Véhesse

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Billets qui ont 'nouvelle' comme mot-clé ou genre.

vendredi 3 avril 2020

A perdre le souffle

Je me souviens de cette nouvelle de Poe.

L'homme sans souffle ou Loss of Breath.

samedi 19 octobre 2019

Les émigrants

J'avais découvert le nom de Sebald avec Compagnon, sans prendre jusqu'ici le temps de le lire.

Je viens de terminer Les émigrants. Quatre nouvelles, dit Compagnon. Difficile de savoir s'il s'agit de nouvelles ou de «docu-fictions». Difficile de ne pas avoir l'impression qu'il s'agit de "vrais" récits, même s'ils paraissent trop précis pour qu'il soit possible que l'auteur ait recueilli à quatre reprises auprès de quatre personnes différentes autant d'informations reprenant les mêmes motifs.

Il s'agit de la reconstitution de la vie de personnes âgées ou mortes en remontant à leur enfance, reconstitution qui parsème dans le même mouvement des éléments de la biographie de l'auteur (où était-il, à quelle date, pour y faire quoi, avec qui). De nouvelle en nouvelle l'intrigue temporelle se tisse plus serrée et dans la dernière nous avons à la fois l'histoire du fils et de la mère — mère qui est aussi la seule dans le livre à mourir du nazisme, les quatre personnages principaux des récits ayant, comme de juste, immigré — ou ayant été sur un autre sol au bon moment, sans que cela ait été précisément prémédité.

Comment ne pas penser à Modiano, en particulier dans la façon de distribuer et disséminer les dates et repères dans le texte. L'écriture est cependant plus dense, fourmillante de détails, que les décors vides et désertés de Modiano.

Je ne vais souligner que deux motifs : les rêves et les évocations de Nabokov.

1/ Les rêves jouent un rôle important. Entre le rêve et la réalité il n'y a qu'une frontière brouillée par le temps, et la première victoire est de savoir distinguer entre les deux. C'est en regardant un film qu'un souvenir revient à Sebald, et la scène du film est celle où
«Caspar [Hauser] […] distingue pour la première fois onirisme et réalité en introduisant le récit qu'il fait par ces mots: Oui, j'ai rêvé.»
W.G. Sebald, Les émigrants, Actes Sud, 1999, p.28
Dans la deuxième nouvelle, un personnage retrouve le souvenir pendant que ses yeux sont bandés, comme si être aveugle permettait une plongée en soi-même. Ce premier phénomène se double d'un autre: le souvenir est dit aussi clair qu'un rêve précis. A y réfléchir, cela jette un doute sur la valeur d'un souvenir dont l'exactitude relève de celle d'un rêve.
Ce merveilleux Grand Bazar, raconta Mme Landau, Paul le lui avait décrit en détail, un jour de l'été 1975 où, à la suite d'une opération de la cataracte, il était alité les yeux bandés dans une chambre d'hôpital de Berne, et voyait, comme il l'avait dit lui-même, aussi claires que dans le rêve le plus précis, des choses dont il n'aurait pas cru qu'elles fussent encore présentes en lui. (p.66)
Dans la troisième nouvelle, le rêve joue le rôle du témoin, nièce, fils ou amie, qui raconte une époque. Ce rêve s'étend sur plusieurs pages, et l'on peut dire que c'est un rêve très «précis», qui fourmille de détails (de bien trop de détails pour être un rêve).
Plus tard, dans ma chambre d'hôtel, j'entendais dans la nuit le bruissement de la mer et un rêve vint me visiter. (p.146) […] Comme toujours ou presque dans les rêves, les morts ne parlaient pas et semblaient un peu contrits et abattus. (p.147) […] Par ailleurs, quand il m'en souviens maintenant, mes rêves de Deauville étaient remplis de murmures permanents, qui avaient pour origine les bruits circulant sur Cosmos et Ambros.(p.149) […] De fait, e seul être qui me parût aussi impénétrable que lui était cette comtesse autrichienne, femme au passé obscur, qui tenait sa cour dans les recoins secrets de mon imagination onirique deauvillaise.(p.151)
La particularité de ce rêve, c'est que sa fin n'est pas nette, il n'y a pas de réveil, mais un glissement entre rêve et réalité.
La première fois que j'avais remarqué la princesse Dembowski, c'était lorsque dehors, sur la terrasse devant le casino, elle avait fait ce qu'aucune autre femme hormis elle n'eût osé faire: enlever son chapeau d'été blanc et le poser à côté d'elle sur la balustrade. Et la dernière fois, c'était le jour où, sorti de mon rêve deauvillais, je m'étais approché de la fenêtre de ma chambre d'hôtel. L'aube pointait. Incolore, la plage se confondait encore avec la mer et la mer avec le ciel. Et c'est alors qu'elle était apparue, dans la lueur blême qui se répandait peu à peu, sur la promenade des Planches déserte à cette heure. Attifée avec le plus mauvais goût qui soit, maquillée à outrance, elle passait tenant au bout d'une laisse un lapin blanc angora. Elle était escortée d'un clubman en livrée vert acide qui, dès que le lapin refusait d'avancer, se penchait pour lui donner un peu du chou-fleur géant qu'il renait serré dans le creux de son bras gauche.(p.151-152)
Or le contenu du rêve renvoie à l'été 1913 (p.148) tandis que Sebald se rend à Deauville en septembre 1991 (p.140). S'agit de la même personne en très vieille dame, ou d'un rêve éveillé, comme le suggère la bizarrerie du lapin et du chou? (Inutile de vouloir trouver des recoupements sur Google, le nom de la comtesse est faux, nous a-t-on prévenu.)

