de me plaindre, si Dieu, m'ayant mis au monde, n'a pas voulu me mettre au rang des choses les plus nobles et les plus parfaites; […]
Méditation quatrième, §15
Quelle est la source de mes erreurs ? Ma liberté est infinie (semblable à celle de Dieu), mais ma compréhension, mon intelligence, est limitée (quoique je puisse l'utiliser sans limite, aussi longtemps que je le souhaite en l'appliquant à tous les objets que je souhaite):
C'est à savoir, de cela seul que, la volonté étant beaucoup plus ample et plus étendue que l'entendement, je ne la contiens pas dans les mêmes limites, mais que je l'étends aussi aux choses que je n'entends pas; auxquelles étant de soi indifférente, elle s'égare fort aisément, et choisit le mal pour le bien, ou le faux pour le vrai. Ce qui fait que je me trompe et que je pèche.
Méditation quatrième, §10
Tout le raisonnement tient du "ils sont trop verts": si j'avais été tout seul, j'aurais pu être parfait (Dieu m'aurait peut-être accordé la perfection), mais nous sommes si nombreux qu'un peu de diversité due aux erreurs (imperfections, défauts) des uns et des autres, c'est sans doute "mieux" malgré tout, plus parfait du point de vue divin:
Et je remarque bien qu'en tant que je me considère tout seul, comme s'il n'y avait que moi au monde, j'aurais été beaucoup plus parfait que je ne suis, si Dieu m'avait créé tel que je ne faillisse jamais. Mais je ne puis pas pour cela nier que ce ne soit en quelque façon une plus grande perfection dans tout l'Univers, de ce que quelques-unes de ses parties ne sont pas exemptes de défauts, que si elles étaient toutes semblables.
Méditation quatrième, §15
Ce sont véritablement des méditations et véritablement un exercice spirituel:
Car quoique je remarque cette faiblesse en ma nature, que je ne puis attacher continuellement mon esprit à une même pensée, je puis toutefois, par une méditation attentive et souvent réitérée, me l'imprimer si fortement en la mémoire, que je ne manque jamais de m'en ressouvenir, toutes les fois que j'en aurai besoin, et acquérir de cette façon l'habitude de ne point faillir.
Méditation quatrième, §15
«Car quoique je remarque cette faiblesse en ma nature, que je ne puis attacher continuellement mon esprit à une même pensée»: toute personne contemporaine qui "pratique" la méditation sait que ce flot de pensées continuel, c'est ce que tente d'interrompre la méditation.
Mais Descartes ne veut pas l'interrompre pour "faire le vide", non, il souhaite se concentrer sur une seule pensée, imprimer une seule pensée en sa mémoire: ne jamais donner son jugement que sur les choses qu'il conçoit parfaitement en vérité.

La force de son désir me remplit d'admiration.