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La tombe d'à côté

Retour de la traduction à la volée.
D'abord j'ai cru à une histoire vraie, puis je me suis dit que j'étais trop crédule et que c'était une fiction (après tout le twittos s'appelle sixthformpoet), puis j'ai lu les commentaires.
Il est fort possible que ce soit une histoire vraie.
Après tout, l'auteur est anglais.
UN
Mon père mourut. Début classique pour une histoire drôle. Il fut enterré dans un petit village du Sussex. J'étais très proche de mon père et j'allais donc très souvent sur sa tombe. J'y vais encore. [Pas de panique, cela va devenir plus drôle.]

J'apportais toujours des fleurs; ma mère y allait souvent et elle apportait toujours des fleurs; mes grand-parents étaient encore vivants et ils apportaient toujours des fleurs. La tombe de mon père ressemblait souvent à un troisième prix mérité de l'exposition florale de Chelsea.

Parfait. Cependant, je me sentais coupable envers le type enterré à côté de mon père. Il n'avait JAMAIS de fleurs. Il était mort à 37 ans le jour de Noël; personne ne lui apportait de fleurs; et maintenant la tombe d'à côté s'était transformée en boutique de fleuriste éphémère. Alors je commençai à lui apporter des fleurs. JE COMMENÇAI Á ACHETER DES FLEURS Á UN MORT QUE JE N'AVAIS JAMAIS RENCONTRE.

Je le fis un certain temps sans jamais en parler à personne. C'était une private joke à usage interne; je rendais le monde meilleur un bouquet après l'autre. Je sais que ça peut paraître bizarre mais je me mis à penser à lui comme à un ami.

Je me demandais si nous avions une connexion cachée, quelque secret qui m'aurait attiré à lui. Peut-être étions-nous allés à la même école, avions-nous joué dans le même club de foot ou quelque chose comme ça. J'ai fini par googler son nom: dix secondes plus tard je l'avais trouvé.

Sa femme ne lui apportait pas de fleurs PARCE QU'IL L'AVAIT ASSASSINEE — LE JOUR DE NOËL. Après avoir assassiné sa femme, il avait également assassiné ses beaux-parents. Après cela il avait sauté devant le seul train passant dans le tunnel de Balcombe durant cette nuit de Noël.

C'était pour CELA que personne ne lui laissait de fleur. Personne sauf moi, bien sûr. Je lui apportais des fleurs tous les quinze jours; tous les quinze jours DEPUIS DEUX ANS ET DEMI.

Je me sentais terriblement mal par rapport à sa femme et ses beaux-parents. Bon, je n'allais pas leur apporter des fleurs tous les quinze jours pendant deux ans et demi, cependant j'avais l'impression de leur devoir des excuses.

Je trouvai où ils étaient enterrés, j'achetai des fleurs et j'allai au cimetière. Comme je me tenais debout devant leurs tombes et marmonnais des excuses, une femme apparut derrière moi. Elle voulut savoir qui j'étais et pourquoi je laissais des fleurs à sa tante et à ses grands-parents. MOMENT EMBARRASSANT.

Je m'expliquai; elle dit OK, c'est bizarre mais plutôt gentil. Je répondis merci, oui c'est un peu bizarre et, mon dieu, JE LUI PROPOSAI DE PRENDRE UN VERRE. Á ma grande surprise, elle dit oui. Deux ans plus tard, elle me dit oui de nouveau quand je la demandai en mariage car c'est ainsi que j'ai rencontré ma femme.

[FIN]

Qu'est-ce qu'un kenning ?

Christopher Tolkien publie la traduction de Beowulf par son père en concatenant les brouillons de celui-ci et en choisissant parmi ses cours et conférences un certain nombre de commentaires qu'il met en note.

Voici un commentaire des lignes 11.
10-11 «sur la mer où chemine la baleine» ; *10 ofer hronrade

hronrade est un kenning signifiant «la mer». Qu'est-ce qu'un kenning? […] Kenning est un mot islandais signifiant (dans cet usage technique particulier) «description». Nous l'avons emprunté à la critique vieil islandaise de la poésie allitérative norroise et utilisé comme terme technique pour désigner ces «composés descriptifs imagés» ou «brèves expressions» qui peuvent être «employés à la place d'un mot simple ordinaire». Ansi dire: «il a navigué sur le bain des fous de Bassan (ganotes bæth)» revient à utiliser un kenning pour signifier la mer. Vous pouviez, bien sûr, inventer vous-même un kenning, et tous ont dû être inventés par un poète à un moment ou à un autre, mais en matière de langage poétique vieil anglais, la tradition comprenait un cerain nombre de kennings bien établis pour désigner des choses comme la mer, la bataille, les guerriers, etc. Il relevaient de cette «diction poétique», tout comme «onde» à la place d'«eau» (fondée sur l'usage poétique latin d'unda) relève de la diction poétique du XVIIIe siècle.

Plusieurs kennings désignant la mer évoquent celle-ci comme le lieur dans lequel les oiseaux marins ou les animaux plongent ou se déplacent. Ainsi, ganotes bæth (qui, développé, signifie: «le lieu où plonge le fou de Bassan, comme un homme qui se baigne»); ou hwælweg («le lieu où les baleines partent faire leur voyage» comme des chevaux, des hommes ou des chariots parcourent les plaines terrestres), ou «les chemins des phoques» (seolhpathu), ou bien les «bains du phoque» (seolhbathu).

hronrade est évidemment lié à ces expressions. Néanmoins, il est tout à fait incorrect de le traduire (comme on le fait trop souvent) par «route des baleines». C'est incorrect stylistiquement, puisque les composés de ce genre paraissent en soi maladroits ou bizarres en anglais moderne, même si leurs composantes sont correctement choisies. Dans cet exemple en particulier, la malheureuse association des sonorités de cette route [whale road] avec celle de chemin de fer [rail road] accroît ce caractère inepte.

C'est incorrect dans les faits: rad est l'ancêtre de notre route moderne [road], mais cela ne signifie pas «route». L'étymologie n'est pas un guide fiable vers le sens. rad est le nom correspondant à l'action de ridan, aujourd'hui ride, et signifie: «le fait d'aller autrement qu'à pied», c.-à-d. «aller à cheval; se déplacer comme le fait un cheval (ou un chariot), ou comme un bateau à l'ancre»; de là, «un trajet à cheval» (ou plus rarement par bateau), un parcours (qu'il ait un but ou non)». Ce mot ne signifie pas la «piste» réelle et encore moins les pistes aux durs pavés, permanentes et plus ou moins droites, que nous associons à la «route».

En outre, hron (hran) est un mot spécifique au vieil anglais. Il signifie un genre de «baleine», à savoir d'animal de cette famille de mammifères qui ressemblent à des poissons. Lequel, précisément, on l'ignore; mais c'était quelque chose du genre du marsouin, ou du dauphin, probablement, en tout cas, moins qu'une vraie hwælroad»]. Il existe une affirmation en vieil anglais selon laquelle un hron mesurait environ sept fois la taille d'un phoque et une hwæl, environ sept fois la taille d'un hron.

Le mot en tant que kenning signifie donc «trajet du dauphin», c.-à-d., entièrement développé, les étendues sur lesquelles vous voyez des dauphins et des membres plus petits de la tribu des baleines jouer ou avoir l'air de galoper comme une rangée de cavalier sur les plaines. Voilà l'image et la comparaison que le kenning était censé évoquer. Rien de tel n'est évoqué par «route des baleines» [whale road], qui suggère un genre de machine à vapeur semi-sous-marine empruntant des rails de métal submergés, d'un bout à l'autre de l'Atlantique.

J.R.R. Tolkien, Beowulf, édité et présenté par Christopher Tolkien, Actes Sud 2015 (2014), p.161-163
Cela m'évoque irrésistiblement En Patagonie.

Je suis surprise du sens étroit que JRR Tolkien donne à «route»: route de la soie, route des oiseaux migrateurs, route des caravanes, il ne m'a jamais semblé que cela décrivait des pavés ou de l'asphalte, mais un parcours entre un départ et une arrivée. A-t-il raison en anglais ou force-t-il sa démonstrations?

La loi de Zipf

Finalement, il n'était pas aussi décevant que je le pensais que 635 mots représentent 87% du Nouveau Testament :
[…] la loi de Zipf, selon laquelle la fréquence d'un terme, quel qu'il soit, est inversement proportionnelle à son rang dans la table de fréquence. C'est ainsi que le mot le plus fréquent aura un nombre d'occurences à peu près double de celui du second mot le plus fréquent, et triple de celui du mot venant en troisième position. En conséquence, cent-trente-cinq mots à peine suffisent à rendre compte de la moitié des occurences dans un corpus de langue anglaise d'environ un million de mots.

David Bellos, Le Poisson et le Bananier, p. 364 (note 2 du chapitre 8), Flammarion 2012

Epiphanie

Comme je ne peux pas laisser de commentaire sur youtube et que je ne peux pas redescendre au 10 mars dans FB parce que ça plante, je poste ici l'image destinée à illustrer la traduction de Guillaume Cingal (et qui semble impliquer que "j'ai trouvé Jésus" est le début d'une blague récurrente):



(Magnet acheté à Stockholm en 2001, sur le frigo depuis. J'aime son double sens: bien sûr c'est une plaisanterie, mais sous un autre angle, celui de la foi, ce n'en est pas une. Et j'aime "the whole time" qui implique une plénitude, un plérôme).

Un hérisson

Une langue de toute beauté. Je n'en reviens pas que l'on puisse obtenir cela en traduisant.

LE CHEF . Une nouvelle charge fulgurante de ces harpies venait de disloquer les Etoliens, et les rejetait par vagues sur nous, les Myrmidons, qui tenions ferme. Nous essayons de les rallier, — le tourbillon nous repousse loin de la bataille, et quand nous arrivons à nous accrocher au terrain, nous nous trouvons coupés du Pélide. On l'aperçoit de loin, au milieu d'un hérisson de lances, qui se dégage de la nuit du combat, descend pied à pied la pente d'une colline et cherche à nous rallier; déjà on le hèle avec des cris de joie — mais les cris se figent dans notre gorge. Son quadrige vient de se bloquer au bord d'un précipice ouvert: leurs yeux plongeant à pic dans l'abîme, on voit les quatre bêtes se cabrer d'un bond sur le ciel. Et les coups de fouet ont beau pleuvoir, les bêtes se renversent, s'écroulent en embrouillant les rênes — chevaux et char s'entortillent comme un peloton — et le fils des Dieux avec son attelage est pris comme dans un filet à sardines.

Kleist, Penthésilée, traduit librement par Gracq à la demande de Jean-Louis Barrault, pour en faire une pièce "jouable" (José Corti, 1954).

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(28) 29 . Frau Kassim saß behaglich vor einem lodernden prasselnden Feuer, der Rücken auf ein sanftes Polster, den Ellbogen auf ein weiches Kissen von Flaumfedern gestützt. Sie hatte einen fein ausgezakten Halsfragen, schöne Puffärmel; auf dem mit blauem Sammet überzogenen Schemel ruhte einer ihrer Füße; das niedliche Pantöffelchen war sie geputzt wie ein Püppchen, und sie schien sich in diesem Prunk zu gefallen. Bald wedelte sie mit dem Fächer, bald rührte sie mit der Zange in der glühenden Asche und ergötzte sich an den sprühenden Fünkchen. Da trat ein Diener herein und meldete die Frau des Holzhauers bei ihr an. Sie runzelte die Angenbrauen: Es wäre doch ein Wunder, sprach sie mit herber Miene, wenn diese garstigen Hungerleider einen nicht immer plagten und mir wenigstens während der Nacht die Ruhe gönnten.