La nouvelle se poursuit en nous rapportant le contenu d'un journal tenu par le personnage principal en 1913. Lui aussi rêve: «Nombreux rêves peuplés de voix étrangères qui parlent et s'interpellent.» (p.164); «4 décembre: cette nuit, en rêve, travervé avec Cosmo l'étendue vide et scintillante du fossé du Jourain. Un guide aveugle nous précède.»(p.170)
J'ai étendu la citation jusqu'au guide aveugle: là encore, être aveugle permet d'accéder à d'autres voies de connaissance — mais en rêve. Par ailleurs, la traversée du Jourdain en compagnie d'un aveugle ne peut qu'évoquer Charon.

Un rêve très précis de reconstitution historique apparaît également dans la dernière nouvelle. Le personnage raconte une période hallucinatoire qu'il a eu dans les années 60:
Et un autre jour, dit Ferber pour parachever son récit, il s'était vu en rêve, il ne savait plus si c'était de jour ou de nuit, inaugurer en 1887, aux côtés de la reine Victoria, le palais des Expositions érigé pour la circonstance à Trafford Park. (p.208)
L'utilisation habilement enchevêtrée des rêves, des récits de souvenirs d'un personnage, des carnets ou lettres retrouvés et des indications de l'auteur lui-même en train de voyager pour mettre ses pas dans les pas de ses personnages permet une grande fluidité de la narration, un feuilleté temporel insensible. Le lecteur passe d'un lieu à l'autre ou d'une époque à l'autre en s'en apercevant à peine. Ce n'est pas du temps retrouvé; plutôt une immersion dans du temps disparu.


2/ Nabokov apparaît comme un motif réccurrent. S'agit-il d'un hommage à l'écrivain; ou Nabokov est-il considéré ici comme l'émigrant modèle, l'archétype de l'immigrant? Il revient dans chaque nouvelle, d'abord nommément, puis simplement comme une silhouette à filet à papillons.

