Véhesse

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Billets pour la catégorie Lieutenant X :

vendredi 13 novembre 2009

Intimidation

L'intimidation qui avait réussi avec le grand fou ne servirait de rien avec la petite folle.

Lieutenant X, Langelot agent secret, p.242

mercredi 29 novembre 2006

Snif, snif

De un à huit ans, j'ai habité Agadir, où mes parents étaient coopérants. Nous avions très peu de livres, je me souviens des Voyages de Gulliver offert par mon parrain pour mes sept ans, de Contes et légendes de la Camargue et des gitans dans la célèbre collection blanche à filets dorés, et Flamme et les purs-sangs, que j'ai mis très longtemps à comprendre car il faisait apparaître des extra-terrestres au milieu d'une très classique histoire de chevaux, ce que mon esprit a mis des années à accepter.

Mes pourvoyeurs de livres étaient deux amis, Fabienne et Yvan. Yvan avait avait deux ans de plus que moi, j'ai écumé sa bibliothèque. Nous passions des heures à jouer aux agents secrets dans les dunes (nous lisions Le journal de Mickey, lui était un fan de Mandrake tandis que je préférais Guy l'éclair) et je lisais sa collection de Langelot.
Il les avait tous sauf un, Langelot et le sous-marin jaune. Rentrée en France, je n'eus de cesse de trouver cet introuvable, ce qui ne présenta pas d'ailleurs grande difficulté.
Des années plus tard, la mère d'Yvan a offet tous les Langelot de son fils à la bibliothèque du petit village savoyard où elle habite aujourd'hui. Je lui en veux beaucoup pour ce sacrilège. Si vous empruntez des Langelot à la bibliothèque d'Habère-Lullin, sachez que ce sont "les miens" et qu'ils ont connu Agadir.

J'ai lu tous les Langelot à l'école primaire, je les ai tous achetés et relus en terminale quand j'avais des coups de blues, il m'arrive encore d'en rouvrir un, même si c'est désormais trop léger pour que je puisse les lire de A à Z. Je cherche Langelot et l'inconnue.

En 2001, je crois, en passant chez Gibert, j'ai découvert par hasard qui était le lieutenant X : Vladimir Volkoff. Les Langelot étaient en effet en cours de réédition aux éditions du Triomphe, et le mythique Lieutenant X. dévoilait son identité. J'étais triste que le secret soit levé et surprise que l'auteur soit vivant. Il est mort en 2005.

Je suis toujours surprise du nombre de personnes autour de moi qui ont lu Langelot. On se fréquente de loin ou de plus près, conversations de bureau, conversations internautiques, amis d'amis rencontrés tous les deux ans à des célébrations d'anniversaire, et puis un jour, on se rend compte qu'on a un point commun: Langelot, "Solitaires mais solidaires", snif snif, Choupette, la 2CV, le pitaine, Hedwige, la Midget bleue, le professeur Propergol, "Tu parles trop, Charles"... A tort ou à raison, dès que quelqu'un me dit qu'il a lu Langelot, j'ai l'impression que nous avons des valeurs communes.
Il faudrait fonder un club.

Pour le plaisir, je mets en ligne le début du premier livre, et un passage sur la place de l'art dans les voyages organisés.

«C'est ma gamelle, je te dis! cria le grand rouquin agitant ses longs bras.
— Erreur! C'est la mienne! répliqua le petit blond se ramassant en boule.
— Gare à toi! Je t'écrase! menaça le grand.
— Essaie, répondit le petit.
— Kss ! Kss ! mords-le ! » firent les autres en formant un cercle.

