Billets qui ont 'Italie' comme lieu.

L'Europe au XIIIe siècle

La Germanie, bouillante et animée de la furie des armes […], la France, nourrice et mère des chevaleries […], l'Espagne, guerrière et intrépide, la fertile Angleterre, riche en hommes et en navires, l'Alémanie, remplie de guerriers fougueux, la Dacie, forte sur mer, l'Italie indomptée, la Bourgogne, étrangère à la paix, l'Apulie remuante, avec l'Adriatique et les îles amies de la navigation et invaincues de la mer Tyrrhénienne comme de la mer grecque: la Crète, Chypre, la Sicile […], la sanglante Hibernie avec les pays et les îles qui avoisinent l'Océan […], avec l'active nation des Gallois, l'Ecosse marécageuse, la Norvège glacée et toute nation noble et glorieuse sous le ciel de l'Hespérie.»

Ernst Kantorowicz, L'Empereur Frédéric II, p.500

L'humiliation

La fête terminée, nous nous mîmes en rang, et, sans armes, sans drapeaux, nous marchâmes ainsi vers les nouveaux champs de bataille, pour aller gagner avec les Alliés cette même guerre que nous avions déjà perdue avec les Allemands. Nous marchions en chantant, la tête haute, fiers d'avoir enseigné aux peuples de l'Europe qu'il n'y a plus désormais d'autre moyen de gagner la guerre, que de jeter héroïquement ses armes et ses drapeaux dans la boue, aux pieds du premier venu.

Curzio Malaparte, La Peau, p.76

Sauver son âme / sauver sa peau

Avant la libération, les peuples d'Europe souffraient avec une merveilleuse dignité. Ils luttaient le front haut. Ils luttaient pour ne pas mourir. Et les hommes, quand ils luttent pour ne pas mourir, s'accrochent avec la force du désespoir à tout ce qui constitue la partie vivante, éternelle, de la vie humaine, l'essence, l'élément le plus noble et le plus pur de la vie: la dignité, la fierté, la liberté de leur conscience. Ils luttent pour sauver leur âme.

Mais, après la libération, les hommes avaient dû lutter pour vivre. C'est une chose humiliante, horrible, c'est une nécessité honteuse que de lutter pour vivre, pour sauver sa peau. Ce n'est plus la lutte contre l'esclavage, la lutte pour la liberté, pour la dignité humaine, pour l'honneur. C'est la lutte contre la faim.

Curzio Malaparte, La Peau, p.58

Parler français

(Jack parlait toujours français avec moi. Aussitôt après le débarquement des Alliés à Salerne, j'avais été nommé officier de liaison entre le Corps Italien de la Libération et le grand Quartier général de la Peninsule Base Section, et Jack, le colonel Jack Hamilton, m'avait tout de suite demandé si je parlais français. Et quand je lui avais répondu: «Oui, mon Colonel», il avait rougi de joie. « Vous savez, me dit-il, il fait bon de parler français. Le français est une langue très, très respectable. C'est très bon pour la santé.»)

Curzio Malaparte, La Peau, p.38 (Denoël 2008)

Le cadavre d'un Noir

Même si, de son vivant, le nègre n'était en Amérique qu'un cireur de bottes à Harlem, un chauffeur de locomotives, une fois mort il encombre presque autant de terrain que les grands, les splendides cadavres des héros d'Homère. Cela me faisait plaisir, au fond, de penser que le cadavre d'un nègre occupait presque autant de terrain qu'Achille mort, qu'Ajax mort, qu'Hector mort.

Curzio Malaparte, La Peau, p.33 (Denoël 2008)

Confusion

Son poète américain préféré était Edgar Allan Poe. Mais parfois, lorsqu'il avait bu un whisky de trop, il lui arrivait de confondre des vers d'Horace avec ceux de Poe, et il s'étonnait fort de rencontrer Annabel Lee et Lydia dans la même strophe alcaïque.

Curzio Malaparte, La Peau, p.31, Denoël (2008)

L'Europe

— Ce n'était pas un animal, luis disais-je, c'était une feuille, une feuille d'arbre.

Et je lui citais le passage de cette lettre, où Mme de Sévigné souhaitait qu'il y eût dans son parc des Rochers une feuille parlante.

— Mais cela est absurde, disait Jack, une feuille qui parle! Un animal, ça se comprend, mais une feuille!
— Pour comprendre l'Europe, lui disais-je, la raison cartésienne ne sert de rien. L'Europe est un pays mystérieux, plein de secrets inviolables.
— Ah! L'Europe! Quel extraordinaire pays! s'écriait Jack, j'ai besoin de l'Europe pour me sentir Américain.

Curzio Malaparte, La Peau, p.31, (Denoël, 2008)

L'odeur de la culture classique

Pour essayer d'oublier cette mésaventure, Jack allait lire son bien-aimé Virgile ou son cher Xénophon dans le vestiaire de son Université, dans cette odeur de caoutchouc, de serviette mouillées, de savon et de linoléum, qui est l'odeur particulière de la culture classique dans les pays anglo-saxons.

Curzio Malaparte, La Peau, p.29 (Denoël 2008)

Dédicace de La Peau

A l'affectueuse mémoire du colonel Henry H. Cumming, de l'université de Virginie, et de tous les braves, les bons, les honnêtes soldats américains, mes compagnons d'armes, morts inutilement pour la liberté de l'Europe.

Curzio Malaparte, La Peau, dédicace
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