Billets qui ont 'manuscrit' comme mot-clé.

Les carnets de Finnegans Wake IV

Ceci est le quatrième cours du séminaire. J'ai été absente pour le troisième.

C'est un vrai plaisir de suivre Daniel Ferrer. Sa passion pour le sujet lui permet de ne pas faire cours, mais de raconter, de proposer, d'hésiter, de bafouiller. Il nous raconte Finnegans Wake, sa vie autour de Finnegans Wake, il donne l'impression que tout un réseau de limiers est lancé dans l'enquête et partage (ou pas, je suppose) les mystères élucidés. Daniel Ferrer insiste beaucoup, souvent, à sa manière hésitante, sur le fait que l'interprétation est ouverte, qu'il n'existe pas une bonne réponse, mais qu'au contraire c'est la multiplicité qui est la vérité de ce texte. Rien n'est bête, tout le monde a sa place, son mot à dire. La pièce est petite, un abri anti-atomique au second sous-sol (attendre la fin de l'hiver nucléaire en étudiant Finnegans Wake), nous sommes une poignée, deux poignées, de tous âges, toutes nationalités (J'ai cru comprendre que Ferrer espère le plus grand nombre de nationalités possibles, et un Irlandais natif). Certains sont des habitués, paraissent travailler sur Joyce depuis des années.



Quelques indications géographiques à partir d'un schéma

Le vidéoprojecteur affiche une lettre de James Joyce à Mrs Weaver dans laquelle il donne quelques clés de FW. L'intérêt de cette lettre est de fournir un schéma avec des indications géographiques, schéma que je ne peux représenter ici (d'où mon envie d'écrire ce billet), agrémenté de légendes manuscrites mal déchiffrables/mal déchiffrées (et donc tout ce que je vais écrire avec les lettres sans hésitation de ce clavier sera un quasi-mensonge).

La lettre A se trouve en haut du schéma, la lettre Z en bas, un peu en biais vers la droite. Entre les deux, une ligne en pointillé.
- Au niveau de A on déchiffre: "Hills of Howth" => la prononciation irlandaise donne à peu près "Haoueth". Joyce a donné une étymologie: "Dan Hoved" => la tête du géant dans le paysage.
- Au niveau de Z, "Magazine Hill", la colline qui surplombe Dublin (les pieds du géant?), et juste avant "Phoenix Park", le parc qui est un peu l'équivalent de notre bois de Boulogne, dans lequel HCE vit des aventures imprécises (difficiles à cerner).
- Sur la ligne en pointillé, entre les deux extrémités, "old plains of Dublin".
- On déchiffre plus ou moins sur le bord du schéma "A...Z your postcard" => il s'agit sans doute (conjecture) d'une réponse à une carte postale de Mrs Weaver demandant des explications.

Au-dessus de dessin, des mots "Mare xxxx xxxx nostrum". Le second peut-être sestrum (les sœurs?)

les deux frères,
Shem : l'écrivain
Shaun : le postier          =>l'un écrit, l'autre transporte (la lettre d'Anna Livia Plurabelle, la mère)

2 collines : la tête et les pieds de Finn Mac Coll allongé dans le paysage.

A droite de cette ligne en pointillé, une ligne continue, partant quasiment de A, d'abord en plongeant vers le sud puis en s'incurvant et prenant la direction de l'est un long moment avant de descendre vers le sud. La ligne continue alors à peu près parallèle à la ligne pointillée s'arrête au niveau de Z. Le long de cette ligne deux mots, le premier indéchiffrable, le second "Liffey", peut-être, la rivière qui traverse Dublin.
Cette ligne continue pourrait aussi bien être une côte qu'une rivière.

les allusions sexuelles : partout
a long / along => séparation/fusion

Le premier brouillon

J'indique les mots sur lesquels nous nous sommes arrêtés, et parmi ceux là, ceux pour lesquels j'ai pris des notes => il faut imaginer que la page projetée sur l'écran est entièrement écrite et que nous ne nous sommes intéressés qu'à quelques mots, représentatifs ou ayant subi des transformation avant d'arriver à la version définitive.