30. Sie kleben sich an einen an, wie die Kletten an die Fransen des Rockes, es sind wahre Blutegel. Vor solchen Flegeln sollte man die Tür mit Riegeln verschließen oder sie mit dem Besen fortjagen. Was haben diese Bettler wohl zu begehren ? Etwa ein Almosen? — Einen kleinen Sester, antwortete der Knecht. Einen Sester ! dachte sie bei sich, was haben denn doch die armen Schlucker zu messen? Das will ich wissen. Hätte ich nur etwas Pappe oder Leim. Sie stand von ihrem Sessel auf und ging in ein nahes Zimmer, fand aber nichts als den Stumpf eines Talglichtes; sie scheute dennoch nicht mit ihren zarten Fingern ein Klößchen Unschlitt inwendig an den Sester zu schmieren, und ließ dann der Schwägerin das Mädchen übergeben, sich heimlich schmeichelnd, daß einige Körnlein daran bleiben und ihr den Schlüssel zu diesem Rätsel liefern würden, ohne daß sie sich zu anderen Mitteln herabwürdigte.
Denn sie war eben so stolz von Charakter, als vorwitzig.

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(27) 27. — Gewiß, nimm gleich den Sattel und eile wieder fort. Schon hing dein Leben nur mehr an einem Faden, es hat große Eile, daß du dich aufs neue der Gefahr aus setzest. Nein, sei vernünftig. Wir haben ja keinen Mangel mehr; unsre erste Sorge soll jetzt sein, dieses Gold zu verscharren. Sonst wird es ein Zankapfel zwischen dir und deinem Bruder; das gibt Händel und du, guter Hammel, würdest allen Schaden davon tragen. Dein Vater allein, wenn er noch lebte, dürfte etwas davon wissen. Aber wohin vergraben wir's? fragte Alibaba, wir haben ja keinen Garten und keinen Acker.

28. — Ei, da hinter dem Ofen wollen wir unter dem Dielenboden einen kleinen Graben anbringen; da braucht's weder Kalk noch Kelle: ein Hammer, einige Nägel, und alles ist so sicher da, wie das Boot im Hafen. Gut Gedacht, erwiderte Alibaba, aber vorher müssen wir's doch zählen. — Zählen! dann bist du nicht fertig damit, bis sich morgen die Läden öffnen und die Vögel den Schnabel wieder aufsperren. Messen wir's eher. Ich laufe zum Schwager, fügte sie hinzu, indem sie einen Mantel umwarf, und komme gleich zurück.
Sie eilte hinaus nach der Klosterstraße hin, wo Kassim wohnte.

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(26) 24. Sie war eben damit beschäftigt, den Docht für den Abend zuzurichten. Als sie aber das Gold sah, war sie in solchen Grade betroffen, daß sie die Arme fallen ließ und keinen Laut von sich geben konnte. Ihr Puls schien zu stocken. Unglücklicher, was hast du getan? war endlich ihr erster Ruf. Welcher Unhold hat dir dazu geholfen? Ach! lieber leide ich jeden Verlust und bleibe elend alle Tage bis zu meinem letzten Hauche, als mir auch nur einen halm ungerechter Weise zuzueignen. Ist dies der Lohn eines Verbrechens, hast du vielleicht, um es zu erhalten, einen Mord begangen, weg! Besser du wärest ein Vielfraß, ein Trunkenbold un alles, als ein Dieb. Hättest du den reichsten Gehalt, wärest du ein Herzog, säßest du auf dem Throne, nie würde ich den für meinen Gemahl anerkennen, den ich als einen Schuft ansehen müßte.

25. Eher fliehe ich weit von hier, den Staub mir von den Schuhen schüttelnd, und lebe im freiwilligen banne, wo ich nur einen Hort finden mag, sei es auf einer nackten Insel, oder auf dem schroffen Gipfel der Felsen, worauf der Aar einen Ort findet zu seinem Horste… Er aber unterbrach sie lächelnd: Sprich doch nicht so, wie ein Star, ins Hundert hinein. In keinem Punkte bin ich auch nur einen Zollbreit vom rechten Pfade gewichen. Du sprichst von Mord, aber ich selbst war nie dem Tod so nahe. Schon glaubte ich den Knall der Flinte, das Zischen des Schrotes oder der Kugel zu hören. Huften, niesen, ein Ruck, und vierzig Dolche durchbohrten mich, mein Leichnam lag auf dem Sande, zerquetscht und zermalmt unter dem Hufe der Pferde.

26. Jetzt erzählte er von jenem Reitertrupp, von dem glücklichen Erfolg seines Besuches an dem Ort ihres Aufenthaltes, woran man, wäre man auch ein Luchs, nicht den geringsten Spalt entdecken könnte, den man auswendig für den Wohnungsort der Molche und Kröten ansehen sollte, inwendig aber schöner aussehe als der herrlichste Dom, worin jene Hunde mehr verborgen lebten als der Dachs in seinem Bau, und nicht nur Gold und Edelsteine, sondern allerlei kostbare Stoffe versteckt hielten. Du kannst dir wohl denken, setzte er hinzu, daß ich mir nur einen sehr kleinen Part herausgenommen habe. Den Leich und den Weiher sischt man nicht auf einmal aus. Findet man aber im Wasser eine Menge verschiedener Fische, Aale, Barsche, Salme, Lachsforellen und so fort, so finden wir dort eine eben so große Verschiedenheit von schönen Dingen, wann wir bald wieder das Retz auswerfen.

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(25) 22. Kaum hatte er gesagt: öffne dich, Sesame! da tat sich ein schmaler Gang auf, in den er zagend auf den Zehen hinein ging. Er hatte sich diese Höhle vorgestellt, als wäre sie düster wie ein Schacht und feucht wie ein sumpfiger Morast, für Frösche und Eidechsen ein trefflicher Wohnplatz. Wie erstaunte er, als er einen geräumigen, netten, sehr hellen Saal sah, ohne erraten zu können, durch welche Kanalë das Licht hereinströmte! Hätte ihn der Zufall in den Palast geführt, wann der König, von Marschällen, Seneschällen, Vögten, Generälen und von seinem ganzen Hofe begleitet, seinen Einzug hält; oder in die Sankt-Peterskirche zu Rom, wann der Papst, von Kardinälen, Erzbischöfen, Bischöfen, Äbten und Kaplänen umgeben, in der Karwoche, an Ostern, Pfingsten oder Weihnachten am Altar steht, während die harmonischen Töne der Orgel die Choräle begleiten, nein, dieses hätte keinen so tiefen Eindruck auf ihn gemacht.

23. Er gaffte alles an und stand wie an diesen Platz gebannt. Als er wieder zu sich kam, machte er einen Schrank auf; er enthielt Säcke, die aufeinander geschichtet lagen und die voll Schätze waren. Er nahm einige davon, lud sie auf seinen Esel, zog ihn am Zaum schnell fort, ihn mit einer Gerte peitschend, ohne daß das arme Tier sich diese Schläge und die ungewohnte Hastigkeit seines Meisters zu erklären wußte; keuchend kam er heim, trug die Säcke hinein und schüttete sie zu den Füßen seiner Frau aus, die zuerst gemeint hatte, die Säcke seien voll Späne.

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(24) 21. Die rauhen Äfte der Eiche machten ihm ein Bett, das am Ende sehr unbequem wurde. Doch wartete er noch, bis er sie ganz aus den Augen verloren hatte und sein Ohr nur noch das Surren der Insekten vernahm. Dann rutschte er behutsam herab. Als er einmal herunter war und weder ihre Augen noch ihre Pistolen mehr zu fürchten hatte: Ei, dachte er, wenn ich es einmal versuchte, da hinein zu gehen! Gewiß waren diese Heiden nicht da, um Mineralien und Fossilien aufzusuchen. Ein anderes Interesse leitet sie, als solche Studien. Sie haben vielmehr Kleinodien, Juwelen und der gleichen darin versteckt. Wie viele Kapitalien vielleicht liegen unfruchtbar da aufgehäuft! Und ich kenne kein Statut, das sie hinderte, einem armen Tropf zu dienen, der Kaum ein Hemd hat, seine Blöße zu decken.

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(21) 17. Mit Freuden hätte auch er das Vertrauen der Vögel und Kafer geteilt. Allein wer malt sein Entsetzen, als er, indem er sich ein wenig überbeugte, um jenen geheimnisvollen Eingang, durch den sie verschwunden waren, näher zu betrachten, einen von ihnen hinter einem Wachholderstauche entdeckte, der Schildwache stand. Ach! dachte er, jetzt ist es aus mit mir. Auf Erden habe ich nichts mehr zu hoffen, von Gottes Gnaden allein kann ich mein Heil erwarten. Ihm zu Ehren gelobte er, seinem heutigen Tageslohn zu Gunsten der Armen zu entsagen, wenn er von Seiten dieser eingefleischten Teufel nichts leiden sollte und wenn er glücklich von statten käme.

18. Nachdem er so seine Blicke zu Dem hinauf gerichtet hatte, Den allein in diesem Momente sein Schicksal rühren konnte, und der das Gebet seiner Geschöpfe, die ihn andächtig anflehen, immer erhört, wurden seine vorher, wie die Wogen des Meeres, bewegten Gefühle ruhiger, der Kelch schien ihm nicht mehr so bitter, das Kreuz leichter zu tragen. Doch fingen ihm schon die Beine an, straff zu werden, und alle Gelenke sich zu lähmen. Jeder Augenblick kam ihm vor wie ein Jahrhundert. Endlich erschien einer der Diebe, ein rotbärtiger, bausbäckiger Kerl, und flüsterte dem, der draußen stand, zu:

19. Nun, Gevatter, hast du etwas gesehen? — Gar nichts, Vetter. — Gut. Doch muß genau gewacht sein. Schon wird der deutsche Konsul wegen jenes Prinzen seine Klage gemacht haben; welcher Stachel für alle Prokuratoren des Staats! Man wird den ganzen Gau durchsuchen, und wenn man uns ertappt, potztansend! — Bah! das kümmert mich einmal gar nicht, und was die Prokuratoren, Doktoren und Advocaten anbelangt, mich dünkt, man tät' eben so gut, sie mit den abgebrauchten Pantoffeln zur Tür hinaus zu schmeißen. Suchte man uns doch eher im tiefften See, als hier. Glaube mir, wir können herzhaftig noch andere Lorbeeren pflücken. Hierauf gingen beide hinein.

20. Nicht lange darnach kamen alle heraus, zuletzt der kommandant und seine beiden Leutnants, deren Mütze mit Pfau, Fasanen und Straußfedern geschmückt war, die in den Strahlen der Sonne von tausend Farben schimmerten, wie die Rauten eines Diamants. An der lustigen Miene dieser Gesellen konnte man erraten, daß sie nicht mehr nüchtern waren. Einige singen sogar an zu trillern, und ich stehe euch dafür, sie sangen keine Psalmen. Aber der Kommandant winkte, und stillschweigend saßen alle auf, gaben ihren Pferden den Sporn und trabten fort; bald waren sie hinter einer Schlehdornhecke verschwunden. Es war Zeit, denn der arme Alibaba, oben auf seiner Eiche wie der Matrose auf seinem Mast, spürte jetzt heftige Schmerzen an allen Muskeln und Nerven.