Voici les occurrences:
Dans la première nouvelle, Nabokov est évoqué lors d'une séance de diapositives où le personnage principal partage ses souvenirs (et pour les lecteur, l'évocation même de ces séances diapositives des 70, alors considérées comme modernes, comme plus tard dans le livre le sera la théière électrique de Manchester, teinte les pages de démodé. Ce n'est pas la nostalgie, mais le passé de mode, l'enfui sans regret.)
A plusieurs reprises nous vîmes aussi Edward armé de jumelles de campagne et d'une boîte à herboriser, ou bien le Dr Selwyn en bermuda, avec une sacoche en bandoulière et un filet à papillons. L'un de ces clichés rappelait jusque dans les détails une photo de Nabokov prise dans les montagnes dominant Gstaad, que j'avais découpée quelques jours auparavant dans une revue suisse. (p.27)
Cette première évocation s'accompagne d'une photo de Nabokov. Ce qui m'a touchée, c'est que trois pages plus loin, le Dr Selwin raconte sont départ de Lituanie: «Je vois les fils du télégraphe montant et descendant devant les fenêtres du train» (p.30), ce qui est exactement l'image de Nabokov's Dozen: «the door of compartment was open and I could see the corridor window, where the wires — six thin black wires — were doing their best to slant up, to ascend skywards, despite the ligning blows dealt them by one telegraph pole after another; but just as all six, in a triumphant swoop of pathetic elation, were about to reach the top of the window, a particularly vicious blow would bring them down, as low as they had ever been, and they would have to start all over again.»

Tous les enfants d'Europe partis en exil ont-ils cette image en tête?

Dans la deuxième nouvelle, le personnage principal (Paul) et celle qui racontera son histoire à Sebald (Mme Landau) se rencontrent parce que celle-ci lit une bibliographie de Nabokov:
Cette confidence fut suivie d'un long silence, que Mme Landau interrompit pour ajouter qu'elle était asise sur un banc de la promenade des Cordeliers à lire l'autobiographie de Nabokov quand Paul, après être déjà passé deux fois devant elle, l'avait abordée avec une politesse frisant l'extravagance pour lui parler de sa lecture et partant de là, l'avait entretenue durant tout l'après-midi et aussi dans les semaines qui suivirent en un français quelque peu suranné mais absolument correct. (p.58)
Dans la troisième nouvelle, le personnage principal, profondément dépressif, se fait interner en 1953 dans une maison de repos américaine nommée Ithaca. Sa nièce lui rend visite plusieurs fois et c'est elle qui raconte:
Je me revois encore comme si c'était hier, dit tante Fini, assise à la fenêtre près del'oncle Adelwarth, par une belle journée cristalline de l'été de la Saint-Martin; un air frais venait de l'extérieur et nous regardions par-delà les arbres à peine agités par la brise une prairie qui me faisait penser à l'Altamachmoos, quand au loin est apparu un homme entre deux âges qui tenait devant lui un filet blanc au bout d'un manche et faisait de temps à autre des bonds étranges. L'oncle Adelwarth regardait fixement devant lui mais n'en remarqua pas moins ma stupéfaction et dit: it's the butterfly man, you know. He comes around quite often.(p.124)
A la même période, Nabokov vit à Ithaca.

Dans la quatrième nouvelle, le Palace de Montreux, en Suisse, apparaît d'abord, en 1936, durant l'enfance du personnage principal. Une nouvelle précédente évoquait, comme un faux signe, l'hôtel Eden de Montreux (p.95). C'est au Palace que Nabokov terminera ses jours.