- "on a merry isthmus" => évoque christmas (il faut imaginer le mot écrit à la main).
- "to wielderfight his peninsulae war" => On a vu l'origine allemande de "wielderfight" [1]. Il s'agit des guerres péninsulaires. L'ombre de Wellington et de Napoléon (surtout Napoléon) sur le livre. Deviendra "penisolate", à la fois "penis" et "isolate".
- "Not pass-encore" => not a été barré, "pass" ajouté au dessus de la ligne, avec un trait, une ligature, le reliant à encore. soit "passage", "en corps"...
- "re-arrived" : (arrived sur la ligne, "re" au-dessus, en surcharge, et lié par untrait): cyclique
- "by the Oconee exaggerated" : la rivière de Dublin. thème qui devient fondamental.
- "Sham rocks" : shame (honte en anglais). Une étudiante fait remarquer que "Sham" est un mot relevé en allemand signifiant "vagin". "rocks", c'est aussi les couilles (plus tard, un auditeur rappellera l'interjection de Molly arrêtant une explication de son mari par "rocks!"). Shamrocks, c'est aussi l'emblème de l'Irlande, le trèfle, dont il est dit que Saint Patrick se servit pour expliquer la Trinité.
- "themselvesse to Laurens" => "eux-mêmes" se renverse en "autres" (else) altérité. Reprend cette vieille idée de Freud qui l'arrangeait bien que dans les langues archaïques tout mot signifiait également son contraire. (Mais on sait aujourd'hui que c'est faux).
- un peu dans la marge "from afire" : le feu de loin (a far)
- answered corrigé en "bellowed" surchargé en "bellows" => beugler, mais aussi le soufflet qui attise la flamme
- "mishe chiche" : "je suis", explication de Joyce à Mrs Weaver => peut-on y croire?
- "tufftuff" : deviendra "tauftauf" - "Patrick" => a devient e : Petrick. "peat", c'est la tourbe, brûle avec beaucoup de fumée. (Ferrer nous raconte une histoire: un Irlandais sur un champ de bataille a dans sa ligne de mire un général et s'apprête à le tuer. mais le général se met à déféquer, et l'Irlandais hésite, il ne peut tuer le général durant un geste aussi humain sans compter qu'il serait humiliant d'être trouvé mort ainsi. Mais le général se saisit d'une motte de tourbe pour s'essuyer et alors l'Irlandais offensé dans son âme irlandaise le tue sans hésiter).
- "all’s fair in vanessy", "twinsosie sesthers" : les deux amours de Swift s'appeler Esther. L'une fut surnommé Vanessa. Elle s'appelait Ester Vanhomrigh, Swift a procédé à une inversion et à un collage.
- "all’s fair in vanessy": rappelle "Vanity Fair" (la foire aux vanités) et "all is fair in war and love"
- "the story tale of the fail is retailed early in bed" => "retailde": vendre au détail, vendre sa salade.

apparté: on a retrouvé des contes écrits par Nora sous la dictée de Joyce, car Joyce était aveuglé par une opération. Cela a une influence sur l'orthographe, et donc le sens, de certains mots.

Deuxième brouillon

Commence par le signe E sur le dos (je ne peux pas le représenter avec ce clavier). C'est le signe de HCE sur le dos, les pattes en l'air. -"violers d'amor" : amour, violence, musique
- "over the short sea" => on entend "short C", un do majeur, une note brève
- "noravoice" = le nom de sa femme, Nora. hésitaiton sur la coupure. nor avoice, nora voice
- "the fall (...)" => introduit ici pour la première fois le mot de cent lettres, le tonnerre dans toutes les langues.
- of a once wallstreet oldparr" => la crise de 29? Mais écrit avant la crise!! "old par": on entend "vieux père", mais aussi "saumon", le poisson du renouveau. cyclique.

Deuxième page : décrire toutes les batailles

- "oyshygods gaggin fishigods" : ostrogoths et wisigoths. contre (gegen en allemand) ou étrangler (gagging)

Et là je me perds, quand je confronte mes notes au texte, rien n'est dans l'ordre: mes notes remontent au début du texte.
- "river" lié à "run", rajouté en ligature
- "topsawyers" => Tom Sawyer, Huckleberry Finn
- "gorgios": argot gitan. ceux qui ne sont pas des gitans. mais aussi Georgio le fils de Joyce. mais aussi le défilé (straight, narrow =>isthmus)
- Jonathan (Swift) =>"nathandjoe", nath and joe : a fait subir au prénom de Swift quelque chose d'analogue à la déformation d'Esther Vanhomrigh en Vanessa.