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(19) In ihrem so verschiedenen, drolligen Anzuge hätte man diese Gesellen für Fastnachtsnarren oder Gecken gehalten. Allein nur zu bald bemerkte Alibaba, daß er nicht mit Narren zu tun habe, sondern mit Menschen, die grausamer waren, als Leoparden und Bären.

14. Von dem Versteck, wo er sich gekauert hielt, die verscheuchten Spatzen und Finken um die Freiheit ihres Fluges beneidend, hörte er einige ihren Genossen leise erzählen, daß sie einen reisenden Prinzen ausgeplündert und seinen Mundschenken, seinen Truchsessen und einen Grafen erwürgt hatten, die ihn begleiteten und sich erdreisteten, die Toren! ihren Herrn zu verteidigen. Andere unterhielten sich mit ihren Nachbarn von Bauern, denen sie die Ochsen von Pfluge abgespannt, und sogar von harmlosen Hirten, die sie gegeißelt, geprügelt und fast zu Tod gepeinigt und gemartert hatten, und sie rühmten sich dieser Greueltaten, als wären es lauter Heldentaten. Wehe mir! seufzte Alibaba, zur seligen Zeit meiner Ahnen quälten die Vorfahren dieser Barbaren nur vornehme Herren, jetzt aber ist der niedrigste Untertan ihrer Wut ausgesetzt sowohl als der Fürst.

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(18) Die anderen sahen sehr bunt aus. Da sah man die Trachten von fast allen Zeiten und Gegenden der Welt: die steifen Kittel der alten Zimbern und Teutonen sowohl als die feinen, knappen Röcke der Franzosen, Preußen, Bayern, Pommern, Polen, Russen und der übrigen Völker des neuern Europa; den weiten Mantel des Berbern und Kabylen sowohl als die dürftige Kleidung des Kaffern und Hottentotten.

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(17) 13. Bald kamen die seltsamen Kavalleristen an. Der Kommandant winkte und seine Kameraden hielten an. Er und seine zwei Leutnants waren ungefähr gekleidet wie bei den deutschen Soldaten die Husgaen und Uhlanen.

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(16) 12. Allein jetzt, ein Sklave der Furcht, war er nicht mehr jener flinke Knabe, den die Buben, seine Gespielen, wenn sie Wildschützen spielten, den Hasen nannten. Verdiente er diesen Beinamen noch, so war es wirklich kein Löwe. Wenn er übrigens auch den Schritt eines Riesen gehabt hätte, und schnell gelaufen wäre, wie ein Eilbote, so hätten ihn jene verdächtigen Burschen (wer war ihm Bürge, daß sie keine Schurken und Halunken seien?) auf ihren Rappen bald erhascht. Plötzlich hörte er ein Gerausch oben auf dem Baume, unter welchem er stand. War es ein Rabe, ein Falke, ein Weihe oder ein Affe? Er erblickte nichts. Aber eben dieses führte ihn auf den Einfall, sich auf den Baum zu flüchten, dessen nahe an einander stehende Äste sich ihm wie die Sproffen einer Leiter darboten. Geschwind kletterte er hinauf, und versteckte sich in das dichte Laub, um unvermerkt Zeuge dessen zu sein, was vorgehen sollte.

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(15) Ehemals hatte er — ich sage nicht gelesen, unser Alibaba kannte nicht einmal des ersten Buchstaben seines Namens — gehört hatte er schreckliche Erzählungen, denen er, wie die Perser, Araber und Morgenländer überhaupt, einen felsenfesten Glauben schenkte. Diese Ammenmärchen, die schon lange in Frieden, wie der Same im Schoß der Erde und der Funken im Kiesel, tief in seinem Gedächtnis schlummerten, erwachten auf einmal; er sagte bei sich, daß dieser unbekannte Haufen, auf dessen guten Willen er wenig zählte, ihm irgend einen Schaden zufügen könnte, und sein erster Gedanke war, zu fliehen.

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(14) und sein Herz pochte heftig.

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(13) 11. In diesem Augenblickte des Selbstgespräches des Alibaba erschien ein Trupp Reiter, die auf ihn zukamen. Alibaba's Gesicht entfärbte sich

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(12) 10. Oder er schie, daß erfast den Atem verlor und sang seine Stimme im heisern Konzert des Hähers, des Grünspechtes und der Elster, die unserm Esel viel mehr zu gefallen schienen, als die Drossel, die Amsel, die Grasmücke und die Nachtigall. Als Alibaba sin Stücklein Käse mit gutem Appetit gegessen hatte, wollte er sich in den Schatten eines Eichbaums legen, da hörte er in der Ferne das Wiehern von Pferden. Gott sei Dank! dachte er, das sind Jäger. Das wird mir eine Lust sein, einen Damhirsch, einen Rehbock, ein Wildschwein, ja vielleicht einen Hirsch mit dem zackigen Geweih pfeilschnell vorbei laufen zu sehen, und die jauchzenden Weidmänner zu Fuß und zu Pferd dem Wildbret nacheilen. Zum Glück, daß ich heute nicht zu Hause geblieben bin. Aber ich höre ja weder das Bellen der Meute, noch den gellenden Ruf des Jagdhorns.

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(11) Wie froh wedelte er mit dem Schwanze, wenn er einen Strunk Klee oder eine Distel zu Kauen bekam! Hatte er den Ranzen voll, so wälzte er sich auf dem Rasen herum oder rieb sich das Rückgrat, um sich gleichsam zu striegeln, an dem Stamm der Birken, Ulmen und Buchen.

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(10) Aus dem Quersack zog er eine harsche Brodrinde, ein Stücklein Ziegenkäse, ein Dütchen Papier sit Salz und Pfeffer nebst Knoblauch und Zwiebeln und eine Kürbisflasche hervor. Anstatt dieser gemeinen Speisen konnte er manchmal, ungeachtet seiner Armut, einer Knochen ablecken, der doch mehr Knorpel und zähe Fasern darbot, als Fleisch.

9. Zuweilen zeigte sich die Natur gegen ihn freigebig und durch sie wurde für seinen Nachtisch gesorgt, den er ohne Mühe um sich herum aufgetischt fand. Vor, hinter und neben ihm, über seinem Kopfe, unter seinen Füßen, auf der Erde, in den Hecken, an den Bäumen glänzten, zwischen den Blättern, Erdbeeren, Brombeeren, Maulbeeren, Himbeeren, Vogelkirschen und Hazelnüsse im Überfluß. Indessen irrte der Esel im Walde umher von einem Baume zum andern, von einer Staude zur andern, indem er ans liebe Fressen dachte.

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(9) 8. Eines Tages war der Holzhauer mit seinem Tiere in dem Walde. Nicht weit von dem Orte, wo man diesen fleißigen Handwerker arbeiten sah, stand eine von jenen Felsenmassen, die man in dieser Gegend häufig findet. In dem Grase verborgen, floß heimlich ein seichtes Bächlein. Kein Mensch hätte es bemerkt, wenn es sein leises Gemurmel nicht verraten hätte. Nachdem er sich des ganzen Morgen müde gearbeitet hatte, ohne sich die geringste Erholung zu gestatten, wollte der jetzt hungrige und durstige Mann um die gewöhnliche Stunde das gewöhnliche Mittagessen halten.

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(8) 5. Alle Abende kam er müde heim, nachdem er den ganzen Tag gearbeitet hatte. Er war ein Holzhauer, ein Handwert, das leicht zu lernen ist. Er fällte Holz, und sammelte dürre Zweige und Späne, die er für ein paar Pfennige verkaufte. Wenn die Geschäfte gut gingen, so erlaubten sie ihm zuweilen ein Stück Fleisch zu kaufen, ein Glas Wein zu trinken und eine Pfeife Tabak zu rauchen. Aber gewöhnlich gewann er nicht viel Geld. Einst sprach seine Frau: Wenn nur unsere Armut nicht so groß wäre! Ist der künftige Winter rauh, so wirst du nicht so viel arbeiten, wir werden nichts gewinnen und selbst das Notwendige wird uns fehlen. Wie können wir dann leben? Wärest du nicht so blöde, so würde ich dir einen guten Rat geben und wir würden bald aus der Not sein. Sollte man nicht zu deinem Bruder gehen? Er könnte uns helfen, und warum wollte er es nicht?

6. Obgleich er reich ist, so bist du doch kein Fremdling für ihn. Übrigens sagt man, daß er gut sei, und du selbst hast mir oft wiederholt, er habe ein edelmütiges Herz und wäre mitleidig und barmherzig. Er war es, ehe er jene vornehme Frau kannte. Ist er aber noch? Es wäre fast erlaubt, daran zu zweifeln, denn anstatt sich zu bekümmern, um uns zu Hilfe zu kommen, sitzt er daheim, ohne sich um uns zu beschäftigen. Er scheint uns gänzlich vergessen zu haben. Wenn er wünschte, uns Gutes zu tun, so würde er doch wenigstens geruhen, uns zu besuchen. Aber während wir hier im Elend liegen bleiben, bleibt er in seinem Schlosse ruhig sitzen. Kommt er etwa daher geritten, oder gefahren, so silt er geschwind vorüber. Ach! fuhr sie seufzend fort, indem sie reich werden, verlieren manche Leute das Gedächtnis.

7. Das muß ich oft von dir hören, liebe Frau, antwortete Alibaba. Was dem auch sein mag, so darf ich doch behaupten, daß man keinen bessern Mann sehen kann, als Kassim. Was willst du, daß ich sagen soll? Wäre er frei, so würde er uns helfen und uns nicht darben lassen. Allein hast du nicht oft sagen hören, daß er immer seiner Frau hat folgen müssen, und daß sie nie einen Bettler hat wollen an ihre Tür kommen lassen. Wir müssen künftig sein, was wir bisher gewesen sind. Der gute Wille wird immer belohnt. Glaube nicht, daß wir von Gott werden verlassen werden. Er weiß, wie groß unser Elend, und wie uns sein Beistand so notwendig ist. Er hört die an, die ihn anrufen, er hat uns bis jetzt angehört, er wird uns künftig auch anhören, wenn wir nicht aufhören, ihn anzurufen.

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II. Tournure, c'est-à-dire suppressions, additions ou changements de mots.

de 29 à 56

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(7) 4. Seine Sklaven waren nicht so unglücklich wie er. Wenn seine Frau nicht da war, so konnte er seinen Kummer nicht verbergen und manchmal rief er laut: Ach! ich sehe es wolh, der Reichtum gibt dem Menschen das Glück nicht. Freilich hatte er nicht Unrecht, aber er hatte doch auch nicht Recht, sich von seiner Frau beherrschen zu lassen. Sein Bruder Alibaba hatte nicht Zeit, sich diesen traurigen Betrachtungen zu überlassen. Er hatte nicht eine reiche Witwe geheiratet, sondern die Tochter eines armen Schornsteinfegers. Er hatte kein Schloß, keinen Sklaven, oft sogar keinen Heller mehr. Kum war er reich genug, das Häuschen zu bezahlen, das er gemietet hatte. Man sah ihn jeden Tag mit seinem Esel in den Wald gehen, und diese Reise fand im Winter wie im Sommer, im Herbst wie im Frühling statt.

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règles concernant les adverbes, locutions adverbiales et compléments.

22. Nicht (ne pas) se met à la place de pas. Ex. Ses esclaves n'étaient pas aussi malheureux que lui. Quand sa femme n'était pas là…

23. Nicht suit les régimes (COI et COD) . Ex. Alors il ne pouvait pas cacher son chagrin, et quelquefois il criait tout haut: Ah! je le vois bien, la richesse ne donne pas le bonheur à l'homme. Constr. Alors pouvait-il son chagrin pas cacher; …la richesse donne à l'homme le bonheur pas.

