Billets qui ont 'Mexique' comme lieu.

A la vôtre

Le "Shutdown" : je ne sais pas s'il y a une traduction officielle du terme en français. C'est la fermeture des administrations américaines lorsque le budget de l'année suivante n'est pas voté par 60% des sénateurs, ce qui arrive tous les ans (ou presque, je n'ai pas vérifié) depuis qu'Obama a été élu: les républicains ne supportaient pas un président noir (interprétation libre et biaisée de moi-même, je l'admets), maintenant les démocrates surveillent Trump.

Les salariés de l'administration gouvernementale (j'évite "fonctionnaires" tant le statut est différent) sont au chômag et ne sont plus payés jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé. Cette année le vote a achoppé sur le financement du "Mur" (entre guillemets: LE mur, le célèbre mur à construire entre le Mexique et les Etats-Unis. Trump voulait cinq milliards pour le financer, il en a obtenu un.)

Donc l'administration fédérale est fermée. Une célèbre brasserie située sur une colline au dos du Capitole a proposé les cocktails suivants, à cinq dollars pour les salariés au chômage sur présentation de leur badge (c'est une brasserie très cotée, les coktails coûtent ordinairement un bras).

(Ce qui m'impressionne, c'est l'engagement de la direction. En France, les établissements ménagent la chèvre et le chou, les commerçants refusent le plus souvent d'être sur une liste électorale, etc.)


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Pas Mattis à s'en faire 1
Mad Dog 20/20 & Vodka. Commandez-le, buvez-le et partez.

Mexico paiera pour ça 2
Tequila bleue Montezuma, jus d'orange, grenadine.

L'affaire du bain moussant 3
Bourbon, jus de citron, soda, un goût de récusation.

La bourgeoisie AOC 4
Champagne brut, pêche, chaleur porto-ricaine.

Pétarade au mur-frontière 5
Téquila, liqueur Galliano, jus d'orange, ajoutez des glaçons.

Butina on the rocks 6
Vodka Stolichnaya, bière au gingembre, sucre liquide, framboises.

La coupe de Stephen Miller 7
Fin, tonic, liqueur St Germain et aucun remord (un trait du vin de la maison).



Notes :
1 : référence à la démission du secrétaire à la Défense James Mattis, considéré comme le pôle stable de la Maison blanche. Cette démission suscite l'inquiétude mondiale.

2 : cela vaut à peine une note (mais j'écris pour plus tard): référence au mur anti-immigration que Trump a juré de construire entre le Mexique et les USA — en le faisant financer par le Mexique.

3 : à l'origine, un fait divers dans l'Ohio: une prisonnière s'est échappée de prison et a été retrouvée dans un bain chaud dans une maison de retraite sans que personne n'explique cette situation. C'est devenu un podcast d'actualités anti-Trump: «Le ministère de la justice a accusé le Président d'avoir dirigé des manœuvres pour manipuler les élections de 2016; Mueller [directeur du FBI entre 2001 et 2013 et procureur chargé de l'enquête dans cette affaire] a révélé de nouvelles connections entre le gouvernement russe et la campagne de Trump; le Président se débat pour conserver des équipes dans son administration.»

4 : Référence à l'attaque trumpienne contre les vins français.

5 : jeu de mot sur "wall banger" / Wallbanger, un cocktail existant.

6 : Maria Butina, espionne russe aux Etats-Unis qui a plaidé coupable le 13 décembre 2018.

7 : Stephen Miller est l'inspirateur des mesures anti-immigration les plus brutales. Il est apparu avec une nouvelle implantation de cheveux et les anti-Trump s'en moquent sur le thème «Trump n'aime pas les coupes ridicules, il va sans doute virer Miller» (voir ici à partir de cinq minutes).


Et je me dis que ce qui nous manque en France ce sont des journalistes pros ET drôles.

Actualité et fiction I

Il y a quelques jours je m'amusais avec les pays imaginaires.

Ce matin, je lis par hasard cette brève:

L'éducation sexuelle s'informatise
Soixante-quatre bébés virtuels ont été distribués dans plusieurs classe de terminale du Mexique à des adolescentes de 16 à 18 ans. [...] [Ces bébés] sont équipés d'un simulateur qui fait rire ou pleurer le baigneur lorsqu'il faut lui donner à manger, changer ses couches, le câliner... Il crie s'il est maltraité ou secoué. Les adolescentes portent un bracelet qui les empêche de confier le bébé à une autre personne ou de l'abandonner.
L'idée est de démontrer combien il est contraignant d'élever seule un enfant. En effet, les enseignants se sont rendu compte de l'inefficacité des cours d'éducation sexuelle. Il y a chaque année au Mexique 360.000 naissances non désirées chez les jeunes filles de moins de 19 ans et de nombreux avortements clandestins.
Patrice Gouy (à Mexico) in Le Point, 5 avril 2007