Une de ces casernes sinistres, malodorantes, que le maréchal de Lattre voulait démolir toutes. Celle-ci — par ironie, eût-on dit — s'appelait justement caserne De-Lattre-de-Tassigny. Elle était située dans la banlieue parisienne et abritait, entre autres services et unités, la «Commission de présélection anticipée». Cet organisme au nom biscornu était chargé d'orienter les jeunes gens de dix-huit ans, dûment recensés, vers les armes dans lesquelles ils feraient, deux ans plus tard, leur service militaire.
Elle faisait même mieux que cela, la Commission. Ses moyens très perfectionnés lui avaient permis de déceler chez certains garçons, qui n'avaient pas eu la chance de pouvoir poursuivre leurs études, des capacités intellectuelles peu ordinaires : elle les avait aussitôt dirigés vers des établissements spécialisés qui en avaient fait des ingénieurs et des officiers de réserve.
Hélas! la juridiction moderne, efficace, de la Commission ne s'étendait pas en dehors de ses locaux. Résultat : deux des garçons qu'elle accueillait pendant trois jours, pour des tests et des examens divers, en étaient réduits à se battre pour une gamelle modèle 14 modifié 39! En effet, le « grand » avait perdu la sienne et prétendait s'approprier celle du « petit », pour n'avoir pas d'ennuis avec l'adjudant, le jour du départ.
« Allez, rends-moi ma gamelle sans faire d'histoires ou je t'assomme, reprit le grand. Moi, je pèse 60 kilos et je...
— Tu m'assommes déjà avec tes discours! rétorqua le petit. Il y en a qui sont doués, tout de même, comme orateurs.
— Vas-y le grand!
— Vas-y le petit! »
Quarante-huit garçons brandissant leur gamelle (modèle 14 modifié 39) excitaient les adversaires.
« Eh bien, ce sera tant pis pour toi », dit le grand en avançant d'un pas.
Et lança le poing.
Il dominait l'autre de la tête, d'une bonne demi-carrure et de la moitié de la longueur du bras.
Un ou deux spectateurs à l'âme sensible fermèrent les yeux pour ne pas voir ratatiner leur camarade... Lorsqu'ils les rouvrirent, ils virent le grand à plat ventre, au sol, le nez dans le gravier, un bras tordu derrière le dos. Le petit, qui lui avait enfourché les reins, lui demandait gentiment:
«Dis, je te casse l'avant-bras ou je ne te le casse pas?»
Les apparences, il faut l'avouer, étaient trompeuses. L'adjudant chargé de la discipline, que les cris des garçons avaient alerté, pouvait difficilement deviner que le coupable se trouvait dessous et que le polisson qui caracolait sur son dos n'avait d'autre tort que de tenir à sa gamelle et de connaître un peu de judo. D'autant plus qu'il s'agissait en l'occurrence d'un adjudant spécialisé dans l'inspection des boutons de guêtres et des semelles de chaussures, qui n'avait jamais vu le feu, jamais exercé un commandement, et s'était contenté d'une carrière glorieuse opiniâtrement poursuivie depuis trente ans dans la même caserne.
« De quoi? tonna-t-il. Ça n'est même pas encore jeune recrue et ça veut faire la loi? Petite brute! Je m'en vais vous apprendre à vous bagarrer dans la cour du quartier! Civil ou pas, ça m'est égal. Si vous n'êtes pas content, vous irez le dire au colonel. Au trou, et pas de discussion! »
A la grande surprise des spectateurs, le vainqueur n'opposa pas la moindre résistance, ne tenta pas la moindre justification. Il se releva lentement.
«J'emporte ma gamelle. Vous permettez?»
Et, tête haute, il suivit l'adjudant jusqu'à la prison où il commença immédiatement une partie de dominos avec des soldats qui s'y trouvaient déjà.