24. Cependant, nicht précède le régime qui est immédiatement à la suite de pas, comme (il n'avait) pas tort, pas raison, pas le temps (en allemand on dit: pas temps. Ex. Assurément il n'avait pas tort, mais il n'avait pourtant pas raison non plus (en allemand: il avait aussi pas raison) de se laisser dominer par sa femme. Alibaba n'avait pas (le) temps de se livrer à ces tristes réflexions.

25. Nicht précède encore le régime s'il l'affecte en particulier, c-à-d. s'il peut se traduire par non pas. Ex. Il n'avait pas épousé une riche veuve (c-à-d. non pas une riche veuve), mais la fille d'un pauvre ramoneur.

26. Pas de, pas un, se traduisent par kein (aucun); plus de (plus un) se traduit par pas de… (pas un…) plus. Ex. Il n'avait pas de château, pas un esclave, souvent même plus un liard. Er hatte kein (accusatif neutre) Schloß, keinen (accus. masc.) Sklaven, oft sogar keinen Heller mehr.

27. Genug, assez, suit toujours son adjectif et son adverbe et ordinairement son nom. Ex. A peine était-il assez riche pour payer la maisonnette qu'il louait. Constr. riche assez.

Remarque : Aber, mais, peut toujours rester en tête de la proposition, et les débutant feront bien de l'y laisser; mais il peut aussi se mettre plus loin, généralement après le mot sur lequel porte l'opposition, ou après le verbe de la proposition principale ou le mot de subordination, et, si ce verbe ou ce mot de subordination sont suivis d'un pronom personnel, après ce pronom.

28. Les compléments se suivent dans cet ordre: d'abord 1/ le pronom personnel sans préposition, 2/ les compléments de temps; à la fin 1/ le lieu, 2/ le mot qui forme avec le verbe une seule expression. Ex. On le voyait aller à la forêt chaque jour avec son âne Const. On voyait lui (pron. pers.) chaque jour avec son âne à la forêt (lieu) aller.
Et ce voyage avait hiver comme été, en automne comme au printemps lieu. Avait lieu forme une seule expression.

Alibaba 6

(6) Anstatt ihm den Himmel zu geben, wurde diese Ehe für ihn, durch den herrschsüchtigen Character seiner Frau, ein Fegfeuer und vielleicht wäre es erlaubt, einen anderen Ausdruck zu wählen und die Hölle zu nennen.

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La préposition zu

21. La préposition zu (à, de, pour, devant l'infinitif) se met immédiatement devant l'infinitif.
Ex. Au lieu de lui donner le ciel, ce mariage fut pour lui, à cause du caractère despotique de sa femme, un purgatoire, et peut-être se serait-il permis de choisir un autre terme et de le nommer l'enfer.
Constru. lui le ciel de donner; …un autre terme de choisir et l'enfer de nommer.

Alibaba 5

(5) und sie heiratete ihn. Kassim glaubte, daß ihm eine so glänzende Heirat den Himmel öffnen sollte. Leider irrte er sich, wie es uns die Folge des Geschichte zeigt.

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règles concernant les pronoms

18. Dans une proposition principale, le pronom personnel COD ou COI suit le verbe.
Ex. Et elle l'épousa ; constr. Et elle épousa lui.

19. Quand le verbe doit par construction changer de place, le pronom COD ou COI se met devant le sujet.
Ex. Cassim croyait qu'un si brillant mariage devait lui ouvrir le ciel; constr. Cassim croyait qu'à lui un si brillant mariage le ciel ouvrir devait. — Malheureusement il se trompait; constr.Malheureusement trompait-il soi.

20. De deux pronoms COI et COD, l'accusatif précède le datif.
Ex. Comme nous le montre la suite de l'histoire; constr. Comme le nous la suite de l'histoire montre.

Alibaba 4

(4) 3. Kassim allein, der ältere, verließ das Haus, wo sein Vater selig so einsam und ärmlich gewohnt hatte und bekam ein Schloß voll Sklaven und mehrere Koffer voll Geld. Als das Schicksal, das ihm anfangs günstig war, aber nur zu bald ungetreu wurde, den Sohn des armen Schneiders dieses großen Vermögens teilhaftig machte, war er ungefähr dreißig Jahre alt. Schön von Angesicht, gegen jedermann höflich und dienstfertig, von Character sehr sanft, gefiel er einer Witwe, die ungeheuer reich war.

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règles concernant les adjectifs

15. L'adjectif qui n'est ni attribut ni en apposition précède son nom, sauf allein, seul; selig, feu, défunt; voll, plein (de).

Remarque : par adjectif il faut entendre non seulement l'adjectif proprement dit, mais encore le participe présent et le participe passé s'il est isolé (c'est-à-dire s'il ne fait pas parti d'un temps conjugué).
Ex. Et le vieillard épuisé (constr. l'épuisé vieillard) mourut. Les deux frère eurent dans la suite un sort très différent (constr. un très différent sort). Cassim seul, l'aîné, abandonna la maison où feu son père (constr. où son père feu) avait si solitairement et si pauvrement vécu et eu un château plein d'esclaves et plusieurs coffres d'argent.

16. A l'exception de voll, l'adjectif complétant un groupe nominal au génitif, au datif ou à l'accusatif sans préposition, le suit.
Ex. Lorsque le sort qui lui fut d'abord favorable, mais (qui) ne lui devint que trop tôt infidèle, rendit le fils du pauvre tailleur participant de cette belle fortune ((constr. de cette belle fortune participant), il était âgé d'environ trente ans (constr. environ trente ans âgé).).

Remarque : Teilhaftig participant commande le génétif; günstig favorable et ungetreu infidèle, le datif, comme en général les adjectifs suivis de à; alt âgé l'accusatif ainsi que les autres adjectifs de quantité ou de mesure.

17. L'adjectif qui a des compléments introduits par une préposition peut les précéder ou les suivre; l'adverbe qui l'accompagne reste avec lui.
Ex. Beau de figure, poli et serviable envers tout le monde, très doux de caractère, il plut à une veuve qui était immensément riche. On peut dire, par exemple: envers tout le monde poli et serviable; si l'on veut mettre de caractère avant doux, il faut dire: de caractère très doux.

Alibaba 3

(3) Sie versprachen ihrem Vater alles, und der ermattete Greis starb. Die zwei Brüder hatten in der Folge ein sehr verschiedenes Los.

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règle concernant les substantifs

14. Le nom au datif (complément d'objet indirect COI) précède le nom à l'accusatif (COD) quand les deux sont présent dans la phrase.
Ex. Ils promirent tout à leur père. Constr. Ils promirent à leur père tout.

Alibaba 2

(2) Man konnte diesen Greis sast jeden Tag früh und spät in seiner Werkstätte arbeiten sehen. Er hatte einige Jahre glücklich leben. Allein seine Frau war schon längt gestorben, und er blieb allein mit seinen zwei Knaben Kassim und Alibaba, die noch jung waren. Der treiffliche Man, der doch gut arbeitete, gewann nur sehr wenig, weil die Schneider dort wimmelten. Da er übrigens oft krank war, so wurde er nach und ganz arm, und man kann sagen, daß er zulezt gar nichts besaß. Als er auf seinem Sterbebette lag, da rief er seine Söhne zu sich: Meine Kinder, sagte er traurig lächelnd, mein Tod, glaube ich, ist nahe. Serh gern wollte ich euch heute ein schönes Vermögen hinerhalten.

2. Allein das ist unmöglich, denn ihr wisset, daß ich nichts habe. Entweder die Krankheiten oder die Umstände haben mein Alter geprüft, und das Beispiel eures Vaters ist eure einzige Erbschaft. Aber seid gerecht und ehrlich. Weder die Arbeit noch das Glück fehlen dem, der seine Pflichten mit Entschlossenheit erfüllt. Nicht die Armut, sondern das Laster ist zu fürchten und zu vermeiden. Kann Gott die Ungerechtigkeit segnen und belohnen? Wer liebt und achtet eine Seele, die unehrlich ist? Welche Freude gibt das Gewissen einem solchen Menschen? O meine Kinder, darf ich hoffen, daß ihr diese letzten Ermahnungen beherzigt? Sind sie ja doch wenigstens eben so nützlich un kostbar, wie die größten Schätze.

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Règles concernant le verbe, sa place dans la phrase:
Je reformule les règles le cas échéant. A titre de curiosité, je recopie la façon de traduire mot à mot, si éloignée de notre pédagogie moderne (nous sommes en 1906). L'exposé des règles est l'occasion de traduire le récit.

2. L'infinitif et le participe passé se mettent en fin de proposition, subordonnée ou principale. De ce fait, ils se placent après leurs compléments.
Ex: On pouvait voir ce vieillard travailler presque chaque jour matin et soir dans sa boutique.
Construction: On pouvait ce vieillard presque chaque jour dans sa boutique travailler voir.
Il avait quelques années vécu heureux; mais sa femme était morte depuis longtemps déjà.
Constr.Il avait quelques années heureux vécu; mais sa femme était depuis longtemps déjà morte.

3. Le verbe (au mode personnel) d'une proposition subordonnée se met à la fin de cette proposition.
Ex: Et il restait seul avec ses deux fils Cassim et Alibaba, qui étaient encore jeunes. L'excellent homme, qui travaillait pourtant bien, ne gagnait que très peu, parce que les tailleurs abondaient en cet endroit.
Constr.: qui... jeunes étaient; qui... bien travaillait; parce que ... endroit abondaient.

4. Dans une proposition subordonnée, le pronom personnel sujet doit suivre immédiatement le mot de subordination.
Ex: Comme en outre il était souvent malade...
Constr.: Comme il en outre était souvent malade...

5. Le verbe de la proposition principale (de la première si plusieurs se suivent) précède le sujet quand elle est précédée de sa subordonnée. Dans ce cas, on met ordinairement en tête so (ainsi), s'il s'agit d'une conséquence, et da (là, alors) s'il s'agit d'un fait passé (c.-à-d. après als ou nachdem) (J'ai l'impression que cette règle de "so" et "da" n'est plus suivie : désuet)).
Ex:
Comme en outre il était souvent malade, il devint (constr. ainsi devint-il) peu à peu tout à fait pauvre et l'on peut dire qu'à la fin il ne possédait rien du tout.
Lorsqu'il fut sur son lit de mort, il appela (constr. alors appela-t-il) ses fils près de lui.

6. Le verbe d'une proposition intercalée précède le sujet, même quand le sujet est je.
Ex.
Mes enfants, dit-il en souriant avec tristesse, la mort, je crois (constr. crois-je), est proche.

7. Le verbe de la proposition principale précède le sujet, quand le premier mot n'est pas le sujet. Dans ce cas on ne peut commencer par deux compléments différents.
(Aujourd'hui la règle s'énonce ainsi: le verbe de la principale est toujours en deuxième position, y compris si la première place est occupée par une subordonnée (cf. point5.)
Ex. Très volontiers aujourd'hui je voudrais vous laisser une belle fortune. Constr. Très volontiers voudrais-je vous aujourd'hui une belle fortune laisser.