Le personnage y retourne plus tard, entre 1964 et 1967. En souvenir de la randonnée accomplie avec son père en 1936, il gravit le Grammont et contemple le paysage du sommet:
Ce monde à la fois proche et repoussé à une distance inaccessible, dit Ferber, l'avait attiré avec une telle force qu'il avait craint de devoir s'u précipiter, et l'aurait sans doute fait si, tout à coup — like someone who's popped out of the bloody ground —, ne s'était trouvé devant lui un homme d'une soixantaine d'années tenant un grand filet à papillons de gaze blanche et qui, dans un anglais aussi élégant qu'impossible à identifier, l'avait prévenu qu'il était temps de songer à redescendre si l'on voulait encore arriver à Montreux pour le dîner. En revanche, Ferber dit ne pas se rappeler s'il avait effectué la descente en compagnie de l'homme au filet à papillons. Le retour du Grammont s'était complètement effacé de sa mémoire, de même que les derniers jours passés au Palace et le retour en Angleterre. La raison exacte et l'ampleur de cette tache d'amnésie étaient restées une énigme malgré les intenses efforts qu'il avait prodigués pour essayer de se souvenir. Quand il tentait de se transporter à l'époque en question, Ferber se revoyait dans son atelier, attelé pendant près d'un an, quelques brèves interruptions mises à part, à la difficile réalisation du Man with a Butterfly Net, portrait sans visage qu'il considérait comme l'une de ses œuvres parmi les plus ratées, étant donné qu'à son avis il n'existait aucun point de repère, fut-il approximatif, pour rendre compte de l'étrangeté de la vision à la base de sont tableau. (p.206-207)
Amnésie et souvenirs, couches qui surnagent ou s'enfoncent : notons la similitude avec la technique du peintre Ferber — et de l'auteur-narrateur Sebald: «Comme il applique les couleurs en grandes quantités, et qu'au cours de son travail il ne cesse de les gratter sur la toile, il s'est accumulé sur revêtement du sol une croûte de plusieurs pouces d'épaisseur, mêlée de poussière de charbon, en grande partie solidifiée mais devenant plus fine sur les bords, qui ressemble par endroits à une coulée de lave, et que Ferber prétend être le seul vrai résultat de ses efforts incessants, autant que la preuve tangible de son échec.» (p.191) Ferber confie à Sebald les lettres de sa mère. Celle-ci raconte avoir croisé un petit garçon russe en 1910 à Kissingen:
[…] deux messieurs russes très distingués nous rattrapèrent, dont l'un, d'allure particulièrement majestueuse, était en train de faire une remontrance à un petit garçon de peut-être dix ans qui, trop occupé à chasser les papillons, s'était attardé au point qu'on avait dû l'attendre. La leçon n'avait guère eu l'effet escompté car en nous retournant un peu plus tard, nous vîmes le garçon courir loin dans la prairie en brandissant son filet. Hansen affirma avoir reconnu dans le plus âgé des deux messieurs distingués le président du premier Parlement russe, Muromzev, en villégiature à Kissingen. (p.252)
Il s'agit de la Douma. La biographie de Nabokov par Brian Boyd (que sans doute il faut lire puisque Mme Landau la lisait) précise que Muromtsev avait recommandé au petit garçon avant la promenade de ne pas chasser les papillons car «cela gênait le rythme de la marche» (p.84 de l'édition Princeton University Press). Et la mère de Ferber, lorsqu'elle raconte sa demande en mariage, écrit:
Je ne sus que répondre et me contentai de hocher la tête, et bien que tout se brouillât autour de moi, je vis néanmoins avec la plus grande netteté, sautant avec son filet à papillons dans la prairie, le petit garçon russe que j'avais depuis bien longtemps oublié, de retour en messager du bonheur de cette journée d'été, qui maintenant allait laisser échapper sans tarder de sa collection les plus beaux appollons, vanesses, sphinx et machaons, en signe de ma libération prochaine. (p.253)
Il existe sur internet des articles sur la signification de la présence de Nabokov dans Les Émigrés.

mardi 12 juin 2018

Une lettre manque et le texte part de travers

Eutopia : le lieu du bien
Utopia : l'absence de lieu

L'Utopie ou la meilleure forme de gouvernement résonne alors ironiquement: la meilleure forme de gouvernement n'existe pas.

