Véhesse

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Billets pour la catégorie Gide, André :

mercredi 18 novembre 2009

Tambouille

Et puis mes sept poèmes ne fermentent pas du tout — en voilà des manières! Ils mijotent.

Correspondance à trois voix, Gide à Louÿs, le 3 juin 1891

L'attente

T'attendre, ici, m'apprit ce que c'est que de t'attendre; de penser à toi maintenant m'apprend ce que c'est que penser à quelqu'un.

Correspondance à trois voix, Gide à Louÿs, le 18 juillet 1894

lundi 16 novembre 2009

Nuances

André Gide à Louÿs, le 24 mars 1892
Tu admireras la teinte de ce papier. Ne crois pas que ce vert soit chou ; c'est du vert «chartreuse».

Réponse de Louÿs le 26 mars 1892
Ton papier est bien mais le mien est cuisse de nymphe calmée.

Correspondance à trois voix

vendredi 21 août 2009

L'amitié

Gide se retire à l'écart du monde pour écrire son premier livre. Il demande à Pierre Louÿs de lui donner des nouvelles, mais sans le troubler moralement:

C'est aussi pourquoi, tout en te demandant instamment de m’écrire (très intrigué de ce que tu fais), je te prie aussi instamment de n’insinuer dans tes lettres aucune cause de trouble moral pour moi, ni de discussion — à savoir des opinions de toi sur les choses ou sur d’autres que moi, des exhortations autres que celles qui peuvent m’encourager dans ma besogne… enfin, tu me comprends, n’est-ce pas?

Réponse de Pierre Louÿs

[Dizy] Mercredi 16 [avril 1890]

Mon cher ami,
Le thermomètre de la vérandah marquait:
à 7 du matin _ _ _ _ 6°
à 11 h _ _ _ _ _ _ _ 11°
à 1 h _ _ _ _ _ _ _ _17°
Le baromètre, hier si bas, et qui inquiétaient nos populations, est remonté peu à peu à 751mm.
On annonce une dépression dans la mer du Nord, qui aurait son centre non loin d’Aberdeen et dont les effets se feraient sentir jusqu’à Drontheim.
J’ai dîné hier chez mon oncle. Le menu était ainsi composé:
Potage
Hors d’œuvre
Vol au vent
Filet Soubise
New potatoes
Poulet à l’estragon
Salade
Haricots panachés
Biscuit-crème Sarah-Bernhart
Dessert varié

Mademoiselle Alice Parigot vient de se marier. Elle épouse un notaire, sérieux et honnête. Trente-neuf ans.
On nous écrit de Château-Thierry que Tototte Thoraillier est assez souffrante. La pauvre petite «aura sans doute attrapé un chaud et froid». A cet âge, il suffit de si peu de chose.
Germaine Dubois vient de perdre une dent de lait.
Le petit chat est mort.
Hier, à deux heures et demie, Marecco a avalé un morceau de sucre qu’on lui avait posé sur le nez, au lieu d’attendre qu’un signe de la main lui permît de le faire sauter. Pareil fait ne s’était jamais produit. C’est un scandale dans Epernay.
Anna s’en va, parce qu’elle ne peut pas sentir Zoé. Et Zoé sanglote en disant à ma cousine: «Si Anna s’en va à cause de moi, qu’est-ce que Madame va penser de moi?»
On construit en ce moment dans notre ville un hôpital et une chapelle. La chapelle est très grande! C’est ce qui fait dire au docteur C…: «Ce n’est pas la chapelle de l’hôpital, c’est l’hôpital de la chapelle.» Ce mot plein d’humour prouve que les Parisiens n’ont pas le monopole de la plaisanterie, comme il s’en vante.
Dans l’espoir qu’aucun des paragraphes de cette lettres n’aura soulevé de discussions entre nous, et que ton état d’esprit n’est pas ébranlé, je reste ton serviteur.

Pierre

André Gide à Pierre Louÿs

[Paris] Jeudi [C.P. 17 avril 1890]

Ah! mon ami, que de choses se sont donc passées depuis que nous nous sommes vus. Ta lettre était si pleine de nouvelles que j’en suis encore tout ému.
Alors c’est fini! elle s’est mariée, celle qu’une douce habitude nous laissait appeler «Mademoiselle Alice». Mademoiselle Alice! que de souvenirs envolés! finis tous les beaux rêves! et avec qui? un notaire, dis-tu? Précise, je t’en prie; j’attends en hâte des détails.
Encore une fin: le petit chat! Ah ! mon ami, que de tristes nouvelles!
N’est-ce pas de Marecco qu’on pourrait dire «l’esprit est prompt mais la chair est faible»?
Eh bien! sais-tu? je suis presque content qu’il [ait] avalé sa friandise bien vite avant l’ordre. Ce morceau de sucre sur le nez le faisait affreusement loucher.
La dent de lait de Germaine! Si ma cousine Jonquet était là, elle se serait écriée de sa voix de reine, avec le geste que tu lui connais : « Qu’on me la garde.»
Elle porte encore le collier où elle a fait monter les siennes; Monsieur Brunot s’approchait d’elle l’autre soir et lui disait en manière de plaisanterie: «Les belles perles, madame!» Cela fit beaucoup sourire.
Alors c’est la brouille, entre Anna et Zoé — la brouille complète ? Tu sais, entre nous, je crois qu’Anna a beaucoup de torts.
Je garde pour la fin les meilleures choses. «New potatoes»!!! ah! mon ami, pour une affection qui sait lire entre les lignes, que de choses je vois dans ce simple menu. Alors tu en as fait! envoie-les moi, je t’en prie. Mais l’aimable façon de m’annoncer cela, j’y reconnais bien là ton esprit et ta délicate pudeur qui cache sous un symbole opaque aux yeux des autres ce que tu veux que mes yeux seuls voient. Pourtant je m’inquiète de cette phrase «une dépression dans la mer du Nord».
Quoi donc qu’est-ce qui ne va pas ? A ! Pierre ! tu me caches quelque chose… Prends garde, on peut aller très loin quand la définace commence d’entrer en jeu : il n’y a même plus de raison pour qu’on s’arrête. Souviens-toi de ce que dit Ponsard: «Quand la borne est franchit, il n’y a plus de limites[1]

Allons, au revoir.
Bien à toi,

André

P.S. Envoie-moi des nouvelles de Tototte. Je suis assez inquiet.

André Gide, Pierre Louÿs, Paul Valéry, Correspondances à trois voix, p.166sq.



Notes

[1] Citation attribuée par Flaubert, sous la rubrique «Jocrisses», dans les «Spécimens de tous les styles» de Bouvard et Pécuchet, à l’auteur dramatique et académicien François Ponsard (1814-1867), chef de ce qu’on appelait « l’école du Bon Sens ». C’est dans sa comédie L’Honneur et l’argent (1853), III, 5, que figurent les vers : «Quand la règle est franchie, il n’est plus de limite / Et la première faute aux fautes nous invite.»

lundi 16 mars 2009

Accepter les dons avec grâce

Pierre Louÿs écrit à Gide que Rops lui propose un frontispice pour La Conque. Réponse de Gide le 6 juin 1891:
Accepte, mon ami; il faut toujours accepter.
Mes préceptes là-dessus sont évangéliques : quand on vous remplit une main, il faut tendre l'autre.

Correspondance à trois voix, p.463

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