On reprend le début de la version définitive

- riverrun : une référence à un poème de Coleridge, Kubla Khan (1798)

In Xanadu did Kubla Khan
A stately pleasure-dome decree:
Where Alph, the sacred river, ran    => Alph = Anna Livia Plurabelle
Through caverns measureless to man
Down to a sunless sea.

- "past Eve and Adam's" : une église de Dublin.
Si l'on découpe past Eve and Adam's , on obtient "Steven", le prénom du petit-fils de Joyce, né peut après la mort du père de Joyce qui s'appelait aussi Steven (d'où cycle, renaissance, etc.)

- "Rot a peck of pa’s malt had Shem" => O Willie brew'd a peck o' maut , poème de Robert Burns en 1789. Chanson à boire (comme Finnegan's Wake. Sens des vers de la fin: "le premier qui nous quitte est une poule mouillée et un cocu, le premier qui tombe de sa chaise est roi". cf. Finnegans bourré qui tombe raide mort de son échelle et se réveille à l'odeur du whisky.).
Daniel Ferrer nous a projeté une version chantée en nous en conseillant une autre (mais pas de liaison wifi dans l'abri anti-atomique). Tlön l'a retrouvée.

- Humpty Dumpty : Il invente sa propre langue. cf le chapitre VI de Through the looking glass:

I don't know what you mean by "glory",' Alice said.
Humpty Dumpty smiled contemptuously. `Of course you don't — till I tell you. I meant "there's a nice knock-down argument for you!"'
`But "glory" doesn't mean "a nice knock-down argument",' Alice objected.
`When I use a word,' Humpty Dumpty said, in rather a scornful tone, `it means just what I choose it to mean — neither more nor less.'
`The question is,' said Alice, `whether you can make words mean so many different things.'
`The question is,' said Humpty Dumpty, `which is to be master — that's all.'
Alice was too much puzzled to say anything; so after a minute Humpty Dumpty began again. `They've a temper, some of them — particularly verbs: they're the proudest — adjectives you can do anything with, but not verbs — however, I can manage the whole lot of them! Impenetrability! That's what I say!'

=> On peut faire ce qu'on veut avec les adjectifs, les verbes résistent.

Schématiquement, le langage se déploie selon deux axes.
- syntagmatique / contiguïté
- paradigmatique / virtualité
exemple de paradigme : sujet / verbe / attribut du sujet Le sujet (et toutes les autres fonctions) peut prendre différentes valeurs: une femme, une rose, etc.

Selon Jakobson, la fonction poétique du langage consiste à projeter le paradigme sur le syntagme afin d'attirer l'attention sur le fonctionnement même du langage.

D'autres exploreront d'autres voies: par exemple Gertrudre Stein fera bégayer le paradigme ("A rose is a rose is a rose.")

Joyce
- projette le paradigme sur le syntagme, de façon démesurée (ex: le tonnerre en 100 lettres)
- ne choisit pas. mots-valises (à la Lewis Carroll). exemple: sister+ Esther = sesther

Quelques tentatives déjà présentes dans Ulysses.

Notes

[1] la semaine dernière

Manuscrits du Moyen-Âge et manuscrits littéraires modernes

Il y a à peu près un an, j'ai découvert qu'il existait une "Société des manuscrits des assureurs français" (SMAF). Comme je devais avoir l'air vivement intéressée, on me proposa un catalogue de l'exposition des manuscrits qui s'est tenue en 2001 à la Bibliothèque nationale.

Les assureurs français présentent aujourd'hui le catalogue des collections de la "Société des manuscrits des assureurs français". C'est une première. Cette publication accompagne l'exposition de ces manuscrits - pour la seconde fois cette fois-ci après celle de 1979 - à la Bibliothèque nationale de France.

