Ce livre fait partie des livres cités dans L'Amour l'Automne. Je n'y ai trouvé aucune phrase qui puisse m'être utile dans mon identification des sources, mais je ne regrette pas ma lecture : c'est un livre drôle et grave, totalement invraisemblable et loufoque dans son ensemble mais juste localement. Les observations sont amusantes, fines et exactes, avec quelque chose de proustien (voir l'extrait ci-dessous) et tandis que le ton — l'humour — est celui du cliché, on n'y tombe jamais.
La fin du livre nous montre Alias (le héros) sur le point de devenir celui qu'il a rencontré au début du livre, dans cette temporalité circulaire toujours dérangeante.
Ce livre vite lu ne sera sans doute ni relu, ni oublié.
Même la personne la moins au fait de la psychologie humaine eût compris que Mme Charpon vivait un des plus doux moments de sa vie, qu'elle touchait enfin à sa victoire. Et le bonheur était en elle, ineffable, car il n'est de joie plus forte que celle de la revanche. Combien de grandes vies n'ont eu d'autres moteur! Et combien il y a peu de joies comparables à celles qu'on éprouve lorsque après une longue attente on atteint enfin à la situation à laquelle personne ne vous croyait plus capable d'atteindre. Il faut avoir entendu notre père dire: «Toi qui ne sais rien...» Notre employeur dire: «Vous qui n'arriverez jamais à rien...» Notre meilleur ami écouter avec un sourire las l'exposé de nos plus chers projets, il faut avoir vu des années sur tous les visages une amabilité non exempte de doute, une apparence de confiance mêlée toujours d'une profonde méfiance. Il faut avoir follement espéré l'impossible, accepté de savoir seul que l'impossible était possible encore pour comprendre toute la joie d'une revanche. Ô jeune poète dont on moquait dans ta province la poésie, mais qui vieillard as rapporté chez toi la Légion d'Honneur, ô fils d'épiciers qui es entré à l'Académie Française, on vous pardonne votre enfantin attachement à ces institutions périmées puisqu'elles sont votre revanche sur vos parents incrédules, sur vos voisins railleurs, et sur vos propres faiblesses, car si la revanche est douce en ce qu'elle venge d'autrui, elle est plus douce encore en ce qu'elle venge de soi-même.

Maurice Sachs, Alias, (1935), p.100-101 dans L'Imaginaire Gallimard.



Intérêt pour L'Amour l'Automne: les rimes autour de la sonorité "Sachs", l'entourage de Sachs (en particulier Max Jacob, nom générateur ou géminal), l'évocation du double avec ''Alias''.