8. Les mots et, ou, car, mais (und, oder, denn, aber) ne comptent pas dans la construction comme "premiers mots"; ni les négations ou les choix : ne...pas, ni...ni, etc (nicht, weder...oder).
Remarque: si plusieurs "ou" se suivent, le premier se traduit par entweder. "Mais" se traduit par aber. Quand il signifie "seulement", ou "mais malheureusement" il se traduit allein; enfin il se traduit sondern après une négation.
Ex. Mais (allein) cela est impossible, car (denn) vous savez que je n'ai rien. Ou (enweder) les maladies ou (oder) les circonstances ont éprouvé ma vieillesse et l'exemple de votre père est votre unique héritage. Mais soyez justes et honnêtes. Ni (weder) ni (noch) le bonheur ne manquent à celui qui accomplit ses devoirs avec énergie. (Ce n'est) mais (sondern) le vice (qui) est à craindre et à éviter.

9. Le verbe, dans une interrogation (directe), se met en tête suivi du sujet. On ne traduit pas il, ils, elle, elles, sujets pléonastiques.
Ex. Dieu peut-il (constr. Peut Dieu) bénir et récompenser l'injustice?

10. S'il a un mot interrogatif comme qui? quel? où? quand?, c'est par lui qu'il faut commencer. Alors, si le mot interrogatif est le sujet, il n'y a pas de changement.
Ex. Qui aime et estime une âme (qui est) déloyale?

11. Si le mot interrogatif n'est pas le sujet, on met le verbe avant le sujet (règle 7 : en deuxième position).
Ex. Quelle joie la conscience donne-t-elle à un tel homme? Constr. Quelle joie donne la conscience à un tel homme?

12. Dans l'interrogation, les mots est-ce-que se suppriment.
Ex. O mes enfants, est-ce-que je puis (constr. puis-je) espérer que vous prenez à cœur ces derniers avis?

13. On emploie quelquefois la forme interrogative pour donner un tour plus vif à une affirmation. Dans ce cas, on ajoute dans la phrase les mots ja (oui, certes) ou doch (pourtant) ou les deux à la fois.
Ex. Ils (ces avis) sont pour le moins tout aussi utiles et (aussi) précieux que les plus grands trésors: Sind sie ja doch (littér. Sont-ils certes pourtant) wenigstens eben so nützlich un kostbar, wie die größten Schätze.

Alibaba 1

Les chiffres en marge correspondent à une ou plusieurs règles autour d'un thème. Je les indique entre parenthèses.
Un billet correspond à un chiffre en marge. Je recopie les règles en adaptant le cas échéant leur formulation de 1900 aux tournures des années 1980.
Je commence ma copie; comme il s'agit de transcription du gothique, n'hésitez pas à intervenir, toute erreur n'est pas forcément une faute de frappe!


(1) 1. Ein alter Schneider, Hiram war sein Name, lebt in einer Stadt von Persien, zu Ispahan, sagt man, und wohnte in einem elenden Häuschen.

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règle:
1/ En général, suivez la formulation française.

Ex : Un vieux tailleur, Hiram était son nom, vivait dans une fille de Perse,à Ispahan, dit-on, et demeurait dans une misérable maisonnette.

Phrase de base

Rick m'a appelé au téléphone ce matin et m'a demandé: «Chris tu ne saurais pas par hasard comment on dit je t'aime en allemand?»

Cette façon d'hésiter, de s'excuser de poser une question était caractéristique de la politesse naturelle de Rick. Identique à elle même, cette façon de faire m'a fait rire. Il sait bien que ma connaissance de l'allemand est assez bonne et qu'il serait étrange, de toute façon, de connaître seulement quelques mots d'une langue étrangère sans être capable de produire cette phrase de base. (Je sais même la dire en chinois).

Christopher Isherwood, Octobre, p.62 (Rivages - 1984)

Julius exclusus e cœlis

J'ai "appris" "plusieurs fois" le latin, ce qui signifie en clair que je n'ai jamais su m'en dépêtrer. Mais je n'ai pas résisté à ce petit livre bleu bilingue trouvé par hasard pendant que je cherchais autre chose.

Il s'agit d'une satire nous décrivant Jules II interdit de paradis, et relatant sa longue conversation avec Saint Pierre. Elle a été publiée anonymement en 1517 (auparavant des copies manuscrites avaient circulé); elle est attribuée à Érasme. (Après lecture de la préface je dirais qu'on peut raisonnablement considérer qu'elle vient d'Érasme, mais qu'il se peut malgré tout qu'elle ait été écrite par Ulrich von Hutten, qui ne portait pas Jules II dans son cœur).

La préface de Sylvain Bluntz retrace les tribulations d'Érasme en Italie au gré des guerres papales. Elle montre la célébrité d'Érasme dans l'Europe de son temps, et reprend la démonstration qui lui attribue Julius exclusus en s'appuyant sur l'élégance de langue latine utilisée et sur divers manuscrits retrouvés parmi les papiers du philosophe (mais lui n'a jamais reconnu avoir écrit ce texte).

Érasme était un grand latiniste ainsi que nous l'explique Sylvain Bluntz en citant Stroh:
C'est un autre professeur de latin langue vivante, Wilfried Stroh1, (il présente sa bonne ville de Munich aux touristes en latin et il est présentateur d'émissions de télévision en latin) qui montre ce qu'était la maîtrise du latin d'Érasme:

«Nous faisons connaissance avec Érasme d'abord par deux livres curieux De utraque verborum ac rerum copia «L'abondance à la fois des mots et des choses», on y apprend à varier (verba) et à élargir (res) ses pensées. […] Dans la première partie, Érasme propose des exercices de latin d'une virtuosité extraordinaire, par exemple une phrase comme Semper dum vivam, tui meminero, «aussi longtemps que je vivrai, je penserai à toi», est donnée en trois cents variations. Les débutants disent par exemple: numquam, quod victurus sum, me tui capet oblivio, «jamais, aussi longtemps que je serai en vie, je ne t'oublierai»; des élèves plus avancés tenteront une expression plus rare: eadem me lux exanimem videbit, quae tui conspiciet immemorem, «Il me verra mort, le jour où je t'oublierai». Ce n'est pas seulement un jeu littéraire et intellectuel mais un entraînement sérieux qui se voulait à la pointe de l'enseignement de la langue, quel siècle!»

Sylvain Bluntz, préface à Érasme, Jules, privé de Paradis !, pp.22-23
Le texte est un dialogue entre Jules II et Saint Pierre, c'est une pièce de théâtre. Pierre décrit ce que devrait être l'Église et le Pape, pauvre au service des pauvres à l'image du Christ; Jules proteste, de bonne foi semble-t-il, il ne comprend pas comment ne pas se réjouir qu'il ait enrichi l'Église, et sa naïveté dans la brutalité contraste heureusement avec l'aspiration de Pierre à l'humilité et l'austérité.
Les notes en fin de volume permettent de suivre les allusions et de reconstituer les événements du début du XVIe siècle en Italie, mise à feu et à sang par Jules II (c'est du moins l'opinion d'Érasme, qui fait du Pape l'origine de toutes les guerres contemporaines).
Le plaisir vient de la lecture de la traduction enlevée en vis-à-vis d'un texte latin qui condense l'énergie d'une pensée ramassée:
Pierre : Mais le Christ nous a fait serviteurs, c'est lui qui est la tête, à moins qu'une seconde tête n'ait poussé. Mais qui, finalement, a donné de l'ampleur à l'Église?

Jules : Tu en viens au fait maintenant et je vais te l'expliquer. Cette Église jadis famélique et très pauvre, est aujourd'hui florissante à tous égards.

Pierre : À quels égards ? De l'ardeur de la foi?

Jules : Tu dis à nouveau des bêtises.

Pierre : De la sainte doctrine ?

Jules : Tu t'égares.

Pierre : Du mépris du monde ?

Jules : Laisse-moi te dire, je te parle de ce qui compte car tout ça, ce ne sont que paroles en l'air.

Pierre : De quoi s'agit-il alors ?

Jules : Il s'agit des palais de roi, des chevaux et des mules magnifiques, d'une domesticité nombreuse, des troupes très entraînées, d'une cour raffinée…

Génie : Des gardes redoutables, des voyous à ta botte.

Jules : … de l'or, de la pourpre, des revenus, pour que tous les rois paraissent humbles et pauvres comparés à la puissance et au faste du pontife romain. Que personne ne soit ambitieux au point de ne pas se reconnaître vaincu par Jules, que personne ne soit opulent au point de ne pas se reprocher sa frugalité, que personne n'ait tant de richesses et de revenus qu'il n'envie les nôtres. Voilà te dis-je, toutes ces choses, je les ai protégées et développées.

Pierre : Mais dis-moi, qui le premier de tous, a sali et mis en difficulté l'Église avec toutes ces paillettes alors que le Christ a voulu qu'elle fût aussi pure que simple?

Jules : Qu'est-ce que tu dis là ? Il est évident que l'essentiel, nous le contrôlons, nous le possédons, nous en jouissons.

Érasme, Jules, privé de Paradis !, pp.118 et 120

Je ne résiste pas au plaisir de donner le texte latin :
Petrus : At Christus nos ministros fecit, se caput, nisi mine secundum caput accreverit. Sed quihus tandem aucta est Ecclesia?

Iulus : Nunc ad rem accedis, itaque dicam. Illa olim famelica et pauper Ecclesia nunc adeo floret omamentis omnibus.

Petrus : Quibus? Ardore fidei?

Iulus : Rursum nugaris.

Petrus : Sacra doctrina?

Iulus : Obtundis.

Petrus : Contemptu mundi?

Iulus : Sine me dicere, veris inquam ornamentis; nam istaec verba sunt.

Petrus : Quibus igitur?

Iulus : Palatiis regalibus, equis et mulis pulcherrimis, famulitio frequentissimo, copiis instructissimis, satellitiis exquisitis,

Genius : Scortis formosissimis, lenonibus obsequentissimis.

Iulus : auro, purpura, vectigalibus, ut nullus regum non humilis ac pauper videatur si cum Romani Pontificis opibus strepituque conferatur, nemo tam anbitiosus, quin se victum agnoscat, nemo tam lautus, quin suam condemnet frugalitem, nemo tam num matus, nec faenerator, quin nostris inuideat opibus. Haec inquam ornamenta et tutatus sum et auxi.

Petrus : Sed dicito mihi, quis omnium primus istis ornamentis et inquinapit et oneravit Ecclesiam, quam Christus purissimam pariter et expeditissimam esse voluit?

Iulus : Quid istud ad rem attinet? Certe quod est caput tenemus, possidemus, fruimur; […]

Érasme, Iulius exclusus e cœlis, pp.119 et 121



Note
1 : Wilfried Stroh dans Le Latin est mort, vive le latin, traduit de l'allemand et du latin par Sylvain Bluntz et publié aux Belles Lettres en 2008 dans la collection «Le miroir des humanistes».

La rose de personne

Psalm

Niemand knetet uns wieder aus Erde und Lehm,
niemand bespricht unsern Staub,
Niemand.

Gelobt seist du, Niemand,
Dir zulieb wollen
wir blühn.
Dir
entgegen.

Ein Nichts
waren wir, sind wir, werden
wir bleiben, blühend :
die Nichts-, die
Niemandsrose.

Mit
dem Griffel seelenhell,
dem Stabufaden himmelswüst,
der Krone rot
vom Purpurwort, das wir sangen
über, o über
dem Dorn.

Paul Celan, in La Rose de personne, bilingue, éditions Corti.

Traduction de Martine Broda
Psaume

Personne ne nous repétrira de terre ou de limon,
personne ne bénira notre poussière.
Personne.