«Thomas More ne sort jamais de l'ambiguïté entre rêve et projet.»

vendredi 2 janvier 2015

Un bon repas

En ce moment les convives se trouvaient dans cette heureuse disposition de paresse et de silence où nous met un repas exquis, quand nous avons un peu trop présumé de notre puissance digestive. Le dos appuyé sur sa chaise, le poignet légèrement soutenu par le bord de la table, chaque convive jouait indolemment avec la lame dorée de son couteau. Quand un dîner arrive à ce moment de déclin, certaines gens tourmentent le pépin d’une poire ; d’autres roulent une mie de pain entre le pouce et l’index ; les amoureux tracent des lettres informes avec les débris des fruits ; les avares comptent leurs noyaux et les rangent sur leur assiette comme un dramaturge dispose ses comparses au fond d’un théâtre. C’est de petites félicités gastronomiques dont n’a pas tenu compte dans son livre Brillat-Savarin, auteur si complet d’ailleurs. Les valets avaient disparu. Le dessert était comme une escadre après le combat, tout désemparé, pillé, flétri. Les plats erraient sur la table, malgré l’obstination avec laquelle la maîtresse du logis essayait de les faire remettre en place. Quelques personnes regardaient des vues de Suisse symétriquement accrochées sur les parois grises de la salle à manger. Nul convive ne s’ennuyait. Nous ne connaissons point d’homme qui se soit encore attristé pendant la digestion d’un bon dîner. Nous aimons alors à rester dans je ne sais quel calme, espèce de juste milieu entre la rêverie du penseur et la satisfaction des animaux ruminants, qu’il faudrait appeler la mélancolie matérielle de la gastronomie.

Honoré de Balzac, L'Auberge rouge
(Tout le début de L'Auberge rouge est une merveille d'humour et une ode au caractère allemand.)

mercredi 8 janvier 2014

Les livres viennent d'eux-mêmes

C'est ce que m'a dit un jour "lecteur". Il m'expliquait qu'il n'achetait pas de livre, que les gens sachant qu'il s'intéressait aux livres l'en lui amenaient.
Depuis qu'il m'a dit cela, j'ai souvent eu l'occasion de constater le phénomène. En l'occurrence il s'agit de doubles d'une bibliothèque (mais pas que). Ils sentent l'odeur des vieux livres humides:
  • Jean Giono, Mort d'un personnage dans une très jolie collection, "La petite Ourse"
  • («Tu ne connais pas? C'était une maison d'édition suisse dans les années 60, elle n'existe plus».)
    En le feuilletant ce soir, je m'aperçois que c'est un exemplaire numéroté.

  • Jean Giono, Les Grands Chemins dans la collection Soleil de Gallimard
  • — Ah, j'adore cette collection.
    — Tu sais comment ils s'en sont débarrassé? Quand tu [un libraire] commandais deux livres de la collection blanche, ils t'envoyaient un exemplaire de la collection Soleil pour un centime. Tu pouvais en faire ce que tu voulais, le vendre ou le garder pour toi.

  • Jean Giono, L'Iris de Suse
  • — C'est le dernier publié de son vivant.

  • Jean Giono, Faust au village, collection blanche avec jaquette
  • Il y a longtemps il fut cité de mémoire après un excellent repas.

  • Jean Giono, Voyage en Italie
  • — Tu vois, c'est un petit livre, pas son meilleur… Mais franchement, à côté de La Modification

  • Julien Green, Terre lointaine
  • parce que malgré notre chagrin, nous ne cesserons jamais d'être camusiens.

  • Julien Gracq, La littérature à l'estomac
  • dans l'édition "papier kraft" de Pauvert (Libertés). J'aime beaucoup son format, sa mise en page. J'en possède deux autres, Contre Celse et L'Antéchrist.

Les suivants me sont tendus avec le commentaire: «Ceux-là viennent de Nantes». Je n'ai pas compris s'il s'agissait de Jean ou de la vente paroissiale de novembre.
  • Georges Casalis, Luther et l'Eglise confessante
  • ce qui me fait penser que j'ai été choquée de voir que la traduction de bekannte Kirche n'était pas connue du traducteur de Ma vie en Allemagne avant et après 1933 (Löwith).

  • Louis Hurault, Guide Terre Sainte, routes bibliques, les chemins de la parole
  • — Tu es sûr que tu ne veux pas le garder?
    — Le premier qui ira à Jérusalem l'empruntera à l'autre.
    (Et je me dis que cela me sera utile pour Clarel.)

mardi 16 octobre 2012

Pessimisme et agitation

Sa maxime à elle, c'est que tout va au plus mal, et ce qui est pire: que tout doit être changé, et ce qui est encore pire: que tout doit être changé immédiatement.

