(Et à ceux qui se demanderaient pourquoi cette brutale irruption de Jalna, disons que c'est un petit plaisir que je me fais, dans la lecture désordonnée et parcellaire des sources avouées de Passage.)

La chambre de Nicolas était un champ de bataille. D'un bout à l'autre du passage, les combattants surgissaient. Les jeunes gens oubliaient leurs amours, leurs craintes, leurs jalousies, les deux vieillards leurs années, dans l'ivresse physique de ce combat à demi nus.
«Enfants, enfants! cria Meg en écartant son rideau de chenille.
— Tiens-toi tranquille, ma vieille!» Et un oreiller, à la volée, la repoussa dans sa chambre.
Pheasant apparut à sa porte, ses cheveux courts tout ébouriffés. «Est-ce que je peux jouer aussi? cria-t-elle en gambadant.
— Rentrez dans votre trou, petit hérisson», dit Renny et il lui donna une chiquenaude amicale en passant.
Il courait après Nicolas dont la goutte tout à coup s'était réveillée et qui pouvait à peine se traîner. Piers et Finch le poursuivaient. Ils l'acculèrent et Nicolas, tout épuisé qu'il fût, renversa les rôles et aida à le bourrer de coups.
Eden, debout en haut de l'escalier, repoussait en riant le petit Wake qui brandissait comme un homme un long traversin d'autrefois.
Ernest en un dernier accès de gaieté sortit furtivement de sa chambre et jeta au groupe un solide coussin de divan.

Mazo de la Roche, Jalna