Loué sois-tu, Personne.
Pour l'amour de toi nous voulons
fleurir.
Contre
toi.

Un rien
nous étions, nous sommes, nous
resterons, en fleur ;
la rose de rien, de
personne.

Avec le style clair d'âme,

l'étamine désert-des-cieux,
la couronne rouge
du mot de pourpre que nous chantions
au-dessus, au-dessus de
l'épine.



J'ai trouvé dans un forum quelques remarques sur cette traduction, remarques que je laisse à votre appréciation:

« Celan connaissait l'hébreu, et son "gelobt seist du" ne peut être que "baroukh ata", c'est à dire "béni sois-tu", qui est le début de tant de prières juives. Son "entgegen" évoque le "contre" de la création de la femme "ezer kenegdo". Parce que "entgegen" évoque en même temps proximité et opposition, comme l' "aide contre lui" que donne Hachem Yitbarakh à l'homme en le séparant en ses parties mâle et femelle.
Quant au Niemand et au Nichts à la place de Dieu, il ne s'agit pas d'un blasphème comme on pourrait le croire d'une lecture rapide, mais de la réévocation du nom mystique de Dieu "ein sof" (Il n'y a pas de fin), souvent abrégé en "ein".»

Ainsi ce psaume est véritablement un psaume, une prière adressée à Dieu, ce qui m'amène à poser la question suivante:

Mit dem Griffel seelenhell, dem Stabufaden himmelswüst, der Krone rot vom Purpurwort, das wir sangen…

Ne faut-il pas traduire :
«Avec (…), cela nous le chantions …»; c'est-à-dire que par-delà nos souffrances nous bénissions Dieu (nous continuions de bénir Dieu), au-dessus de l'épine s'élevaient nos bénédictions (sous-entendu: nos louanges étaient offertes, aussi offertes et inexplicables et obstinées que nos souffrances, aussi gratuites que l'épanouissement de la rose au désert (etc.), la couronne et l'épine renvoyant au sacrifice christique (etc. de nouveau));
plutôt que
«Avec (…) la couronne rouge du mot de pourpre que nous chantions…» dont je saisis mal le sens?

Les carnets de Finnegans Wake VI : quelques traductions

J'ai de nombreux billets en retard. Arbitrairement, je place les billets FW le mardi où a eu lieu le cours.

Avertissement : billet sans queue ni tête. Si j'étais raisonnable, je ne l'écrirais pas. En effet, il s'agit de comparer cinq traductions, et je n'en ai aucune à proposer pour permettre de suivre (Si, j'en ai trouvé une sur le net.) Je mets donc ces notes en ligne à titre de souvenir d'une bonne séance, et pour quelques mots de vocabulaire (et puis on ne sait jamais à qui, à quoi, elles peuvent servir, un jour).
Nous sommes arrivés en retard, deux personnes étaient là, traducteurs de Finnegans: Laurent Milesi et Jean-Louis Giovannangeli, invités par Daniel Ferrer.
Enfin, je compte sur Patrick et Tlön pour corriger en commentaires (ce sont déjà eux qui ont retrouvé le nom des invités: non pas "work in progress", mais "work together").

le chapitre III d'Ulysses: Prothée

La recherche de "traces de Finnegans Wake" dans Ulysses n'aura pas lieu cette séance du fait de la présence des invités. Cependant nous passons malgré tout quelques minutes sur des pages manuscrites d' Ulysses.
Daniel Ferrer projette sur écran deux pages de cahier, ce qui fut longtemps le seul brouillon dont on disposait, avant la découverte récente d'un plus ancien. On dispose donc de deux états du manuscrit.
Il s'agit du chapitre III, le seul ("à ma connaissance", précise modestement Ferrer, ce qui me fait sourire) dans Ulysses à présenter un exemple de création artistique. Dans ce chapitre dit "Prothée", Steven s'essaie à la composition d'un poème.

On déchiffre péniblement le manuscrit: «he comes vampire vampire mouth to her mouth's kiss.»[1].
Le précédent brouillon nous apprend que Joyce avait pas mal hésité sur ce "mouth to her mouth's kiss", mais dans cette version du manuscrit l'expression est stabilisée.
Dans la marge on trouve une liste de mots, variations à partir d'à peu près "moongubl" (le problème du clavier, c'est qu'il oblige à choisir. Les lettres manuscrites permettent le flou).
Il s'agit de ce que les critique de Saint-John Perse appellent "des palettes": des essais de mots, comme un peintre essaierait des nuances de couleurs sur sa palette.

La marge comme la plage du texte, le texte étant la mer qui rejette le mot. La liste ressemble un peu à:
moongumb
moonghmb
et ainsi de suite, sur sept ou huit variations. Finalement Joyce choisit "moonbh" (imprononçable).
La bouche mouth, la lune moon, qui gouverne les marées et le flux menstruel féminin.
Le mot-valise disparaîtra de la version finale, que Joyce ait renoncé ou qu'il ait été corrigé par un typographe consciencieux.

Puis: «His lips lipped and mouthed fleshless lips of hair: mouth to her whomb. Oomb, allowing tomb». (version définitive, je n'ai pas copié le manuscrit).
Hélène Cixous faisait remarquer que l'anglais avait cette chance extraordinaire de pouvoir faire rimer whomb (ventre maternel) avec tomb (la tombe).
Un étudiant fait remarquer que les deux renvoie étymologiquement à un gonflement, le ventre enceint et le tumulus.
Pourquoi pas, admet Ferrer, tout en précisant que l'un est d'origine latine (tomb) et l'autre anglo-saxonne (whomb).
Dans la marge on remarque Oomb wombing ou wombmg qui se redéploie: soit deux mots se condensent, soit un mot condensé se redécompose.

Cinq traductions de Finnegans

  • en français

- Philippe Lavergne, qui l'a traduit de bout en bout (Laurent Milesi outré, une auditrice/étudiante le défendant) ;
- Beckett commence une traduction du chapitre "Anna Livia" avec Alfred Peron. Mais elle sera finalement désavouée par Joyce et non publiée.
- Une traduction de ce même chapitre est mise en chantier autour de James Joyce, Paul Léon, Eugène Jolas, Ivan Goll, Adrienne Monnier, Philippe Soupault. Elle paraîtra en 1931. Joyce venait de finir ce chapitre. C'est donc une traduction proche de ses dernières intentions (à la fois un bien et un mal, pas le temps de la décantation) que j'appellerait "traduction Joyce" ou "version Joyce".

  • en italien

- une traduction en italien en 1938, une traduction intéressante qui joue sur les différents niveaux de dialectes italiens. Joyce y a participé. En 1938 il avait plus de recul sur son propre travail.
- une autre traduction, celle de Schenoni, je pense.

Nous avons travaillé sur la première page du chapitre dit "Anna Livia" (p.196), apparemment inchangée entre 1930 et aujourd'hui (donc bien que les traductions aient des dates différentes, elles se rapportent à un même texte).
Une ou deux phrase du texte original sera lue, puis les différentes traductions.
Travailler est beaucoup dire: écouter, commenter, écouter les commentaires, les rires des trois italianisants tandis que nous les regardions avec un peu d'envie de les voir rire sans pouvoir les rejoindre...


Avertissement/conviction de Daniel Ferrer: Le dernier état d'un texte présente toutes les intentions successives de l'auteur.
bémol concernant l' Ulysses traduit par Stuart Gilbert (assistant Auguste Morel). Joyce y a participé et a tiré le texte vers les références homériques.

Traductions françaises ou italiennes: aucune ne respectent la mise en page particulière du début du chapitre, le O très rond centré en milieu de page, comme une source ou un sexe féminin.
première ligne
- Lavergne: « O Tellus» pour "O tell me". A voulu garder l'assonance. Jeu de mot sur Tellus, Telos. S'attire le mépris de Laurent Milesi: «Lavergne traduit les jeu de mots sans référence au contexte». (Ici, allusion à la terre (Tellus) alors que tout le chapitre fait référence à l'eau.)
- traduction"Joyce" : O dis-moi Anna-Livie
La valeur du O : se traduit ou pas? (ie, O ou Oh, ou Ô...)

quelques phrases plus loin: « And don't butt me — hike! — when you bend. Or whatever it was they threed to make out he thried to two in the Fiendish Park.»
"butt" : avec la tête. (''remarques notées au vol, se rapportant sans doute aux écarts de traduction, mais qui valent en elles-mêmes).
- Fiendish traduit par Inphernix (Phenix + inferno ? )
- jeu sur deux ou trois (two, three), qui ne permet pas de comprendre ce qui s'est passé (dans la version originale): insistance sur le trois dans la version "James Joyce". Le texte de Beckett est transparent, s'attarde plutôt au balbutiements: "quelquelques".

Inconvenient des langues occitones, fait remarquer Laurent Milesi: l'accent tonique est toujours sur l'avant-dernière syllabe, tandis qu'en anglais, italien, roumain, l'accent tonique se promène.

Puis quelques lignes plus bas: «I know by heart the places he likes to saale, duddurty devil!»
- «Je sais paroker les endroits qu'il aime à seillir, le mymyserable.» traduction de Joyce. Paroker: mot-valise avec perroquet.
- en italien : "macchiavole" , qui les fait beaucoup rire. Apparemment, un habile compromis entre la tache et machiavélique.

Le plurilinguisme remplace le polyglottisme. (Whattt?? Je n'ai pas posé de question, me disant qu'il y avait peut-être eu des explications au début du cours.)

traduction italienne : important travail sur Dante.

plus bas : «And the dneepers of wet and the gangres of sin in it! What was it he did a tail at all on Animal Sendai? And how long was he under loch and neagh?»

mouldaw : Moldau ; dneepers : Dniepr ; granges : le Gange - Vilaine - Duddur : rivière de Dublin (enfin, Dodder. Il y a sept rivières à Dublin.)

- Animal Sendai = animal sunday : le jour des animaux, le jour des Rameaux. version Joyce: "Fête fauve".
- loch and neagh = lock and key

plus bas : «It was put in the newses what he did, nicies and priers, the King fierceas Humphrey, with illysus distilling, exploits and all. But toms will till.»
- fierceas : fierce as => le roi comte versus
- illysus : on entend Ulysse. le fleuve du Phèdre de Platon. distilling => faux saônage en référence au sel, saulnier. La référence a été transportée de l'impôt sur l'alcool à l'impôt sur le sel.
- toms : time ; le dictionnaire/annuaire descriptif des rues de Dublin ; la tour de Cambridge au pied de la Tamise (Thames) habitée par Carroll (les cloches).

plus bas : «Temp untamed will hist for no man.»
Proverbe : Time and tide wait for no man.

plus bas : «As you spring so shall you neap.»
- neap: état de la marée, mer étale. => «Tu sèmes l'Avon et récoltes l'eaurage.»

plus bas : «Minxing marrage and making loof.»
- minx: coquine
- marrage : marée, plantage
- making loof => making love => louvoyer
=> Maréage mixte et amour thémise.

plus bas : «Reeve Gootch was right and Reeve Drughad was sinistrous!»
- reeve: dignitaire médiéval. => Sbire gauche... et sbire droit était senestre.
Drughada : ville d'Irlande (??? Rien trouvé sur Google en relisant ces notes.)

plus bas : «And the cut of him! And the strut of him!»
Et son chic! Et son tic!


Notes

[1] «He comes, pale vampire, through storm his eyes, his bat sails bloodying the sea, mouth to her mouth's kiss.» p.60 Penguin Books, p.45 édition Bodley Head

Les carnets de Finnegans Wake IV

Ceci est le quatrième cours du séminaire. J'ai été absente pour le troisième.