Herman Melville, Moi et ma cheminée, p.48 (ouvrage hors commerce offert pour l'achat de trois Points Seuils - 1984) Traduction Armel Guerne

jeudi 15 avril 2010

La morale perd pied

Les bas blancs bien tirés et à coins verts, les jupes courtes, les mules pointues et à talons hauts du règne de Louis XV ont peut-être un peu contribué à démoraliser l'Europe et le clergé.

Honoré de Balzac, Sarrasine, cité par Barthes dans S/Z, p.135

jeudi 14 janvier 2010

Nabokov's Dozen

Il s'agit de la version "étendue" de Nine Sories et contient treize nouvelles ("treize à la douzaine").

J'ai lu ce recueil de nouvelles à cause de Lance et de L'Amour l'Automne. Renaud Camus a choisi de retenir Lance, sans doute à cause de la thématique de la légende (cf. Saussure et Starobinski), mais beaucoup d'autres thèmes camusiens apparaissent au fil des pages: le double, les homonymes, le paradis perdu de l'enfance...

Je mets en ligne le sommaire réorganisé chronologiquement et enrichi du lieu et de la date indiquée à la fin de chaque nouvelle [1].

6. The Aurelian (Berlin, 1931) publié en russe en 1931 / en anglais 1941
7. Cloud, Castle, Lake (Marienbad, 1937) publié en russe en 1937 / en anglais en 1941
1. Spring in Fialta (Paris, 1938) publié en russe en 1938 / en anglais 1957
12. Mademoiselle O (Paris, 1939) publié en français en 1939 / en anglais en 1952
9. ‘That in Aleppo once…’ (Boston, 1943)
5. The Assistant Producer (Boston, 1943)
2. A Forgotten Poet (Boston, 1944)
10. Time and Ebb (Boston, 1945) publié en 1944 (incohérence dans l’édition)
8. Conversation Piece, 1945 (Boston, 1945)
3. First Love (Boston, 1948)
4. Signs and Symbols (Boston, 1948)
11. Scenes from the Life of a Double Monster (Ithaca, 1950) publié en 1958
13. Lance (Ithaca, 1952)

Je jette ici quelques pistes, en vrac.

Lieu et langue sont les marques du chemin d'exil de Nabokov. De 1939 à 1944, les nouvelles sont marquées par le souvenir de la Russie ("Mademoiselle O", "A Forgotten Poet", "The Assistant Producer") et la fuite à travers la guerre pour atteindre les Etats-Unis ("That in Aleppo once"). "The Assistant Producer", nouvelle donnée comme fondée sur des faits vrais (mais qu'est-ce que ça veut dire ici?), serait une allègre esquisse de roman d'espionnage si elle ne faisait l'économie d'une explication finale satisfaisante.
Le problème de l'identité et l'impossibilité de connaître la vérité dans un monde où chacun est le seul garant de son récit sont souvent évoqués : qui est qui ("Conversation piece", "A Forgotten Poet"), qui ment ("That in Aleppo once"), pourquoi le narrateur n'est-il jamais reconnu de la jeune femme qu'il rencontre toujours par hasard ("Spring in Fialta")? (Reconnaître, se souvenir, oublier, trois faces de la nostalgie).

Reviennent au long des pages l'obsession du voyage, du déplacement, en particulier en train, la rapidité des images et leur immobilisation par les mots: ainsi la description des fils électriques disparaissant poteau après poteau, image bien connue de l'ennui de l'enfance en voyage: rien d'autre à faire que suivre des yeux cette image hypnotique des fils qui fuient et renaissent, enchaînés aux poteaux électriques sans espoir de s'échapper.