C'est à peu près le sujet d'un livre pour enfant de 10 à 12 ans dans la collection "L'école des Loisirs", à cela près que le moyen utilisé est beaucoup plus artisanal:

Simon s'assit sur la table de la cuisine, prit un peu de recul par rapport à son bébé de farine et avança le bras pour lui donner une petite tape.
Il tomba sur le côté.
«Tsss, soupira Simon. Elle n'est même pas encore capable de se tenir assise!»
Il la releva et lui donna encore une tape.
Elle retomba.
«Tu ne peux pas te relever toute seule, hein?» gronda-t-il en l'asseyant de nouveau.
Cette fois le bébé de farine bascula en arrière dans le panier du chine.
«Oh, tu m'emmerdes, à la fin!
— Ne dis pas de gros mots devant lui, intervint la mère de Simon. Tu lui donnes le mauvais exemple.»
Simon se baissa pour ramasser son bébé de farine, qui avait atterri sur le coussin de Macpherson, et enleva les poils collés sur sa robe.
«Pas lui, elle», dit Simon à sa mère d'un ton de reproche.
Car c'était une fille. Il n'en doutait pas une seconde. Certains des bébés distribués le matin par M.Canson pouvait être indifféremment garçon ou fille. Mais celui qui avait atterri sur les genoux de Simon était une fille.
— «Allons, réveillez-vous, attrappez ça! Vous êtes bien l'un de nos grands sportifs, non? Alors ce n'est pas le moment de dormir!»
Elle était très mignonne. Elle portait un bonnet rose à volants et une robe de Nylon, rose aussi, et sur la toile étaient joliment dessinés deux petits yeux ronds adorables, bordés de longs cils.
Robin Foster, son voisin de table, en fit une crise de jalousie.
«Pourquoi elle a des yeux, la tienne? La mienne, c'est juste un sac sans rien. Tu ne veux pas qu'on échange?»
Simon serra son bébé de farine contre lui.
«Non, c'est la mienne. T'as qu'à lui en faire, des yeux.
— Et la tienne elle est habillée, en plus!»
Il se tourna pour crier à M.Canson, qui finissait juste de distribuer les sac de farine:
«Monsieur, Monsieur, la poupée de Simon, elle a une robe et un bonnet et des yeux et tout ça. Et la mienne, elle n'a rien. C'est pas juste.
— Si tous les parents renvoyaient les enfants à qui ils manquent quelque chose, répliqua M.Canson, vous ne seriez pas très nombreux dans cette classe. Asseyez-vous et taisez-vous.»
Il se hissa et s'assit sur le bureau, puis commença à lire les règles pour cette expérience.

Bébés de farine
1. Les bébés de farine doivent être gardés propres et tenus au sec. Toutes les taches, les fuites, les effilochures seront sanctionnées.
2. Les bébés de farine passeront deux fois par semaine à la pesée: une perte de poids peut être la preuve de négligence ou de mauvais traitement; un gain de poids peut indiquer que le bébé est rester dans un endroit humide ou a subi des modification illicite.
3. Aucun bébé de farine ne doit être laissé sans surveillance un seul instant, ni le jour, ni la nuit. Si vous devez absolument vous en éloigner, même pour quelques minutes, confiez-le à un baby-sitter sérieux.
4. Chaque élève devra tenir un Journal de Bébé où il écrira chaque jour un compte rendu de trois phrases complètes au moins et de cinq pages au plus.
5. Certaines personnes (dont l'identité ne sera révélée qu'à la fin de l'expérience) auront pour tâche de vérifier que les bébés sont bien soignés et les règles ci-dessus observées. Ces personnes peuvent être des parents, d'autres élèves, des membres du corps enseignant ou des personnes de l'extérieur.

Il leva les yeux.
«Voilà.»
C'était la première fois de sa vie qu'il voyait une classe réduite au silence absolu. Spectacle intéressant. Coup de chapeau au professeur Feltham et ses matheux. Ils avaient des pouvoirs surnaturels. Il y en avait qui entraient et sortaient de la salle des professeurs comme des zombies, qui portaient des pulls détricotés sans s'en apercevoir, qui devaient faire un effort de mémoire apparemment surhumain quand on leur demandait s'ils sucraient ou non leur thé. Mais ils étaient capables d'accomplir des prodiges. De faire des miracles. Avec leurs dons mystérieux, ils pouvaient réaliser l'inimaginable. Réduire la planète en miettes et la 4eC au silence.

Anne Fine, Bébés de farine, p.41

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