Ce qui n’est pas remplaçable dans l’œuvre d’art, ce qui fait d’elle beaucoup plus qu’un moyen de plaisir: un organe de l’esprit, dont l’analogue se retrouve en toute pensée philosophique ou politique si elle est productive, c’est ce qu’elle contient, mieux que des idées, des matrices d’idées, qu’elle nous fournit d’emblèmes dont nous n’avons jamais fini de développer le sens, que, justement parce qu’elle s’installe et nous installe dans un monde dont nous n’avons pas la clef, elle nous apprend à voir et finalement nous donne à penser comme aucun ouvrage analytique ne peut le faire, parce que l’analyse ne trouve dans l’objet que ce que nous y avons mis.

Maurice Merleau-Ponty, « Le langage indirect et les voix du silence », Signes [1960], 2001, Folio Essais : 124-125