Créée en 1978 à l'initiative de Guy Verdeil alors Président du GAN et en étroite concertation avec Messieurs Georges Le Rider, Administrateur de la Bibliothèque nationale et Pierrot, Directeur des Manuscrits de cette même institution, la SMAF rassemble dans son capital une grande partie des sociétés et mutuelles d'assurance de la place. Elle constitue un prototype intéressant de coopération Etat-industrie au service d'une politique nationale de gestion et de défense du patrimoine national des manuscrits anciens et modernes.

Notre souci est aujourd'hui de faire connaître le fonds de la SMAF aux assureurs, à leurs clients, aux bibliophiles et au grand public, et de leur faire prendre conscience du type de contribution que la profession des assureurs a apporté et est susceptible encore d'apporter à la conservation et à la recherche sur le patrimoine littéraire national, au service de la politique que souhaitent mener la Bibliothèque nationale et la Direction des Manuscrits.

Extrait repris en quatrième de couverture de l'introduction de Jean-Jacques Bonnaud, Président de la SMAF.

Je m'attendais à une brochure souple d'une centaine de pages, c'est en fait un livre magnifique de 350 pages emplies de photographies d'enluminure et de pages de cahiers, décrivant l'histoire de chaque manuscrit médiéval présenté et offrant des extraits des manuscrits modernes (un important fond Céline, Colette, Claudel, etc).

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A titre d'exemple, la SMAF possède les lettres inédites de Gide à Francis Jammes :
139 LETTRES, BILLETS ET CARTES AUTOGRAPHES SIGNÉES. Les lettres sont montées sur des feuillets de papier crème montés sur onglets en 3 volumes in-4 (230 x 180 mm) demi-maroquin bleu turquoise avec coins, étuis (Devauchelle).

TRÈS IMPORTANTE CORRESPONDANCE INÉDITE qui dresse un passionnant tableau de la vie littéraire au tournant du siècle.
Elle retrace l'amitié de toute une vie entre les deux écrivains, quelque divergents que soient leur esprit et leurs idées. Leurs œuvres littéraires respectives tiennent une grande place dans leurs propos.
Cette correspondance commence en 1895 et durera en dépit de quelques brouilles jusqu'à la mort de Jammes en 1938. Gide et Jammes, tous deux âgés de vingt-cinq ans, devinrent amis en 1893 mais ne se rencontreront pour la première fois qu'en avril 1896 à Alger ; ils ne s'étaient vus auparavant qu'en photographies mais se tutoyaient déjà. Leur longue amitié subira des périodes de troubles et des ruptures, notamment vers 1916 lorsque Jammes eut connaissance des mœurs scandaleuses de Gide, qui heurtaient profondément ses convictions chrétiennes, et en 1925 lorsque Gide vendit à Drouot sa bibliothèque, y compris des manuscrits de Jammes que celui-ci lui avait dédicacés (la partie Jammes comprend 33 numéros : éditions originales dédicacées, grands papiers, quelques lettres et manuscrits). Notons ici que Jammes ne fut pas le seul à être choqué et l'on cite volontiers l'anecdote de Régnier envoyant un ouvrage à Gide avec cette dédicace : ''Pour votre prochaine vente''.
La dernière lettre datée est écrite à la suite d'une lettre de condoléances de Mathilde Roberty du 9 juillet 1938 (Madeleine est morte le 17 avril 1938).

Une correspondance de 280 lettres échangées par Gide et Jammes fut publiée par Robert Mallet, chez Gallimard en 1948. Aucune des lettres ici présentes n'y figurant, nous sommes donc en présence de lettres restées inconnues de Robert Mallet ou qu'il avait écartées pour des raisons de discrétion, d'opportunité ou de contrainte éditoriale. Robert Mallet n'avait pas eu connaissance d'une lettre de Gide à madame Victor Jammes (8 avril 1900) et n'en avait pu citer qu'un extrait recopié par Mme Jammes (elle se trouve ici sous le numéro 67).
Entre juillet 1895 et l'automne 1897, de nombreuses lettres sont écrites sur papier de deuil encadré de noir (Gide a perdu sa mère le 31 mai 1895). Il n'est cependant pas fait mention de ce décès dans les lettres ; dans l'une d'elle Gide évoque en revanche le récent mariage de sa sœur.

