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Billets qui ont 'duel' comme mot-clé.

mercredi 17 décembre 2014

Les duels de la fraternité

A propos de la fraternité Igel, rejointe par Bonhoeffer à l'université :
Le mot allemand Igel signifie «hérisson». Les membres portaient des chapeaux faits de peaux de hérisson. Ils choisirent pertinemment du fris clair, moyen et foncé pour leurs couleurs officielles, faisant ainsi un «pied-de-nez monochromatique» aux autres fraternités, qui toutes affectionnaient les chapeaux aux couleurs vives et les horribles cicatrices de duels. C'était, en effet, une grande distinction dans la société allemande du XIXe et du début du XXe d'avoir eu, dans sa famille, un homme au visage défiguré par un duel de la fraternité.1.

Eric Metaxas, Bonhoeffer : pasteur, martyr, prophète, espion, p.63, éd. Première Partie, Paris 2014




1 : Une cicatrice gagnée de cette façon était appelée une Schmiss, ou Renommierschmiss (littéralement une cicatrice qui se vante). Les duels de cette sorte étaient davantage des combats baroques, orchestrés pour se «piquer» avec des épées. Les participants se tenaient toujours à portée d'épée. Le corps et les bras étaient bien protégés, mais comme le but de cette comédie était d'obtenir une cicatrice prouvant une certaine bravoure, les visages ne l'étaient pas. Un visage affreusement creusé ou un nez coupé en deux seraient donc le témoignage d'une grande bravoure et ce, durant toute la vie du blessé. Il prouverait ainsi son droit à se tenir dans le noble cercle des élites allemandes. Ces horribles cicatrices étaient si convoitées que les étudiants du premier cycle qui n'arrivaient pas à les obtenir dans les duels recouraient à d'autres méthodes moins recommandables.

vendredi 22 juin 2012

L'ABC du gothique d'Emmanuel Régniez

Il ne s'agit ni des églises ni des post-punks maquillés et percés. Il s'agit du roman gothique.

Il pourrait s'agir d'une anthologie, d'une micro-anthologie (p.151) avec citations pirates et index fantasque, mais aussi de souvenirs d'enfance, d'invitations amoureuses et sensuelles, et plus mystérieusement d'hommage à un ami suicidé.
L'abécédaire présenté ici est la mise en forme de fiches parvenus à l'auteur après le suicide d'un ami très cher. (Vrai ou faux? Journal ou fiction? Que croire? )
Il parcourt les clichés du gothique, ses recettes, ses auteurs, son histoire. Il raconte l'ami, il raconte l'amour et il raconte l'enfance. Et il parle de la mort.

Tout est toujours un peu faux, un peu décalé. Par exemple, vous pouvez croire l'index, ce qu'il dit est vrai. Mais il est percé, il va tout de travers, il ne dit qu'une partie de la vérité (manquent par exemple Raymond Roussel p.12, La Fontaine p.123, Brecht est cité p.40 mais L'Opéra de quat' sous n'apparaît pas dans les œuvres citées, (R.R., B.B., on attend H.H., c'est inéluctable, et Nabokov apparaît comme prévu quelques pages plus loin) etc, etc), à vous de mettre des pages en face les noms et les titres repris dans l'index.

À l'image du — du livre ou du roman gothique? —, tout est bancal, irrémédiablement:
175 - Peut-être parviendrai-je à persuader mon lecteur que rien n'est plus fantastique et plus fou que la vie réelle, et que le poète se borne à en recueillir un reflet confus comme un miroir mal poli.

176 - De la représentation hors du temps d'une identité immortelle à la représentation d'un passé perdu.

177 - Miroir et boiterie: une même dissymétrie malheureuse.

Emmanuel Régnier, L'ABC du gothique, p.116, édition du Quartanier
Le grand charme de ce livre, c'est son intense poésie construite à partir du cliché, son humour aussi, et son goût de la liste et son goût des échos. Cut-up, collages, mais aussi rêveries.
Alors je reprends: «Il y a terriblement d'années», c'est le début. Et ensuite tout est de la même mouture, comme un duel auquel on se rend, parapluie à la main, car on veut bien être tué, oui, d'accord, mais pas mouillé, ça non, on n'est pas d'accord. Qu'une balle fracasse les os, oui, mais que la pluie les glace, non. Pas question d'être mouillé jusqu'aux os, pas question que les os blanchissent recouverts du duvet de la pluie, pas question d'être frigorifié par la pluie. Claquer des dents, certes, mais de peur, peut-être, de peur que la balle ne pénètre dans la boîte crânienne, certainement pas claquer des dents parce que les pieds sont mouillés, les pieds sont faits pour danser, en boots roses, en rangers noirs, en sandales ou Converse de couleur (musique d'Iggy Pop, The Passenger) —, mais pas pour être mouillés, pas un jour de duel, pas un jour où la tragédie va s'écrire; on accepte de tuer ou d'être tué pour une partie de cartes où l'adversaire, ou nous-mêmes, avons triché, car c'est grâce à des gaillards comme nous que s'écrivent les tragédies, les légendes, les histoires fabuleuses, les fabula et les fantaisies. Mais les gaillards ne sont pas mouillés de la tête aux pieds, le jour de leur mort. Ils sont secs, de haut en bas. (p.96)
Il ne s'agit pas que d'anthologie ou de citations ou de souvenirs ou de rêves et fantasmes. C'est aussi, au fur à mesure qu'on se rapproche des dernières pages, quelques réflexions en passant, sans y appuyer, sur la littérature.
L'un des buts du roman gothique, et ensuite de toute la littérature, est d'abandonner au lecteur le secret à partir duquel il pourra explorer son imaginaire propre. L'art de la fiction est de préserver ce secret dans la forme, et c'est dans l'écriture, comme le regard dans un verre dépoli, que le lecteur peut aller au plus loin de soi. (p.156)
Le texte ouvre la porte aux fantômes, aux zombies, aux morts-vivants, il ne nous encourage pas à les suivre, mais à ne pas craindre de vivre avec eux.
La frontière n'est-elle pas tremblante?

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