Lieutenant X., Langelot agent secret, chapitre 1

Lorsque Langelot entra dans la salle de délibérations, il vit, assis derrière une table recouverte d'un tapis vert, une douzaine d'officiers portant les uniformes les plus divers de l'Armée française, bleus ou moutarde, avec fourragère ou sans, étincelants de galons, émaillés de décorations, chemise kaki pour les uns, chemise blanche pour les autres, avec des cravates noires, des cravates marron, une cravate verte, et des accessoires variés, depuis le fume-cigarette de l'aviateur jusqu'au stick du colonel qui présidait. Au bout de la table, unique de son espèce, un civil.
Les officiers, eux, virent s'avancer un garçon de petite taille, en chandail vert et pantalon noir, les traits menus mais durs, le front largement barré d'une mèche blonde, le regard bleu, attentif, sur la réserve. Il s'inclina avec aisance, sans prononcer un mot. Les officiers s'entre-regardèrent. Montferrand bourrait sa pipe. Un silence pesa. Enfin :
« Asseyez-vous, jeune homme », dit le colonel avec bienveillance.
Le garçon s'assit face aux officiers.
« Nous vous avons demandé de venir le premier parce que la machine a exprimé à votre sujet un avis assez peu ordinaire, reprit le colonel. Vous savez, n'est-ce pas, que les résultats de tous les tests que vous avez subis sont analysés par une calculatrice électronique?...
— Oui, mon colonel. »
La voix était fermé, bien timbrée. Le ton poli et distant.
« Monsieur Langelot, j'ai votre dossier sous les yeux. Vous êtes orphelin de père et de mère, je vois?
— Mes parents sont morts dans un accident d'avion.
— Vous avez fait vos études dans un collège. Vous avez votre baccalauréat. A quelle carrière vous destinez-vous?
— Je ne sais pas, mon colonel.
— Vous ne savez pas?»
L'ombre d'une expression espiègle passa sur le visage fermé du garçon:
«Il n'y a pas tellement de carrières amusantes, mon colonel. Vous ne trouvez pas?»
Le colonel regarda Montferrand qui bourrait toujours. L'artilleur se pencha en avant:
«Vous avez des frères, des sœurs?»
Langelot hocha la tête, négativement.
Le parachutiste chuchota à l'oreille du colonel président:
«Il est sportif?
— Equitation, judo, natation», lut le colonel dans le dossier.
Le spécialiste des engins demanda: «En classe, vous avez fait du latin ou des mathématiques?
— Les deux, mon capitaine.»
Le fantassin, qui avait fini d'additionner ses fiches, leva le nez:
«Vous n'avez jamais songé à une carrière militaire?
— Oh ! non, mon capitaine.
— Pourquoi cela?
— Ça ne m'amuserait pas du tout d'appuyer sur des boutons pour faire partir des fusées.»
Les officiers s'entre-regardèrent de nouveau. Ils avaient fait, eux, de vraies guerres, où l'ennemi se trouvait à une portée de fusil — quelquefois à une portée de baïonnette. Mais, dans l'avenir, il fallait bien se rendre à l'évidence, la guerre appartenait aux techniciens.
Le spécialiste des engins fit «Hum!» mais n'objecta rien.
«Comme je vous le disais, reprit le colonel, la calculatrice vous tient en haute estime, monsieur Langelot. Elle nous conseille de vous confier des responsabilités qui paraissent au-dessus de votre âge, mais qui, peut-être, vous «amuseraient». Seriez-vous éventuellement disposé à devancer l'appel et à contracter un engagement d'une durée de plusieurs années?
— Cela dépendrait, mon colonel.
— Sans doute. Pensez-vous que, si vous preniez pareille décision, votre tuteur s'y opposerait?
— Sûrement pas... » La même expression espiègle : « Il serait ravi qu'il m'arrive quelque chose. Il administre pour moi les biens de mes parents. »
Tout à coup, Montferrand, qui avait enfin allumé sa pipe, prit la parole:
«Dites-moi, Langelot, vous vous bagarrez souvent comme vous l'avez fait aujourd'hui?»
Langelot tourna son regard attentif vers Montferrand, réfléchit un moment, et répondit :
«Très rarement, mon commandant.»
Les officiers chuchotèrent entre eux. Montferrand demanda:
«Pourquoi m'appelez-vous «mon commandant»? Vous voyez bien que je suis civil.
— Vous êtes en civil, corrigea Langelot. J'avais pensé, d'après votre coupe de cheveux et votre regard, que vous étiez militaire... Et commandant d'après votre âge.»
Le parachutiste se mit à rire. Le colonel se dissimula la bouche avec deux doigts. Tout le monde regardait les cheveux gris, drus, coupés en brosse, de Montferrand, qui répondit, avec sérénité:
«Eh bien, vous vous trompez. Je suis civil. Je m'appelle Roger Noël et je suis enchanté de faire votre connaissance.»
Il tendait la main.
Langelot se leva pour aller la prendre et la serrer. Il avait la poignée énergique et rapide. Ses yeux bleus et les yeux marron de Montferrand se croisèrent.
«Vous aviez raison ou tort, tout à l'heure, quand vous vous êtes battu? demanda l'homme.
— J'avais raison, répondit le garçon sans hésiter.
— Vous avez essayé de l'expliquer à l'adjudant?
— Non.
— Pourquoi?
— Il n'était pas d'humeur à comprendre.»
Le colonel toussota. Montferrand inclina gravement la tête.
«Il faut apprendre à avoir confiance en ses supérieurs, dit-il. Les supérieurs sont rarement d'humeur à comprendre. Il faut les y forcer. Maintenant, Langelot, sans aucun engagement de part ni d'autre — car il faut que nous réfléchissions, vous et moi —, seriez-vous disposé à consacrer plusieurs années de votre vie à vous occuper de documentation? Je vous précise tout de suite que la formation d'un documentaliste coûte très cher à l'Etat et que, par conséquent, une fois que vous aurez signé un contrat, il ne sera plus question de filer vendre du cirage ou des nouilles. Je vous précise aussi, à toutes fins utiles, que la documentation est un travail sérieux, absorbant, souvent fastidieux, qui ne ressemble guère à ce que vous avez pu lire dans les romans d'espionnage. Vous me comprenez bien? Dernier point : je vous précise que c'est un travail dangereux...»
Tout en parlant, Montferrand observait le visage du garçon. Au mot «dangereux», il y eut enfin une réaction: le visage s'éclaira brusquement.
«Je crois que j'aimerais assez ça, monsieur.
— Bien. Si le colonel permet, vous pouvez disposer. Je. vous reverrai cet après-midi pour vous dire ce que j'aurai décidé de mon côté.»