Cher Monsieur, qui dorénavant m'appellerez cher ami tel est le début de cette correspondance qui allait durer un quart de siècle et dans laquelle les travaux littéraires des deux écrivains tiennent une grande place. Au fur et à mesure de leur relation, les termes par les quels Gide s'adresse à son ami évoluent: Cher monsieur (une seule fois au début - puis cher ami (assez souvent) puis cher vieux, cher faune, mon faune préféré, très cher et grand, etc…

extrait du catalogue p.235 et 236

Exemple de lettre de Gide à Jammes.

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Liste des acquisitions des manuscrits modernes :

Law. Lettres au prince deTingry. Hôtel Drouot, 21 juin 1979.
Voltaire. Lettre à M. Delille. Hôtel Drouot, 7 mai 1981.
Voltaire. Lettre à d'Alembert. Hôtel Drouot, 6 mai 1981.
Voltaire. Lettre à sa nièce. Hôtel Drouot, 6 mai 1981.
Restif de la Bretonne. L'Enclos et les oiseaux. Librairie Valette, 20 août 1981.
Napoléon. Expédition d'Egypte. Hôtel Drouot, 13 décembre 1982.
Bernadotte. Lettres militaires. Hôtel Drouot, 8 décembre 1980.
Dietrichstein. Lettres au comte de Niepperg. Hôtel Drouot, 28 février 1979.
Musset. Lettre à madame Joubert. Hôtel Drouot, 9 novembre 1979.
Sand. Lettre à Louis Blanc. Hôtel Drouot, 6 avril 1981.
Flaubert. Littérature-Esthétique. Hôtel Drouot, 12 décembre 1985.
Apollinaire. Les Peintres cubistes. Librairie Jean Hugues, bibliothèque Renaud Gillet, 5 novembre 1981.
Apollinaire. La Femme assise. Hôtel Drouot, bibliothèque Jacques Guérin,4 juin 1986.
Aragon.Traité du style. Librairie Jean Hugues, bibliothèque Renaud Gillet, 5 novembre 1981.
Aragon. L'Entrée des succubes. Librairie de l'Abbaye, 4 décembre 1980.
Breton. Les Vases communicants. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 23-24 mars 1981.
Breton. Autobiographie. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 23-24 mars 1981.
Camus. L'Etat de siège. Hôtel Drouot, 28-29 février 1979.
Céline. Guignol's band. Hôtel Drouot, 28 février 1979 et 28 juin 1985.
Céline. Guignol's band II, Le Pont de Londres. Hôtel Drouot, 9 juin 1980.
Céline. Féerie pour une autre fois II, Normance. Hôtel Drouot, 19 juin 1984.
Céline. Guignol's band II et Féerie pour une autre fois. Madame Destouches, 6 décembre 1985.
Céline. D'un château l'autre. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 13-15 juin 1983.
Claudel. Œuvres et correspondances dont l'Echange, Connaissance de l'Est, L'Homme et son désir, famille Claudel, janvier 1980.
Cocteau. Le Cap de Bonne-Espérance. Hôtel Drouot, 12 juin 1987.
Cocteau. Opium. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 13-15 juin 1983.
Colette. Lettres à Germaine Patat. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 13-15 juin 1983.
Colette. Lettres à Maurice Goudeket. Madame Goudeket, 8 mai 1981.
Eluard. L'Amour la poésie. Libraire Jean Hugues, bibliothèque Renaud Gillet, 5 novembre 1980.
Gide. Lettres à Francis Jammes. Hôtel Drouot, 24 novembre 1981.
Giono. Correspondance avec Simone Tery. Hôtel Drouot, 9 juin 1980.
Jacob. Le Cornet à dés. Librairie Jean Hugues, bibliothèque Renaud Gillet, 5 novembre 1980.
Jacob. Cahier de méditations. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 23-24 mars 1981.
Jarry. Messaline. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 13-15 juin 1983.
Maeterlinck. Lettres à Florence Perkins. Londres, Sotheby's, 23 mars 1981.
Montherlant. Lettres à Jeanne Sandelion. Hôtel Drouot, 12 décembre 1985.
Montherlant. Lettres à Alice Poirier. Hôtel Drouot, 12 juin 1984.
Montherlant. Don Juan. Hôtel Drouot, 12 juin 1984.
Pagnol. Cinématurgie. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 13-15 juin 1983.
Péguy. Les Récentes œuvres de Zola. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 13-15 juin 1983.
Pieyre de Mandiargues. Cartolines. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 23-24 mars 1981.
Prévert. Souvenirs de famille. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 23-24 mars 1981.
Renard. Lettres à Maurice Pottecher. Hôtel Drouot, 12 juin 1984.
Rolland. Lettres à Frans Masereel. Hôtel Drouot, 12 juin 1984.
Saint-Exupéry. Lettres à Consuelo. Hôtel Drouot, 6 juillet 1984.
Sartre. La Putain respectueuse. Librairie de l'Abbaye, 29 avril 1981.
Sartre. Notes pour la morale. Hôtel Drouot, 7 mai 1981.
Sartre. Notes autobiographiques et sur le théâtre. Hôtel Drouot, 7 mai 1981.
Sartre. La Mort dans l'âme. Hôtel Drouot, 12 juin 1984.
Sartre. Les Mots. Hôtel Drouot, 7 mai 1981.
Surréalisme. Au grand jour. Hôtel Drouot, bibliothèque Sickles, 23-24 mars 1981.