C'est un vrai plaisir de suivre Daniel Ferrer. Sa passion pour le sujet lui permet de ne pas faire cours, mais de raconter, de proposer, d'hésiter, de bafouiller. Il nous raconte Finnegans Wake, sa vie autour de Finnegans Wake, il donne l'impression que tout un réseau de limiers est lancé dans l'enquête et partage (ou pas, je suppose) les mystères élucidés. Daniel Ferrer insiste beaucoup, souvent, à sa manière hésitante, sur le fait que l'interprétation est ouverte, qu'il n'existe pas une bonne réponse, mais qu'au contraire c'est la multiplicité qui est la vérité de ce texte. Rien n'est bête, tout le monde a sa place, son mot à dire. La pièce est petite, un abri anti-atomique au second sous-sol (attendre la fin de l'hiver nucléaire en étudiant Finnegans Wake), nous sommes une poignée, deux poignées, de tous âges, toutes nationalités (J'ai cru comprendre que Ferrer espère le plus grand nombre de nationalités possibles, et un Irlandais natif). Certains sont des habitués, paraissent travailler sur Joyce depuis des années.



Quelques indications géographiques à partir d'un schéma

Le vidéoprojecteur affiche une lettre de James Joyce à Mrs Weaver dans laquelle il donne quelques clés de FW. L'intérêt de cette lettre est de fournir un schéma avec des indications géographiques, schéma que je ne peux représenter ici (d'où mon envie d'écrire ce billet), agrémenté de légendes manuscrites mal déchiffrables/mal déchiffrées (et donc tout ce que je vais écrire avec les lettres sans hésitation de ce clavier sera un quasi-mensonge).

La lettre A se trouve en haut du schéma, la lettre Z en bas, un peu en biais vers la droite. Entre les deux, une ligne en pointillé.
- Au niveau de A on déchiffre: "Hills of Howth" => la prononciation irlandaise donne à peu près "Haoueth". Joyce a donné une étymologie: "Dan Hoved" => la tête du géant dans le paysage.
- Au niveau de Z, "Magazine Hill", la colline qui surplombe Dublin (les pieds du géant?), et juste avant "Phoenix Park", le parc qui est un peu l'équivalent de notre bois de Boulogne, dans lequel HCE vit des aventures imprécises (difficiles à cerner).
- Sur la ligne en pointillé, entre les deux extrémités, "old plains of Dublin".
- On déchiffre plus ou moins sur le bord du schéma "A...Z your postcard" => il s'agit sans doute (conjecture) d'une réponse à une carte postale de Mrs Weaver demandant des explications.

Au-dessus de dessin, des mots "Mare xxxx xxxx nostrum". Le second peut-être sestrum (les sœurs?)

les deux frères,
Shem : l'écrivain
Shaun : le postier          =>l'un écrit, l'autre transporte (la lettre d'Anna Livia Plurabelle, la mère)

2 collines : la tête et les pieds de Finn Mac Coll allongé dans le paysage.

A droite de cette ligne en pointillé, une ligne continue, partant quasiment de A, d'abord en plongeant vers le sud puis en s'incurvant et prenant la direction de l'est un long moment avant de descendre vers le sud. La ligne continue alors à peu près parallèle à la ligne pointillée s'arrête au niveau de Z. Le long de cette ligne deux mots, le premier indéchiffrable, le second "Liffey", peut-être, la rivière qui traverse Dublin.
Cette ligne continue pourrait aussi bien être une côte qu'une rivière.

les allusions sexuelles : partout
a long / along => séparation/fusion

Le premier brouillon

J'indique les mots sur lesquels nous nous sommes arrêtés, et parmi ceux là, ceux pour lesquels j'ai pris des notes => il faut imaginer que la page projetée sur l'écran est entièrement écrite et que nous ne nous sommes intéressés qu'à quelques mots, représentatifs ou ayant subi des transformation avant d'arriver à la version définitive.

- "on a merry isthmus" => évoque christmas (il faut imaginer le mot écrit à la main).
- "to wielderfight his peninsulae war" => On a vu l'origine allemande de "wielderfight" [1]. Il s'agit des guerres péninsulaires. L'ombre de Wellington et de Napoléon (surtout Napoléon) sur le livre. Deviendra "penisolate", à la fois "penis" et "isolate".
- "Not pass-encore" => not a été barré, "pass" ajouté au dessus de la ligne, avec un trait, une ligature, le reliant à encore. soit "passage", "en corps"...
- "re-arrived" : (arrived sur la ligne, "re" au-dessus, en surcharge, et lié par untrait): cyclique
- "by the Oconee exaggerated" : la rivière de Dublin. thème qui devient fondamental.
- "Sham rocks" : shame (honte en anglais). Une étudiante fait remarquer que "Sham" est un mot relevé en allemand signifiant "vagin". "rocks", c'est aussi les couilles (plus tard, un auditeur rappellera l'interjection de Molly arrêtant une explication de son mari par "rocks!"). Shamrocks, c'est aussi l'emblème de l'Irlande, le trèfle, dont il est dit que Saint Patrick se servit pour expliquer la Trinité.
- "themselvesse to Laurens" => "eux-mêmes" se renverse en "autres" (else) altérité. Reprend cette vieille idée de Freud qui l'arrangeait bien que dans les langues archaïques tout mot signifiait également son contraire. (Mais on sait aujourd'hui que c'est faux).
- un peu dans la marge "from afire" : le feu de loin (a far)
- answered corrigé en "bellowed" surchargé en "bellows" => beugler, mais aussi le soufflet qui attise la flamme
- "mishe chiche" : "je suis", explication de Joyce à Mrs Weaver => peut-on y croire?
- "tufftuff" : deviendra "tauftauf" - "Patrick" => a devient e : Petrick. "peat", c'est la tourbe, brûle avec beaucoup de fumée. (Ferrer nous raconte une histoire: un Irlandais sur un champ de bataille a dans sa ligne de mire un général et s'apprête à le tuer. mais le général se met à déféquer, et l'Irlandais hésite, il ne peut tuer le général durant un geste aussi humain sans compter qu'il serait humiliant d'être trouvé mort ainsi. Mais le général se saisit d'une motte de tourbe pour s'essuyer et alors l'Irlandais offensé dans son âme irlandaise le tue sans hésiter).
- "all’s fair in vanessy", "twinsosie sesthers" : les deux amours de Swift s'appeler Esther. L'une fut surnommé Vanessa. Elle s'appelait Ester Vanhomrigh, Swift a procédé à une inversion et à un collage.
- "all’s fair in vanessy": rappelle "Vanity Fair" (la foire aux vanités) et "all is fair in war and love"
- "the story tale of the fail is retailed early in bed" => "retailde": vendre au détail, vendre sa salade.

apparté: on a retrouvé des contes écrits par Nora sous la dictée de Joyce, car Joyce était aveuglé par une opération. Cela a une influence sur l'orthographe, et donc le sens, de certains mots.

Deuxième brouillon

Commence par le signe E sur le dos (je ne peux pas le représenter avec ce clavier). C'est le signe de HCE sur le dos, les pattes en l'air. -"violers d'amor" : amour, violence, musique
- "over the short sea" => on entend "short C", un do majeur, une note brève
- "noravoice" = le nom de sa femme, Nora. hésitaiton sur la coupure. nor avoice, nora voice
- "the fall (...)" => introduit ici pour la première fois le mot de cent lettres, le tonnerre dans toutes les langues.
- of a once wallstreet oldparr" => la crise de 29? Mais écrit avant la crise!! "old par": on entend "vieux père", mais aussi "saumon", le poisson du renouveau. cyclique.

Deuxième page : décrire toutes les batailles

- "oyshygods gaggin fishigods" : ostrogoths et wisigoths. contre (gegen en allemand) ou étrangler (gagging)

Et là je me perds, quand je confronte mes notes au texte, rien n'est dans l'ordre: mes notes remontent au début du texte.
- "river" lié à "run", rajouté en ligature
- "topsawyers" => Tom Sawyer, Huckleberry Finn
- "gorgios": argot gitan. ceux qui ne sont pas des gitans. mais aussi Georgio le fils de Joyce. mais aussi le défilé (straight, narrow =>isthmus)
- Jonathan (Swift) =>"nathandjoe", nath and joe : a fait subir au prénom de Swift quelque chose d'analogue à la déformation d'Esther Vanhomrigh en Vanessa.

On reprend le début de la version définitive

- riverrun : une référence à un poème de Coleridge, Kubla Khan (1798)

In Xanadu did Kubla Khan
A stately pleasure-dome decree:
Where Alph, the sacred river, ran    => Alph = Anna Livia Plurabelle
Through caverns measureless to man
Down to a sunless sea.

- "past Eve and Adam's" : une église de Dublin.
Si l'on découpe past Eve and Adam's , on obtient "Steven", le prénom du petit-fils de Joyce, né peut après la mort du père de Joyce qui s'appelait aussi Steven (d'où cycle, renaissance, etc.)

- "Rot a peck of pa’s malt had Shem" => O Willie brew'd a peck o' maut , poème de Robert Burns en 1789. Chanson à boire (comme Finnegan's Wake. Sens des vers de la fin: "le premier qui nous quitte est une poule mouillée et un cocu, le premier qui tombe de sa chaise est roi". cf. Finnegans bourré qui tombe raide mort de son échelle et se réveille à l'odeur du whisky.).
Daniel Ferrer nous a projeté une version chantée en nous en conseillant une autre (mais pas de liaison wifi dans l'abri anti-atomique). Tlön l'a retrouvée.

- Humpty Dumpty : Il invente sa propre langue. cf le chapitre VI de Through the looking glass:

I don't know what you mean by "glory",' Alice said.
Humpty Dumpty smiled contemptuously. `Of course you don't — till I tell you. I meant "there's a nice knock-down argument for you!"'
`But "glory" doesn't mean "a nice knock-down argument",' Alice objected.
`When I use a word,' Humpty Dumpty said, in rather a scornful tone, `it means just what I choose it to mean — neither more nor less.'
`The question is,' said Alice, `whether you can make words mean so many different things.'
`The question is,' said Humpty Dumpty, `which is to be master — that's all.'
Alice was too much puzzled to say anything; so after a minute Humpty Dumpty began again. `They've a temper, some of them — particularly verbs: they're the proudest — adjectives you can do anything with, but not verbs — however, I can manage the whole lot of them! Impenetrability! That's what I say!'

=> On peut faire ce qu'on veut avec les adjectifs, les verbes résistent.

Schématiquement, le langage se déploie selon deux axes.
- syntagmatique / contiguïté
- paradigmatique / virtualité
exemple de paradigme : sujet / verbe / attribut du sujet Le sujet (et toutes les autres fonctions) peut prendre différentes valeurs: une femme, une rose, etc.

Selon Jakobson, la fonction poétique du langage consiste à projeter le paradigme sur le syntagme afin d'attirer l'attention sur le fonctionnement même du langage.

D'autres exploreront d'autres voies: par exemple Gertrudre Stein fera bégayer le paradigme ("A rose is a rose is a rose.")

Joyce
- projette le paradigme sur le syntagme, de façon démesurée (ex: le tonnerre en 100 lettres)
- ne choisit pas. mots-valises (à la Lewis Carroll). exemple: sister+ Esther = sesther

Quelques tentatives déjà présentes dans Ulysses.

