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Lilith de Primo Levi

C'est un recueil de courtes nouvelles parues pour la plupart dans ''La Stampa'' entre 1975 et 1981. Trois parties, "Passé proche", "Futur antérieur", "Indicatif présent".

La première partie reprend des souvenirs d'Auschwitz, il s'agit de portraits en forme d'hommage. Les nouvelles suivantes relèvent de la science-fiction, entre Buzatti (le caractère fantastique) et Borges (le caractère intemporel), en moins incisif. Ce ne sont peut-être pas de très bonnes nouvelles.

Je retire de la première partie l'impression que l'extermination des juifs a amené Primo Levi à s'intéresser à la culture ou la religion juives (peut-on réellement les séparer?), idée qui ne l'aurait pas effleuré sans cela. Il en retire un profond respect mêlé d'une totale incompréhension qui se teinte d'une grande mélancolie:
Et il est inexplicable que le destin ait choisi un épicurien comme moi pour redire cette fable pieuse et impie, faite de poésie, d'ignorance, d'acuité téméraire, et de cette incurable tristesse qui s'élève sur les ruines des civilisations perdues.

Primo Levi, Lilith, p. 27 (éditions Liana Levi 1987)
Ezra n'était pas à proprement parler un meschughe1: il était l'héritier d'une tradition ancienne, étrange et douloureuse, au cœur de laquelle il y a l'horreur du Mal, et le désir de «faire la haie autour de la Loi» afin d'empêcher qu'à travers les interstices de la haie le Mal ne se propage et submerge la Loi elle-même. Au cours des millénaires, ce principe fondamental s'est entouré d'une prolifération de commentaires, de déductions, de distinctions subtiles jusqu'à la manie, et d'une nouvelle série de commandements et d'interdits; et au cours des millénaires, bien des hommes se sont conduits comme Ezra, à travers un nombre infini de migrations et de massacres. C'est pourquoi l'histoire du peuple juif est si ancienne, étrange et douloureuse.

Ibid, p.50-51
Comment lutter contre le Mal, qu'est-ce qui pourrait, pourra, mettre au fin au Mal? C'est la question qui revient à plusieurs reprises. Le Mal vient des enfants de Lilith, et Dieu lui-même a péché en prenant Lilith pour maîtresse. Que Dieu chasse Lilith, que les mendiants mangent la bête, plusieurs solutions mythiques sont proposées pour mettre fin au mal. En attendant, les espèces prolifèrent (thème de la gémination et de l'insémination).

Pour la première fois je sens quelque chose de l'ordre du désespoir dans les récits de Primo Levi: «Lui qui n'était pas un déporté, il était mort du mal des déportés» écrit-il à propos d'un homme ouvrier "civil" dans les camps qui l'aida à survivre grâce à une assiette de soupe quotidienne. Rentré en Italie, cet homme se laissa mourir.
Je me souviens de l'annonce du suicide de Primo Levi. Quelques années plus tard, c'est avec soulagement que je découvris le témoignage de son ami Mario Rigoni Stern à la fin du film Le voyage de Primo Levi: Stern ne croyait pas au suicide et soutenait la thèse de l'accident.
Avec Lilith, la thèse du suicide prend une nouvelle consistance.


Note
1 : NB: meschughe= fou: Ezra avait demandé au chef de baraque de lui conserver sa soupe pour le lendemain car il souhaitait respecter le jeûne du Kippour.

Du courage — ou de l'argent

Ce passage se situe durant le bal, quand Scarlett accepte de danser en grand deuil :

[Rhett] "When you've been talked about as much as I am, you'll realize how little it matters. Just think, there's not a home in Charleston where I am received. Not even my contribution to our just and holy Cause lifts the ban."
[Scarlett] "How dreadful!"
"Oh, not at all. Until you've lost your reputation, you never realize what a burden it was or what freedom really is."
"You do talk scandalous!"
"Scandalously and truly. Always providing you have enough courage —or money— you can do without reputation."

Rhett: Quand on aura autant médit de vous qu'on l'a fait de moi, vous vous rendrez compte à quel point cela à peu d'importance. Vous rendez-vous compte qu'il n'y a pas une maison dans Charleston où je sois reçu. Même ma contribution à notre juste det sainte cause n'a pas levé ce bannissement.
Scarlett: Mais c'est terrible!
— Oh non, pas du tout. Tant que vous n'avez pas perdu votre réputation, vous ne pouvez vous rendre compte du fardeau qu'elle représente ni de ce qu'est réellement la liberté.
— Vous parlez vraiment de façon scandaleuse!
— C'est un scandale et c'est la vérité. A condition d'avoir suffisamment de courage — ou d'argent— on peut vivre sans réputation.

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