La Vie de sainte Catherine d’Alexandrie

Poésie de ce texte au JO du jour:

Avis no 2008-14 de la Commission consultative des trésors nationaux

21 octobre 2008 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 130 sur 137
Avis et communications
AVIS DIVERS
MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION
NOR : MCCF0823583V

Saisie par la ministre de la culture et de la communication, en application de l’article 7 du décret no 93-124 du 29 janvier 1993, modifié relatif aux biens culturels soumis à certaines restrictions de circulation,

Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2 et L. 111-4 ;

Vu le décret no 93-124 du 29 janvier 1993 modifié relatif aux biens culturels soumis à certaines restrictions de circulation, notamment son article 7 ;

Vu la demande de certificat d’exportation déposée le 1er juillet 2008, relative à un manuscrit enluminé de la Vie de sainte Catherine d’Alexandrie, traduction française composée par Jean Mielot, copie calligraphiée et signée par David Aubert, illustration par 14 miniatures attribuées à Simon Marmion, parchemin, 54 ff, deuxième moitié du XVe siècle ;

La commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 11 septembre 2008 ;

Après en avoir délibéré,

Considérant que le bien pour lequel le certificat d’exportation est demandé constitue un remarquable manuscrit du XVe siècle, relié au XIXe siècle et contenant une Vie de sainte Catherine d’Alexandrie dans la traduction française composée par le chanoine Jean Mielot en 1457 pour le duc de Bourgogne, Philippe le Bon; que sa provenance est prestigieuse dans la mesure où cet exemplaire était destiné à Marguerite d’York, troisième épouse de Charles le Téméraire, ainsi que l’attestent sa devise et les initiales figurant dans les bordures des pages, qui était réputée pour ses goûts de bibliophile ; que le texte de cette version est calligraphié dans une belle écriture « bâtarde » de type bourguignon et signé par le célèbre copiste lettré David Aubert, qui a réalisé de nombreux manuscrits précieux pour les ducs de Bourgogne ; que cet ouvrage est magnifiquement illustré de deux grandes et douze petites miniatures, caractéristiques, par leur touche veloutée et leur atmosphère de réalité poétique, du travail de Simon Marmion (1425-1489) et de la perfection atteinte par l’art de ce dernier autour de 1470 ; qu’il s’agit, en effet, de l’un des plus grands artistes de la deuxième moitié du XVe siècle en Europe septentrionale, considéré en peinture comme l’égal de Jean Fouquet et qualifié par le rhétoriqueur Jean Lemaire de Belges de « prince de l’enluminure », dont aucune oeuvre majeure n’est détenue dans les collections publiques françaises ; que cette pièce d’une extrême rareté, restée inédite, est probablement le dernier manuscrit complet d’une aussi grande importance encore sur le marché et devrait permettre d’approfondir la connaissance de Simon Marmion ainsi que du milieu artistique brillant de la cour de Bourgogne à l’époque de sa création ;

Qu’en conséquence cette oeuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l’histoire et de l’art et doit être considérée comme un trésor national,

Emet un avis favorable au refus du certificat d’exportation demandé.

