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Billets pour la catégorie Kertész, Imre :

mardi 31 mars 2015

Une certaine façon de penser

Réflexions sur l'hôpital.
Le personnel — les médecins, les infirmières et tous les autres — sont des gens consciencieux et surmenés, tous te veulent du bien, se dit-il. Le diabolique dans tout cela, c'est la dynamique irrésistible du fonctionnement — le trop grand nombre de malades et la situation qui devient peu à peu incurable — qui dirige toutes les bonnes intentions dans une seule direction, excluant par là même toute critique radicale, toute possibilité de changement ; le seul moyen d'agir, c'est de collaborer. Ces prémisses conduisent à une certaine façon de penser; si on les voit dans leur corruption dynamique et qu'on y ajoute l'obligation d'agir, alors à l'extrême limite de la réflexion se dessine la silhouette de Höss qui, en introduisant le Zychlon B., voulait seulement "humaniser" la brutalité du procédé, accélérer son "fonctionnement". Qui comprend ce type de raisonnement comprend le siècle où nous vivons, se dit-il.

Imre Kertész, L'Ultime Auberge, p.129-130, Actes Sud, 2015
Je lis sur le quai du RER. Je relève la tête, contemple les toits oranges au ras du quai dans le matin froid et pense: «Ah oui, c'était aussi l'idée du docteur Guillotin.»
«Et finalement, reprends-je en continuant mon tour d'horizon circulaire, il n'avait pas tort, si l'on songe aux boucheries des décapitations au Moyen-Orient.»
Je sursaute intérieurement. Non bien sûr, il avait totalement tort, le problème n'est pas de tuer humainement. La solution est de ne pas tuer. L'humain, c'est de ne pas tuer.

Et c'est ainsi qu'à force de chercher à comprendre, à expliquer, à justifier, on finit par oublier le fond de la question — alors qu'il suffit simplement de refuser de comprendre, d'expliquer, de justifier, qu'il suffit juste de dire non. La raison a fini par engendrer des monstres, c'est peut-être pour cela que cela s'est produit en Allemagne… mais non, voilà que je recommence à penser et à vouloir expliquer.

Le Refus, je crois que c'est un autre livre de Kertész (je n'en connais pas le sujet).

mercredi 25 mars 2015

Pour qui ?

L'essai verbeux de Kundera sur le roman. L'éloquence française qui pare ces lieux communs en atténue un peu les absurdités. Cela dit, Kundera arrive à la conclusion que, depuis Kafka, le roman dépeint un homme soumis à une volonté extérieure, désarmé face à un pouvoir qui étend son empire sur tout. Idées familières qui datent de l'époque d'Être sans destin. Néanmoins, la question demeure: si l'adaptation au pouvoir totalitaire est totale, à l'intention de qui décrivons-nous l'homme soumis au totalitarisme? Plus précisément, pourquoi présentons-nous en termes négatifs l'homme soumis au totalitarisme à l'intention d'une entité mystérieuse, extérieure à la totalité, qui pourrait porter des jugement sur celle-ci et qui — puisqu'il est question de roman — trouverait dans l'œuvre à s'amuser et à s"instruire, et se livrerait même à une activité critique, tirant des enseignements esthétiques pour les œuvres à venir? L'absurdité vient de ce qu'il n'y a plus de regard objectif depuis que Dieu est mort. Nous somme dans le panta rhei, nous n'avons aucun point d'appui et pourtant, nous écrivons comme si c'était l'inverse et qu'il existait malgré tout une perspective sub species aeternitatis qui relèverait d'une divinité ou de l'éternel humain; où se cache la solution de ce paradoxe?

Imre Kertész, L'Ultime Auberge, p.9-10, Actes Sud 2015

samedi 29 octobre 2011

Construire un comportement cohérent

Il ne m'a même pas répondu quand je l'ai salué, parce que tout le monde sait dans le quartier qu'il n'aime pas les juifs. C'est pourquoi il manquait quelques dizaines de grammes au morceau de pain qu'il m'a jeté. En revanche, j'ai entendu dire que, de cette façon, il faisait plus de bénéfice par ration. Et d'une certaine manière, à son regard haineux et à ses gestes experts, à cet instant j'ai soudain compris le principe de sa pensée, la raison pour laquelle il ne lui était même pas possible d'aimer les juifs, parce que, alors, il pourrait avoir la désagréable impression de les rouler. Alors que là, il agit conformément à ces convictions, et une sorte de principe guide ses actes, ce qui — je l'admets — est tout à fait différent, bien sûr.

Imre Kertész, Être sans destin, p.17

dimanche 12 août 2007

Une vie sans but

Je ne suis pas sûre que cette phrase trouvée hier chez Zvezdo soit d'un grand réconfort. Ou peut-être que si. Je ne sais pas.
Nous réalisons peut-être un but, pourtant –parmi nos activités quotidiennes–, nous ne tenons pas cette réalisation en grande estime, nous ne la remarquons pas et ainsi, alors que nous accomplissons le but de notre vie, notre vie elle-même nous semble ne pas avoir de but. Que pourrions nous faire d'autre? Finalement, la "vie" est taillée sur mesure; et si nous constatons que notre vie est une erreur, nous pouvons difficilement considérer que la digne réparation de cette erreur –du moins en ce qui concerne notre personne– soit la mort.

Imre Kertész, Un autre, p.124

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