Ibid, chapitre 3

Langelot est en mission en Angleterre. Il prend part à un voyage organisé et se mêle aux touristes ordinaires. Leur guide est une jolie jeune fille nommée Clarisse:

Après avoir désigné la colonne Nelson, les lions, l'arche de l'Amirauté et Whitehall, Clarisse annonça aux passagers qu'ils disposaient d'une heure pour visiter le plus beau musée de peinture de l'univers, à savoir la National Gallery. Tout le monde débarqua.
La dame corpulente dit au monsieur à barbiche:
«J'aimerais tant voyager si on ne me forçait pas toujours à regarder des tableaux!
— Une heure, ça se supporte encore», répondit le monsieur.
La National Gallery fut inspectée au pas gymnastique. A l'entrée de chaque salle, Clarisse annonçait:
«Ici, vous avez trois Sebastiano del Piombo, un Léonard de Vinci, et sept peintres mineurs.»
Ou bien:
«Ici, vous n'avez pratiquement que des Rubens.»
Mais ces Piombo, ces Rubens, ces Vinci, il n'était pas question de leur accorder un coup d'œil. Clarisse Barlowe n'avait aucune indulgence pour les brebis égarées. Si l'une de ses ouailles s'attardait devant un tableau, elle avait tôt fait de la rappeler à l'ordre:
«Pressons, madame. Pressons, monsieur. Nous avons encore trois cent quatre-vingt-sept tableaux à admirer...»
Guide exemplaire, la jeune Anglaise si frêle et si rose, jouant à la fois le berger et le chien du berger, contrôlait son monde à la sortie de chaque salle; quand on eut regagné l'autocar, elle put donc annoncer d'un air fort satisfait qu'on avait cinq minutes d'avance sur l'horaire. Les plus âgés des touristes étaient un peu essoufflés, mais chacun s'estimait heureux d'être quitte de la National Gallery à si bon compte.
Le voisin de Langelot leva la main.
« Miss Barlowe, combien de musées devons-nous encore voir?
— Deux, monsieur. La Tate Gallery et le British Museum.
— Zut!» dit laconiquement le garçon.
Mais un autre passager, gros homme à la carrure de boxeur, exigea un complément d'information :
«Pouvons-nous compter sur vous, Miss Barlowe, pour nous les faire visiter aussi vite que celui que nous venons de voir?
— Certainement », répondit Clarisse.
Le gros homme s'épanouit et sourit même à Langelot:
«Voyez-vous, jeune homme, c'est ainsi qu'il faut voyager. Voir le plus de choses dans le moins de temps possible. Les victoires, les défaites, ça, c'est bon pour les jeunes comme vous qui ont encore leurs cours d'histoire à la mémoire. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la quantité. Savez-vous pourquoi je suis venu au W.T.A.? Parce que j'ai un ami qui m'a dit: «Avec «W.T.A., tu en auras pour ton argent.» Et je commence à croire qu'il avait raison.»

Lieutenant X., Langelot et les saboteurs, p.56

À retenir

Index

Catégories

Archives

Syndication



vehesse[chez]free.fr


del.icio.us

Library

Creative Commons : certains droits réservés

| Autres
Les billets et commentaires du blog vehesse.free.fr sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.