The door of compartment was open and I could see the corridor window, where the wires — six thin black wires — were doing their best to slant up, to ascend skywards, despite the ligning blows dealt them by one telegraph pole after another; but just as all six, in a triumphant swoop of pathetic elation, were about to reach the top of the window, a particularly vicious blow would bring them down, as low as they had ever been, and they would have to start all over again.
Navokov, "First Love"

Le regard est ce qui immobilise et donne vie aux images : une image qui fuit, insaisie, est une image oubliée, morte-née. Et cependant, saisir l'image, le souvenir, c'est pour le poète ou l'écrivain accepter de la perdre en la partageant. Ecrire, c'est se déposséder (et ainsi s'exorciser de ses souvenirs, leur échapper?):

I have often noticed that after I had bestowed on the characters of my novels some treasured item of my past, it would pine away in the artificial world where I had so abruptly placed it.

Et cela touche même des objets aussi humbles que des crayons de couleur:

Alas, these pencil, too, have been distributed among the characters in my books to keep fictitious children busy; they are not quite my own now.
Nabokov, "Mademoiselle O."

Dans le monde de Nabokov, les objets touchés par le regard ou par l'attention du narrateur acquièrent une dimension fantastique, souvent grâce à la lumière ou aux couleurs:

Only by heroic effort can I make myself unscrew a bulb that has died an inexplicable death and screw in another, wich will light up in my face with the ideous instancy of a dragon’s egg hatching in one’s bare hand.
Nabokov, "Lance"

But the most constant source of enchantment during those readings came from the harlequin pattern of coloured panes inset in a white-washed framework on either side of the veranda. The garden when viewed through these magic glasses grew strangely still and aloof. If one looked through blue glass, the sand turned to cinders while inky trees swam in a tropical sky. The yellow created an amber world infused with an extra strong brew of sunshine. The red made the foliage drip ruby dark upon a coral-tinted footpath. The green soaked greenery in a greener green. And when, after such richness, one turned to a small square of normal savouless glass, with its lone mosquito or lame daddy-longlegs, it was like taking a draught of water when one is not thirsty, and one saw a matter-ofofact white bench under familiar trees. But of all the windows this is the pane though wich in later years parched nostalgia longed to peer.
Nabokov, "Mademoiselle O."

L'attention portée aux noms, à la dimension sensuelle des noms, rappelle Proust :

I am fond of Fialta; I am fond of it because I feel in the hollow of those violaceous syllables the sweet dark dampness of the most rumpled of small flowers, and because the alto-like name of a lovely Crimean town is echoed by its viola [...]
Nabokov, "Spring in Fialta"

Et quand je pensais à Florence, c’était comme à une ville miraculeusement embaumée et semblable à une corolle, parce qu’elle s’appelait la cité des lys et sa cathédrale, Sainte-Marie-des-Fleurs.
Proust, Du côté de chez Swann, Pléiade Clarac t1, p.388

Mais ce qui m'émeut le plus, c'est la façon dont court au fil des récits l'interrogation sur la mort, cet espoir, ce désir, qu'il y ait quelque chose après, et la façon de tourner en dérision cet espoir, par une boutade, un pari, un défi :

If metal is immortal, then somewhere
there lies the burnished button that I lost
upon my seventh birthday in a garden.
Find me that button and my soul will know
that every soul is saved ant stored and treasured.
Vladimir Nabokov, “The Forgotten Poet” in Nabokov’s Dozen, p.36

Ces quelques vers me rappellent Pale Fire dont les premières lignes nous apprennent la date de la mort du poète Shade («John Francis Shade (born July 5, 1898, died July 21, 1959)» tandis que Shade écrit dans l'avant-dernier couplet de son poème:

l'm reasonably sure that we survive
And that my darling somewhere is alive,
As I am reasonably sure that I
Shall wake at six tomorrow, on July
The twenty-second, nineteen fifty-nine,[...]

Si le bouton est retrouvé, si John Shade se lève le 22 juillet 1959, alors il y a une vie après la mort, une vie pleine de tendresse.
Mais le bouton est perdu, et Shade sera assassiné le 21 juillet.

