Billets pour la catégorie Le Tellier, Hervé :

Débordé

Je pense que Dieu n'a jamais eu complètement le temps de finir l'ornithorynque, parce qu'il lui manque des ailes et une hélice.

Hervé Le Tellier, Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, p.69

Je confirme

Je pense que si j'étais une fille, je serais fasciné par le sexe des garçons.

Hervé Le Tellier, Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, p.67

Paradoxe temporel

Je pense que fondamentalement, je suis toujours disponible et toujours très occupé.

Hervé Le Tellier, Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, p.50

Uniquement pour les Parisiens

Je pense qu'elle est idiote, ton histoire, les esquimaux ont du papier rayé dans leurs igloos parce que «les raies au mur, c'est bath aux pôles»?

Hervé Le Tellier, Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, p.165

Non concerné

Je pense que si la réponse à ta question, c'était moi, c'est que tu ne t'es pas posée la bonne.

Hervé Le Tellier, Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, p.35

Mauvais augure

Je pense que je ne suis pas superstitieux, mais sur ma carte bleue il y a écrit Hervé Le Tellier, expire en 05/2009, et ça n'est pas très rassurant.

Hervé Le Tellier, Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, p.24

Souvenirs pour l'au-delà

Je pense que les infirmières devraient se souvenir qu'elles possèdent les dernières jambes de femmes que l'on voit.

Hervé Le Tellier, Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, p.15

Oulipo, hier

La neige m'a fait hésiter un peu, mais l'affaire Botul1 m'a décidée : je n'allais pas prendre le risque de rater du croustillant.

La séance du jour tourna autour de la rumination, c'est-à-dire des réflexions sur des contraintes non abouties, encore en cours de gestation, régurgitation, remâchages (avec force borborygmes autour du micro dont j'ai mal identifié les sources: Roubaud et Bénabou?).

Mise à jour : la séance est désormais en ligne.

Première apparition de Michèle Audin, hésitante et souriante.

Dans l'ensemble, les oulipiens sont très discrets, seul Roubaud se permet une allusion à BHL. Déçue? Non, pas vraiment, non en fait, pas du tout; j'aime cette retenue, cette capacité à ne pas hurler avec les loups. Seul Hervé Le Tellier jouera de la situation, mais sa connaissance particulière de Botul (cf. la vidéo) l'y autorisait.
Le Tellier nous a donc présenté une variation de l'"Autoportrait de l'homme au repos : Le descendeur" de Paul Fournel (Les athlètes dans leur tête).

Il est très difficile de rendre compte d'une séance de l'Oulipo car l'à-peu-près est impossible: ce n'est pas le sens qu'il faut restituer, mais chaque mot, chaque construction. Je ne peux donc que faire une évocation. A partir du texte de Paul Fournel dont je vous donne le début (voir la suite sur Fatrazie, imaginez la variation possible sur le cas B-H L:
Mon métier consiste à descendre du haut de la montagne jusqu'en bas. À descendre le plus vite possible. C'est un métier d'homme. D'abord parce que lorsqu'il est en haut l'homme a envie de descendre en bas le plus vite possible, ensuite parce que lorsqu'il y a plusieurs hommes en haut ils veulent tous descendre plus vite les uns que les autres.
Un métier humain.
Je suis descendeur.
Il y a eu Toni Sailer, il y a eu Jean Vuarnet, il y a eu Jean-Claude Killy, il y a eu Franz Klammer, il y a eu les Canadiens et, maintenant il y a moi. Je serai cette année champion du monde et aux prochains jeux olympiques j’aurai la médaille d'or.
Je suis l'homme le plus équilibré de la montagne, le plus calme, le plus concentré, et mon travail consiste à fabriquer du déséquilibre.