Notes

[1] la semaine dernière

22 et 23 janvier 2009 : colloque Poe à Nice

Ce colloque était organisé dans les locaux de l'université de Nice, durant la période scolaire. Une fois de plus j'ai eu la surprise de constater que le grand absent de ces colloques, c'est le public: nul élève dans la salle, tout se passe comme si la recherche en littérature, les études en littérature, fonctionnaient en circuit fermé: par les professeurs et pour les professeurs. Une fois de plus j'ai eu bien du mal à définir mon statut. A quel titre étais-je là? J'ai tenté une réponse déjà utilisée, "lectrice", mais cela prêta à confusion, mes interlocuteurs comprenant que je travaillais en université. «Non, non, simple lectrice, amateur, quoi.»

D'un point de vue matériel, nous avons été fort bien reçu par Nicole Biagioli, l'organisatrice du colloque.
Comme souvent, les conversations au café et aux repas ont été passionnantes, couvrant les champs du possible, de la neige à Marseille (le premier jour j'ai déjeuné en face de Katleen A. Riley, consul des Etats-Unis en France et résidant à Marseille (elle nous a fait une émouvante description de sa prise de poste en 2003, parcourant des milliers de kilomètres en deux mois pour assister aux cérémonies fêtant le débarquement allié sur la Côte-d'Azur)) à nos auteurs préférés en passant bien entendu par le roquefort.

Je commence à distinguer des "genres" dans les communications: il y a ceux qui en tiennent pour l'exposé académique, avec introduction, annonce de plan, développement, conclusion, contre ceux qui vous emmènent en promenade, ceux qui s'attachent au texte (close-reading), contre ceux qui généralisent, dressent des panoramas et opèrent des rapprochements. Aucune méthode n'est un gage de réussite (ou d'échec), tout dépend à la fois du contenu présenté et de la performance orale du professeur.


Le thème précis du colloque était «L’influence de Poe sur les théories et les pratiques des genres dans le domaine français du XIXe au XXI e siècle», et d'un certain point de vue, j'ai été plutôt déçue: je m'attendais à une exploration inattendue de l'influence de Poe chez les auteurs français (j'avais un peu réfléchi au sujet sans vraiment trouver d'exemples ailleurs que dans la BD), beaucoup d'interventions ont porté avant tout sur les traductions de Baudelaire et de Mallarmé.
Trois communications ont réellement traité le sujet: l'une sur Vercors (le dessinateur-graveur Jean Bruller devenu l'auteur du Silence de la mer), l'autre sur Alphonse Allais, la dernière sur le théâtre grand-guignol (début en 1898).

Cela ne m'a pas empêché d'accumuler les remarques que je serais désormais incapable de réattribuer à leurs auteurs dans la mesure où j'ai griffonné dans les marges du programme et que mes marginalia chevauchent plusieurs résumés d'interventions: je ne sais plus quoi attribuer à qui.


Je les livre donc, en l'état, plus ou moins (dés)organisées et décousues. Comme souvent, j'ai pris davantage de notes au début qu'à la fin. (Prendre des notes des notes est paradoxal; d'une certaine façon, c'est comme prendre des photos: pendant qu'on photographie on ne regarde pas, pendant qu'on prend des notes on n'écoute pas. On voit quand on regarde les photographies, on découvre quand on relit ses notes.) Souvent je prend des notes au début, le temps de trouver un équilibre, puis j'abandonne et j'écoute, sachant qu'il y aura des actes de colloque (de la même façon que les cartes postales valent toujours mieux que mes photos).

- J'ai découvert lors de la première intervention (celle de Stephen Rachman) qu'il existait une controverse Jacques Derrida/Jacques Lacan à propos de La Lettre volée. Rachman s'appuie sur l'article de Barbara Johnson analysant cette controverse. Visiblement, cette controverse a contribué à relancer l'étude de Poe aux Etats-Unis. Finalement, les Américains éprouveraient sans doute un intérêt à étudier les traductions de Baudelaire comme une œuvre à part entière, avant de revenir à Poe dans un mouvement circulaire.

- Henri Justin, qui prépare une nouvelle traduction de Poe, a étudié la façon dont Baudelaire a systématiquement "personnalisé" sa traduction de Poe. Poe a écrit des fictions closes sur leur propre espace, pratiquant "la mort de l'auteur" avant l'heure. Baudelaire a réintroduit de la transitivité dans de nombreux cas (le "tu" et le "il"). Tandis que Poe externalise le sujet humain et s'attache aux abstractions, Baudelaire réintroduit un élément personnel et concret dans ses traductions.
Les exemples donnés étaient très convaincants. J'en donne deux: Message found in a bottle. Poe: «I awaited fearlessly the ruin that was to overwhelm.»; Baudelaire: «j'attendis sans trembler la catastrophe qui devait nous écraser.». Ligeia. Poe: «Of her family — I have surely heard her to speak»; Baudelaire: «Quant à sa famille, — très certainement elle m'en a parlé».
Ainsi, les traductions de Baudelaire sont plus accessibles que les contes originaux de Poe. (Baudelaire était-il conscient de cet infléchissement donné aux contes de Poe? Le faisait-il pour des raisons commerciales, ces traductions étant aussi un gagne-pain? Les intervenants du colloque n'étaient pas d'accord entre eux sur ce point.)
La conclusion de cette étude minutieuse portait sur le statut de la traduction de Baudelaire dans la littérature française: soit on considère que c'est une œuvre à part entière en la détachant de Poe, soit on considère que ce n'est qu'une traduction et dans ce cas elle doit être soumise à révision comme toute traduction.

- J'ai découvert avec surprise des jeux translinguistiques sur les lettres: Raven/Never est un presque palindrome, Mon cœur mis à nu vient de «My heart led bare», soit une sorte de palindrome phonétique de Baudelaire, Bedloe (Les souvenirs d'Auguste Bedloe) est un jeu sur doble, double, mais que Baudelaire lira aussi comme Baudelaire + Poe, etc.

- Baudelaire va s'attacher à faire connaître Poe en France. Lui-même connaîtra Poe à travers la nécrologie vengeresse du critique Griswold. Poe ne supportait pas l'alcool, Griswold en a fait un alcoolique, il est fort possible que Baudelaire ait cru Griswold qui voulait que l'alcoolisme de Poe soit une méthode pour stimuler l'imagination.
Baudelaire ressent Poe comme un frère, par son œuvre et par sa vie.

- Baudelaire n'a pas traduit tous les contes: pourquoi? Comment s'est fait son choix? (réapparition des arguements "commerciaux").

- Il existe à ce jour dix-sept traductions de The Raven, dont dix en vers.

- Poe: engendra Baudelaire qui engendra Mallarmé qui engendra Valéry...
Mallarmé, dans sa correspondance: «Si je fais quelque chose qui vaille, je le lui devrai.»

- Le docteur Blanche invita Mirande dans sa maison de Passy, à un dîner avec six personnes, dont un fou. Mirande devait trouver le fou parmi les invités. Il désigna Balzac.[1]

- Rapport de Poe avec la science de son temps, l'électrécité, le magnétisme, le mesmérisme.

Au total, nous eûmes beaucoup plus de communications sur l'œuvre de Poe que sur l'influence de Poe.


Une magnifique surprise du colloque fut une version au piano d'un opéra de Bruno Coli sur le texte (fidèle, lu mot-à-mot) de The tell-tale heart. Le chanteur était Marcello Lippi.


Notes

[1] Merci à sejan d'avoir retrouvé la source de l'anecdote.

Les traductions et le malentendu créateur

On a déjà assez de mal à suivre, s'il faut en plus s'accomoder des distractions du traducteur, et des défauts de relecture de l'éditeur!
Renaud Camus, Rannoch Moor, p.618

Fort bien, mais ce sont là des mots et des concepts, être, étant, essence, réalité, vérité de l'être en tant qu'il est, étantité, et j'en passe, sur lesquels ont été écrites des bibliothèques entières — je lisais récemment, à Paris, le dense petit livre de Barbara Cassin sur le poème de Parménide, Sur la nature ou sur l'étant, dont les trois quarts sont consacrés à des problèmes de traduction, justement […]
Ibid. p.644

La discipline philologique est pénible, mais elle donne souvent un certain plaisir, quand on s'aperçoit, par exemple, que le texte qui est reçu par tout le monde est évidemment erroné et que, grâce à l'examen des manuscrits ou du contexte ou de la grammaire, on retrouve la bonne leçon, ce qui m'est arrivé quelquefois avec Marc Aurèle, et aussi avec Ambroise. C'est une discipline utile au philosophe, elle lui apprend l'humilité: les textes sont très souvent problématiques et il faut être très prudent quand on prétend les interpréter. C'est aussi une discipline qui peut être dangeureuse pour lui, dans la mesure où elle risque de se suffire à elle-même, et de retarder l'effort de la véritable réflexion philosophique.
Pierre Hadot, La Philosophie comme manière de vivre, p.60

«La Nature aime à se cacher (phusis kruptesthai philei)» […] On peut ainsi voir toute une suite de sens nouveaux se dégager de trois mots énigmatiques, dont nous ne sommes même pas assurés de connaître le sens voulu par l'auteur. Il est possible en tout cas de parler de contresens créateurs, créateurs de sens nouveaux, puisque ces sens impliquent des concepts dont Héraclite ne pouvait même pas avoir l'idée. Cela ne veut pas dire que ces contresens soient créateurs de vérité.
Ce qui m'avait impressionné en 1968, c'est cette accumulation d'incompréhensions, d'interprétations fausses, de fantaisies allégoriques, qui s'étaient succédé tout au cours de l'histoire, au moins de la philosophie antique, par exemple l'histoire de la notion d'ousia, c'est-à-dire d'essence ou de substance, depuis Aristote jusqu'aux querelles théologiques des Pères de l'Eglise et des scolastiques. Quelle tour de Babel! Il est troublant de penser que la raison opère avec des méthodes tellement irrationnelle et que le discours philosophique (et le discours théologique aussi) aient pu évoluer au hasard des fantaisies exégétiques et des contresens.
Ibid., p.121
C'est fascinant, en effet. Finalement, il est probable que nous ne saurons jamais ce qu'ont réellement écrit les auteurs antiques, ce qu'ils voulaient véritablement nous transmettre. Et pourtant on continue à les lire, à les commenter. Quelle étrange obstination.

Le Quinconce, de Charles Palliser

Le Quinconce est un roman à la manière de Dickens que l'on pourrait qualifier de policier puisque son ressort principal est une énigme.
La solution de l'énigme n'est pas donnée. Les derniers mots du livre, "my grandfather's sword", constituent un indice décisif qui oblige le lecteur consciencieux à rouvrir le livre au début pour relire les mille pages qu'il vient de terminer (cinq tomes dans la traduction française) pour tenter de reconstituer un arbre généalogique qui ait un sens.

Les traducteurs suédois (il me semble que c'étaient les Suédois) se sont heurtés à un obstacle de taille : il n'existe pas de mot générique pour désigner un grand-père, il s'agit toujours du grand-père paternel ou maternel. Or cette précision est décisive au moment d'élaborer une solution à l'énigme. (L'auteur, Charles Palliser, raconte qu'à sa grande stupéfaction il a rencontré lors d'une séance de signatures deux lecteurs ayant chacun une hypothèse cohérente et tout à fait plausible sur ce qui c'était "réellement" (si je puis dire) passé dans le livre qu'il avait écrit. L'auteur ignorait qu'il avait écrit deux solutions).

Je ne sais pas comment les traducteurs se sont tirés de ce mauvais pas.
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