Billets qui ont 'Christ' comme nom propre.

La Croix : un hameçon pour pêcher le Léviathan

Afin de soumettre et défaire l'adversaire diabolique, Dieu aurait fixé le Christ en croix sur un hameçon qu'il agiterait depuis l'extrêmité d'un fil. Le grand poisson, séduit par la saveur divine d'un tel mets, aurait tenté de croquer le Fils de l'Homme, tandis que le piège se refermait sur lui. Dieu aurait donc triompher du Léviathan, de la créature démoniaque, par le truchement de la mort du Messie sur la croix. À travers l'allégorie patristique du diable vaincu, le Très-Haut était figuré «en pêcheur, le Christ comme appât sur l'hameçon, et le Léviathan comme poisson géant pris à l'hameçon.1»

Tristan Storme, Carl Schmitt et le marcionisme, p.121-122




Note
1 : C. Schmitt, Le Léviathan dans la théorie de l'État de Thomas Hobbes, p.76 - Seuil, 2002.

La prédiction de Joachim de Flore

Sa lutte contre François d'Assise devait grandir l'empereur; tout le cours de sa vie le démontre. François d'Assise, le plus grand contemporain du Hohenstaufen, fut le porteur de la force adverse véritable, la force secrète contre laquelle Frédéric II était destiné dès le berceau à se dresser et à rassembler toutes les forces du monde. Plusieurs décennies plus tôt, l'abbé Joachim de Flore avait annoncé l'avènement de l'un et de l'autre, de cette force et de son adversaire. Un fondateur d'ordre devait ramener le temps du Christ et des apôtres, rajeunir l'Eglise, et un empereur devait flageller l'Eglise rajeunie. Et, conformément au mythe, l'abbé Joachim a désigné le fils d'Henri VI comme le futur instrument du châtiment, celui qui porterait la confusion dans le monde, comme le proche précurseur de l'Antéchrist. Les deux idées étaient très voisines, un renouvellement de la personne du Christ devant nécessairement engendrer l'Antéchrist.

Ernst Kantorovicz, L'Empereur Frédéric II, p.155

Une description du Christ

Le personnage du Christ était moins abandonné à l'imagination personnelle que les autres, car le XVe siècle avait encore la chance de penser qu'il existait un témoignage direct de l'apparence du Christ, celui d'un compte rendu émanant d'un certain Lentulus, gouverneur de Judée, et adressé au Sénat romain:

Un homme de taille moyenne ou petite, et très distinguée, d'apparence si impressionnante que ceux qui le regardent l'aiment ou le craignent. Ses cheveux sont couleur de noisette mûre et descendent jusqu'à la hauteur des oreilles pour tomber ensuite en boucles épaisses et luxuriantes jusqu'aux épaules. Par-devant, les cheveux sont partagés en deux par une raie médiane, selon l'usage des Nazaréens. Son front est vaste, poli et serein; son visage est dépourvu de rides ou de marques, et s'embellit d'un teint légèrement rosé, à peine perceptible. Son nez et sa bouche sont sans défaut. Sa barbe est épaisse et ressemble à la première barbe d'un jeun homme, elle est de la même couleur que les cheveux; elle n'est pas particulièrement longue et se divise en deux parties. L'aspect de l'homme est simple et réfléchi. Ses yeux sont brillants, mobiles, clairs, resplendissants. Il est terrible quand il blâme, doux et aimable quand il exhorte. Il est rapide dans ses mouvements mais garde toujours sa dignité. Personne ne l'a jamais vu rire, mais on l'a vu pleurer. Il est large de poitrine et droit; ses mains et ses bras sont délicats. En paroles, il est sérieux, sobre et modeste; il est le plus beau d'entre les fils des hommes.

Michaël Baxandall, L'Oeil du Quattrocento
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