Billets qui ont 'patristique' comme mot-clé.

Markus Vinzent et la datation des évangiles

J'apprends en cours de grec qu'un certain Markus Vinzent (inconnu de la plupart d'entre nous, certes, mais tout de même l'un des organisateurs du colloque de patristique quadriannuel d'Oxford (il se tient cet été, si cela intéresse certains d'entre vous)) remet en cause la datation des évangiles, en attribuant leur rédaction à une réaction à Marcion. Son livre, non traduit, s'intitule Christ's Resurrection in Early Christianity.

La professeur a l'air scandalisée: «Quand on essaie de refaire la démonstration, on s'aperçoit que les citations sont tronquées et manipulées, coupées avant une négation, prises hors contexte, etc. Vinzent tient un blog, la plupart des thèses de son livre s'y trouvent.»

Quelques recherches plus tard, je trouve un article en français. Résumé:
Importante pour Paul, la Résurrection du Christ ne l’aurait pas été pour la plupart des chrétiens, si Marcion, au milieu du IIe siècle, ne l’avait pas redécouverte et remise au goût du jour. Cette thèse provocatrice de Markus Vinzent suppose une redatation postérieure à Marcion de la plupart des écrits du Nouveau Testament, notamment des Évangiles canoniques, où la Résurrection joue un rôle essentiel. Dans ces pages, Christophe Guignard propose un examen critique de cette prémisse essentielle à la thèse de Vinzent.

Christophe Guignard, Etudes théologiques et religieuses, tome 2013/3, pages 347 - 363
Ici un débat sur la méthode de Vinzent illustrant l'effarement de ma prof.
J'ajoute un lien vers ce très beau blog (au moins pour les photos) sur l'Antiquité et la patristique. Je l'ai trouvé grâce à ce titre de billet qui me fait rire: Markus Vinzent a-t-il été enlevé par les aliens? et qui se demande comment un professeur sain d'esprit peut raconter de telles absurdités.

Saint Augustin, Cassiodore et la tradition médiévale des sept psaumes de la pénitence, par Pavel Blažeck

Première intervention de l'après-midi : bien entendu je m'endors, et mes notes sont quasi illisibles. Compte-rendu plus que léger, donc.

***
Cassiodore est le premier à traiter les sept psaumes comme une unité spéciale. Ce sont les psaumes 6, 31, 37, 50, 61, 127, 142.
Ils sont sept, car nous sommes purifiés de nos péchés de sept manières (le baptême, le martyre, les efforts accomplis pour se réconcilier avec son prochain, les larmes de pénitence, le souci du salut du prochain, l’intercession des saints et la pratique de la charité).

Les sept psaumes jouissent d'une grande popularité au Moyen-Âge, ils font partie de la liturgie depuis l'époque carolingienne.
Augustin a prié les sept psaumes dans le mois précédant sa mort.

Aux sept péchés correspondent les sept peuples chassés de la Terre promise.

Pierre d'Ailly a une explication différente de celle de Cassiodore : aux sept psaumes correspondraient les sept échelons à gravir pour être sauvé.
1. la peur du châtiment
2. la douleur de l'office
3. l'espérance du pardon
4. l'amour de la pureté
5. le désir de la patrie céleste

Et voilà, je n'ai pas noté la suite, (vu les ratures sur mon cahier, j'ai dû m'endormir) je ne connaîtrai pas la fin, je ne gravirai pas les derniers échelons. J'avoue que ce qui m'a plu dans cet exposé, c'est cette obsession du chiffre sept, les explications, les correspondances… Le conférencier venait de Prague et parlait avec un accent prononcé, ce qui ajoutait de l'exotisme à l'affaire.


Epilogue : l'intervenant a trouvé ces quelques notes et complété les échelons en commentaire. Grâce lui soit rendue!
6. la méfiance de sa propre vertu
7. l'exultation de la joie éternelle

Remarques préliminaires à des notes prises lors d'un congrès de patristique

Tout cela est sorti d'une discussion animée sur la culture. Les discussions sur la culture m'ennuient, personne ne parle de la même chose et on peut à peu près tout soutenir selon la façon de délimiter le sujet. Personnellement, je bénis la démocratie qui permet de choisir ce qu'on lit, voit, entend, pense (ou de choisir de ne rien lire, ni voir, ni entendre, et de ne pas penser), ce qui ne m'empêche pas de me demander ce qui émergera du XXe siècle français dans cent ou quatre cents ans — mais il n'est pas du tout évident que le monde parvienne jusque là (j'ai l'intime conviction qu'il restera très (très) peu de choses, et j'en ris comme d'une bonne revanche à l'encontre de ces artistes contemporains si prétentieux).
Je bénis la possibilité de pouvoir s'instruire sans fin dès qu'on se donne la peine (ou qu'on a la chance) de trouver les bonnes pistes. Je bénis ces bibliothèques, ces cours de langues anciennes, le Collège de France, les conférences, les expositions, les concerts. Je suis davantage frustrée par l'excès de possibilités que par le manque.