Ce qui donna des choses comme «Un métier humain: je suis philosophe télévisuel. Mon métier consiste à fabriquer du grosconcept, du grosconcept visible du plus loin possible. C'est un métier d'homme… Je grosconcepte à temps plein… je souris au cameraman car je sais qu'il m'aidera à grosconcepter,… Un jour, l'essentiel devient la position de votre bouton de chemise. C'est le bouton de chemise qui fait le philosophe télévisuel… vous avez changé quatorze fois de lessive…
Et puis il y a le moment qui arrive forcément dans une vie, le seul moment de vrai repos, de repos absolu. Le repos du philosophe télévisuel.

Et Le Tellier terminera par «... vous obligeant à faire preuve d'un humour qu'on ne vous connaissait pas.»




Note
1 : Il est possible que dans deux siècles Botul existe et BHL n'existe plus. Mais après tout, on n'a pas vraiment de preuve d'existence de Socrate, sinon par Platon.

La chapelle sextine d'Hervé Le Tellier

Jeudi, dernier jeudi de l'Oulipo. Rendez-vous est pris pour octobre (sans doute pour avoir raconté la mort de Marie-Antoinette, Olivier Salon avait perdu la tête).
J'achète les premiers livres de l'année (je veux dire sur ce lieu): La Dissolution de Roubaud (un peu à cause des poèmes qu'il a rédigés pour Marcheschi) et La Chapelle sextine, que je voulais lire depuis la prestation d'Hervé Le Tellier au Petit Palais.
Première surprise, un exergue de Barthes, tiré de sa préface de Tricks:

Les pratiques sexuelles sont banales, pauvres et vouées à la répétition et cette pauvreté est disproportionnée à l'émerveillement du plaisir qu'elles procurent.
Roland Barthes, préface aux Tricks de Renaud Camus

(Intéressant: ce n'est pas le plaisir qui est disproportionné, c'est l'intensité de la surprise heureuse à découvrir ce plaisir. Cette surprise subsiste sans érosion, la monotonie ne l'atteint pas.)


Quatre variables dans l'amour: les partenaires, les pratiques, les positions, les situations. Vingt-six partenaires[1], quatre pratiques (pénétration anale ou vaginale, cunnilingus, fellation). Je n'ai pas compté les lieux ni les positions (debout, assis, etc).
A partir de ces données, Le Tellier organise une combinatoire ludique, parcourant l'éventail des amours, du réussi au raté, reproduisant les pensées souvent cocasses ou déplacées qui peuvent traverser l'esprit dans ces instants. Pour chaque scène, un court paragraphe présente une ambiance et un style, illustré par Xavier Gorce avec un sens étonnant du condensé. La chute, présentée à part et en italique, est souvent ce que je préfère.

J'ai eu beaucoup de mal à choisir la scène que j'allais copier ici, d'heure en heure je changeais d'avis.

Ben et Mina. Dans le vaste dressing d'une chambre du premier, Ben, pantalon de smoking aux genoux, dos aux mur, a soulevé la si légère Mina, dont la robe lamée rouge remontée à la taille découvre les hanches. De ses bras, de ses cuisses musclées, elle entoure Ben, et lui la prend doucement, soutenant ses fesses menues de ses mains puissantes. You take advantage of me, d'Art Tatum, monte du rez-de-chaussée et rythme la lente pénétration. Tout à l'heure ils se demanderont de nouveau leurs prénoms.

Si elle connaissait Mark Twain, Mina pourrait se dire qu'elle a de commun avec Ève qu'elle couche avec le premier venu.

Hervé Le Tellier, La Chapelle sextine, p.80

Notes

[1] Hervé Le Tellier au petit Palais: «[...] les personnages sont peu décrits, mais ils ne se rencontrent pas au hasard, dans la deuxième sextine ils sont présentés dans l'ordre de leur âge, les hommes en ordre croissant et les femmes décroissant (ou l'inverse, je ne sais plus). En fait, il y a là mes soirées télé, Sami Frey, Patrick Timsit, (etc, je ne sais plus). J'ai un peu oublié qui est qui avec le temps... il y a même PPDA, si vous venez me demander à la fin, je vous dirais qui c'est.»

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