J'enchaîne Les frères Karamazov à la suite de Taubes: je lisais Taubes parce que c'était un vieux désir, je lis Dostoïevski parce que Gwendoline m'a rappelé de façon fortuite que j'avais à le lire pour la fin du mois.

C'est ainsi que je lis à la suite deux livres dont le premier se termine par :
«Paul, juif romain de Tarse, s'empara de ce sentiment de culpabilité et le ramena correctement à sa source historique primitive. Il nomma celle-ci le "péché originel"; c'était un crime contre Dieu qui ne pouvait être expié que par la mort. Par le péché originel, la mort était entrée dans le monde. En réalité, ce crime digne de mort avait été le meurtre du père primitif, plus tard divinisé. Mais on ne rappela pas l'acte du meurtre; à sa place on fantasma son expiation, et c'est pourquoi ce fantasme pouvait être salué comme une nouvelle de rédemption (évangile)

Freud, L'Homme Moïse et la religion monothéiste, Gallimard 1986 p. 177-178, cité par Taubes dans son article "La religion et l'avenir de la psychanalyse" paru en anglais à New York en 1957 et repris à la fin du livre de Jacob Taubes, La théologie politique de Paul, Seuil, p.184.
et le deuxième commence par:
[Avril 1878] […]
A cette époque, deux hommes ont une influence sur sa pensée: ce sont Vladimir Soloviev, alors tout jeune, et Nicolas Fedorov. Soloviev faisait cette année-là un cours sur l'humanité divine que Dostoïevski suivait assidûment. Fedorov exposait un système philosophique destiné à restaurer l'unité parmi le hommes: il faut, dit-il, supprimer le conflit entre les générations et c'est aux fils de «ressusciter leurs pères». Le parricide, motif central des Frères Karamazov, est l'image même de la désunion qui empêche l'humanité d'accomplir sa mission rédemptrice. On trouve dans les carnets de Dostoïevski des notes qui ont trait à cette idée.

"L'élaboration des frères Karamazov" par Sylvie Luneau, p. XIX dans Les Frères Karamazov de Dostoievski, Gallimard Pléiade 1952.


(En 1928, Freud écrit un article, Dostojewski und die Vatertötung, soutenant que les plus grandes œuvres de la littérature occidentale traite de parricide: Œdipe, Hamlet, Les frères Karamazov.)