Suite à cette discussion, je proposai par boutade à un blogueur dont je partage à peu près la vision de la "culture" d'assister à ce congrès. A ma grande surprise, il accepta.


Nous avons donc assisté à deux jours et demi de conférences, soit une vingtaine de vingt-cinq minutes, par les spécialistes européens de la question.
Je ne savais rien avant d'y aller: qui étaient les Pères, quelle période cela couvrait-il, etc. J'avais renoncé à chercher, de peur de tomber sur des informations erronées.
J'ai souri en écoutant la conférence d’ouverture de François Dolbeau, La formation du canon des Pères, du IVe au IVe siècle, qui prouvait que mes questions "de base" étaient débattues entre spécialistes (souvent je rappelle aux enfant que ce qu'ils apprennent en deux heures de cours est l'objet d'études d'une vie pour quelques chercheurs (ce qui est à la fois source d'humilité et d'absence de complexes : après tout, il est normal de ne rien savoir ou pas grand chose)).

Après trois jours de conférence, j'ai appris quelques dates, j'ai entendu beaucoup de noms, je suis affolée par mon ignorance et en rage contre l'école, j'essaie d'imaginer ce qu'aurait été le monde des premiers siècles sans le christianisme (les premiers siècles ne se seraient pas appelés premiers siècles), je m'aperçois que jusqu'à la Réforme, ou au moins jusqu'à Saint Thomas, la discussion avec l'Eglise d'Orient était constante, et que Luther (1483 - 1546) a déplacé géographiquement les débats (qui ont changé de contenu) qu'il a poussés jusqu'à la guerre.
Renaissance et Réforme me paraissent ce soir davantage, ou au moins autant, à l'origine du monde actuel que la Révolution française.

Comment est-on passé de Saint Thomas (†1274) à Pascal (1623 - 1662) ? Que s'est-il passé ? (J'ai appris incidemment que Pascal était relecteur d'Augustin au XVIIe siècle comme Machiavel (1469 - 1527) l'avait été au XVe).
Luther, Gutemberg, Christophe Colomb... La Renaissance est-elle avant tout caractérisée par une ouverture (géographique et technique) au monde, comme le soutient H., et non par une redécouverte de la philosophie antique (mais de ces trois jours il ressort qu'elle n'a jamais été oubliée) et un renouveau des techniques artistiques, comme il me semble l'avoir appris entre la primaire et le lycée?


Dans un autre ordre d'idées, les études patristiques ont tout pour me plaire. Très vite, les auteurs du Moyen-Âge vont citer les Pères sans toujours indiquer leurs sources, et une partie des études actuelles est consacrées au repérage de ces citations: qui lisait qui, et pour en dire quoi ou lui faire dire quoi? Qu'a-t-on perdu d'une langue à l'autre (latin/grec), quel malentendu aurait pu être évité, les traductions sont-elles fidèles?
Et où sont les manuscrits, qu'a-t-on conservé?


Je vais mettre en ligne davantage des lambeaux de notes que des notes. C'est difficile de prendre des notes dans un domaine que l'on ne maîtrise pas: il faut tout écrire, chaque mot compte, les références sont données en latin, je ne connaissais pas les titres de la plupart des œuvres alors qu'il aurait fallu que j'ai déjà des abréviations pour chaque titre en connaissant leur auteur...
Je les mets en ligne malgré tout, d'abord parce que cela me fait plaisir, ensuite parce que j'ai l'espoir qu'elles ne soient pas si fausses que ça (incomplètes, lacunaires, ayant parfois manqué l'essentiel pour noter une remarque incidente, mais pas fausses), enfin parce qu'elles pourraient éveiller la curiosité de quelques-uns. (Il y aura sans doute des actes de colloque un jour ou l'autre).

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