Ce soir c'était à la la librairie Palimpseste — en face de la Sorbonne III où en d'autres temps j'avais trouvé à la bibliothèque l'article de Maurice Mesnage utilisé dans Les Églogues — qu'avait lieu une lecture d'extraits de Sauvé d'Alfhild Agrell et des Vraies femmes d'Anne-Charlotte Leffler, dont le Théâtre complet a été traduit par Corinne François-Denève.

Je possédais un avantage comparatif par rapport au reste de l'auditoire puisque j'avais vu, ou plutôt entendu, Sauvé dans son intégralité en décembre — ayant cependant oublié la puissance de l'exposé de Viola décrivant la nasse où elle était enfermée, l'impossibilité de s'en échapper sans prendre le risque qu'on lui interdise de voir son enfant — et la soudaine voie vers la liberté qui s'ouvre devant elle.

Les Vraies Femmes est peut-être plus navrant encore quand l'héroïne qui fait tout pour sauver sa mère et sa sœur de la misère où les conduisent des maris viveurs et égoïstes (ou simplement gâtés, habitués dès l'enfance que tout leur soit dû de par leur statut d'homme) constate: «certaines femmes sont comme des chiens, plus elles sont maltraitées, plus elles aiment leur maître», mettant en lumière tout ce qui reste d'actuel dans le combat féministe: la nécessité de convaincre non seulement les hommes, mais aussi les femmes. Les évolutions juridiques sont indispensables mais insuffisantes, ce sont les convictions intimes et leur mise en pratique que l'on doit convertir.
Là encore, comme pour Sauvé (ou Sauvée?), le titre est ambigu: qui sont "les vraies femmes"? celles qui se rebellent contre l'ordre établi, ou celles qui s'y soumettent? Cependant le constat fondamental reste le même: il n'y a pas de liberté sans autonomie financière: les héroïnes d'Agrell et Leffler travaillent et lorsqu'une somme d'argent leur est dévolue en propre, c'est la liberté qui s'offre. (Dans mon envolée lyrique contemporaine, je ne peux que vous encourager à aller prêter 25 dollars à un projet ou à un autre sur kiva).

En attendant que les pièces soient montées (je saisis au passage une conversation qui parle du mécénat de Volvo ou Ikéa, mais hélas, ils s'intéressent surtout au contemporain), d'autres lectures sont prévues:
- le 8 mars 18h30 à la bibliothèque nordique : lecture intégrale des Vraies femmes
- le 22 avril à 14h au théâtre Berthelot de Montreuil : lecture des Vraies femmes et Sauvé
- le 21 mai à 17h à la maison des étudiants suédois à la Cité universitaire de Paris : lecture de Ah! l'amour !

Les comédiens étaient ceux de décembre auxquels s'ajoutait Barbara Castin: Pierre Duprat, Benoit Lepecq, Marion Malenfant, Fabienne Périneau et Joffrey Roggeman.
Marion Malenfant a une expressivité et un timbre qui conviennent particulièrement aux rôles qui lui sont dévolus.