Pour la commission :
Le président,
E. HONORAT
Peu versée dans le langage juridico-administratif, je ne comprends pas l'enjeu de ce refus: un "certificat d’exportation" serait-il un autre terme pour "autorisation de vente"?
D'autre part, j'aime beaucoup l'idée d'émettre un avis favorable à un refus.

Survivre avec les moyens du bord

Éluard, le grand frère, transmet surtout à son benjamin les rudiments de la survie financière, des conseils indispensables si l'on ne veut pas capituler et accepter un travail salarié. Les principes de sa constitution s'appuient essentiellement sur les ressources insoupçonnées offertes par les manuscrits de poèmes. L'article premier décrète que rien ne se jette ! Les premiers brouillons d'un poème trouvent toujours un amateur bibliophile. L'article 2 prescrit de veiller à la qualité du produit. Le poème doit être écrit lisiblement, le papier offrir une qualité minimale. L'article 3 souligne que l'originalité du produit peut être déterminante. Le prix d'un manuscrit peut sensiblement monter s'il se présente sur un papier particulier (couleur, grain, papier à en-tête d'un hôtel, d'un café ou, mieux, d'un garage). L'article 4 encourage à toujours penser au petit plus. Le prix d'un manuscrit dépend bien sûr de la notoriété de l'auteur, mais rien n'interdit de le faire monter en y ajoutant des éléments de plus-value [dédicace à un auteur célèbre, ratures et rajouts lisibles).

Élève doué. Char écoute. Éluard lui propose aussitôt une démonstration en se chargeant de la négociation du manuscrit d'Artine. Surtout lorsqu'il n'est pas directement concerné, Éluard est un marchand redoutable. Il se fixe un prix et s'y tient, plaçant toujours la barre très haut. Lui-même grand collectionneur, il sait d'instinct jusqu'où un amateur accroché ira pour satisfaire son besoin de possession d'une pièce rare. Les treize feuillets d'Artine, avec ratures et ajouts, présentés comme l'une des pièces majeures du surréalisme, vont permettre à Char de tenir plusieurs mois. La leçon est retenue, de même qu'une évidence implicite : il est nécessaire d'entretenir un minimum de relations avec de grands libraires et des amateurs fortunés.

Longtemps, le richissime couturier Jacques Doucet (1853-1929) a été la providence des surréalistes et des artistes d'avant-garde. André Breton, son conseiller pour les arts plastiques, lui a permis de réunir l'une des plus belles collections de tableaux du début du siècle. Dans une lettre, il l'a pressé d'acheter à Picasso Les Demoiselles d'Avignon, une toile que le peintre avait roulée dans un coin de son atelier, persuadé de ne jamais vendre ce sujet scabreux et révolutionnaire. Breton était prophétique :

« C'est là une œuvre qui dépasse pour moi singulièrement la peinture, c'est le théâtre de tout ce qui se passe depuis cinquante ans, c'est le mur devant lequel sont passés Rimbaud, Lautréamont, Jarry, Apollinaire, et tous ceux que nous aimons encore. Que ceci disparaisse, il emportera la plus grande partie de notre secret... »

C'était en 1923. Jacques Doucet finit par céder à Breton. Picasso réclama au mécène la somme de vingt-cinq mille francs. Doucet eut le cran de rester impavide : « Bon. Eh bien ! c'est entendu, monsieur Picasso. Vous recevrez deux mille francs par mois à partir du mois prochain jusqu'à concurrence de vingt-cinq mille. » Et il renégocia le prix à la baisse ultérieurement... Quatorze ans plus tard, la toile fut revendue cent cinquante mille francs.
Le grand couturier avait aussi un jeune conseiller littéraire, Louis Aragon, royalement rémunéré pour l'informer et acquérir en son nom livres rares et manuscrits. Et puis le communisme et les provocations de l'un ont eu raison de la patience et de la générosité de l'autre. Aragon vit désormais de la vente des colliers conçus et fabriqués par Elsa :

« J'allais vendre/ aux marchands/ de New York/ et d'ailleurs/
De Berlin/ de Rio/ de Milan/ d'Ankara/
Ces joyaux/ faits de rien/ sous tes doigts/ orpailleurs/
Ces cailloux/ qui semblaient des fleurs/
Portant tes couleurs/ Elsa valse et valsera »

De nouveaux liens se sont tissés. D'autres mécènes instaurent leur règne. Les « Charles », très liés à René Crevel et Luis Bunuel, ont succédé à Jacques Doucet. Ils achètent systématiquement l'un des trois premiers exemplaires sur beau papier de tous les recueils publiés par les surréalistes, ce qui permet de financer l'impression de livres qui se vendent au mieux à quelques centaines d'unités. Charles de Noailles acquiert en 1930, pour faire plaisir à Breton et à Éluard, leur manuscrit de L'Immaculée Conception pour la somme considérable de dix mille francs. Ainsi devient-il, selon l'expression de José Corti, une sorte de Fouquet de la République. René Gaffé, un riche parfumeur belge, achète pour sa part à prix d'or tous les exemplaires numérotés « 1 ».

La vente de manuscrits et de brouillons suppose en vérité du savoir-faire, de la psychologie et de l'organisation. René Char ouvre très vite une annexe à son atelier de poète. Là, revêtant les habits d'un moine copiste, veillant à la bonne tenue de ses plumes et de son encrier toujours rempli d'encre noire, il recopie avec un soin maniaque ses derniers textes. Il apporte une attention obsessionnelle à ce travail tranquille qui le repose et lui permet de filtrer attentivement ses poèmes. Autour de lui sont disposés son tampon buvard, un choix de cartons et de papiers de Hollande plus ou moins forts. De son écriture ample, il semble à chaque fois réécrire définitivement ses plus beaux poèmes.

Ainsi le manuscrit recopié peut devenir un original. Qui saurait distinguer parmi ces feuillets épars l'authentique brouillon d'un vrai-faux, le premier jet d'une nouvelle version originale ? Lucratif, cet artisanat est aussi généreux. Il n'est pas rare que Char recopie entièrement un recueil sur un carnet spécialement relié, puis l'offre en gage d'amitié.
Eluard l'initie également aux mystères de la fabrication d'un « beau livre ». René Char s'était intuitivement prêté à l'exercice, au début de l'année 1930, avec Le Tombeau des secrets. Son livre se composait d'une trentaine de pages où douze photographies détournées par des collages occupaient en majesté l'espace avec, en regard, quelques textes brefs. André Breton et Éluard y avaient ajouté un photomontage de leur cru...

La rencontre d'un peintre et d'un poète ouvre cependant d'autres horizons. La fusion de Manet avec Mallarmé, la rencontre d'André Derain et d'Apollinaire, l'alliance de Fernand Léger avec Blaise Cendrars, la géniale alchimie de Juan Gris avec Pierre Reverdy transforment le livre en œuvre d'art, recherchée par tous les amateurs. Le livre échappe alors à son statut classique pour devenir objet sacré. Paul Éluard et Max Ernst, André Breton et Alberto Giacometti ont défriché ces terres encore fraîches et nourricières.

A défaut d'une véritable collaboration avec un peintre, veille donc, souffle Éluard à son ami, à demander une gravure, une eau-forte pour la placer en frontispice de ton recueil. Le conseil a été entendu. Il sera toujours repris comme une clé magique pour échapper aux petites misères du temps. On mésestime trop les plaies d'argent.
Comparés aux poètes, les peintres qui rencontrent le succès sont riches, parfois richissimes, explique Éluard. Il faut savoir accepter leurs cadeaux : dessins, gouaches, tableaux. C'est leur manière de te reconnaître. Picasso sait parfaitement, lorsqu'il te met d'autorité une toile sous le bras, que tu la revendras un jour de dèche, et il ne t'en voudra pas. L'argent file, à nous d'en trouver !

Laurent Greilsamer, L'éclair au front, la vie de René Char

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