Notes

[1] Chronologie des œuvres disponibles ici.

mardi 11 novembre 2008

15 enquêtes policières, souvenirs

Bizarrement, A. a ramené d'Allemagne une soudaine passion pour Arsène Lupin. Elle vient de terminer les quatre que nous avons à la maison, j'exhume pour elle un livre de mon enfance, 15 enquêtes policières.
J'aimais beaucoup cette collection, elle est à mes yeux aussi mythique que les Contes et légendes blancs au dos rayé d'or.

C'est dans ce livre que j'ai lu pour la première fois Maurice Leblanc, Conan Doyle et La lettre volée d'Edgar Poe. Il m'en restais trois images, trois souvenirs-flash: celui d'un clochard aux pieds propres, celui d'un accusé décidant d'utiliser "un truc de la communale" et celui de l'enfant gagnant toujours au jeu de pair ou impair. Mes souvenirs avaient confondu les deux derniers, sans doute à cause de l'âge des enfants. Je ne me souvenais plus que la description du jeu de pair ou impair était de Poe.

» J'ai connu un enfant de huit ans, dont l'infaillibilité au jeu de pair ou impair faisait l'admiration universelle. Ce jeu est simple, on y joue avec des billes. L'un des joueurs tient dans sa main un certain nombre de ses billes, et demande à l'autre: «Pair ou non?» Si celui-ci devine juste, il gagne une bille; s'il se trompe, il en perd une. L'enfant dont je parle gagnait toutes les billes de l'école. Naturellement, il avait un mode de divination, lequel consistait dans la simple observation et dans l'appréciation de la finesse de ses adversaires. Supposons que son adversaire soit un parfait nigaud et, levant sa main fermée, lui demande: «Pair ou impair?» Notre écolier répond: «Impair!» a et il a perdu. Mais, à la seconde épreuve, il gagne, car il se dit en lui-même: « Le niais avait mis pair la première fois, et toute sa ruse ne va qu'à lui faire mettre impair à la seconde; je dirai donc impair. Il dit: «Impair», et il gagne.
» Maintenant, avec un adversaire un peu moins simple, il aurait raisonné ainsi: «Ce garçon voit que, dans le premier cas, j'ai dit «Impair», et que, dans le second, il se proposera — c'est la première idée qui se présentera à lui — une simple variation de pair à impair comme a fait le premier bêta; mais une seconde réflexion lui dira que c'est là un changement trop simple, et finalement il se décidera à mettre pair comme la première fois. Je dirai donc pair.» Il dit «Pair!» et il gagne.

Edgar Poe, La lettre volée

J'avais huit ou neuf ans, cela m'avait beaucoup impressionnée. Lors des longs voyages en voiture, je passais des heures à poursuivre le raisonnement: «mais il va penser que je vais penser qu'il n'a pas changé, donc il va changer, donc il faut que je réponde...» etc.
Plus tard, je fus très forte au "Menteur" (le jeu de cartes), tant pour ne pas me faire prendre que pour prendre les autres.

mardi 31 juillet 2007

Notes d'un souterrain

J'avais découvert ce livre dans Mensonge romantique et vérité romanesque. Je ne rouvre pas René Girard avant d'écrire ce commentaire. Je ne lis pas non plus la préface de Todorov. Relevons simplement cette citation d'André Gide dans Dostoïevski : «Je crois que nous atteignons, avec les Notes d'un souterrain, le sommet de la carrière de Dostoïevski. Je le considère, ce livre (et je ne suis pas le seul), comme la clé de voûte de son œuvre entière.»

C'est un petit livre qui se compose de deux parties, une plus abstraite, dans laquelle le narrateur théorise son dégoût de la vie et analyse ses états d'âme et surtout ses revirements d'états d'âme; une seconde qui se présente comme un journal tenu quelques jours et qui illustre la première partie.

La maîtrise de la narration est impressionnante. Le récit fait du sur-place, il semble s'enfoncer à force de tourner sur lui-même en ruminations vaines et pourtant il se déplace, il avance, il possède une volonté de sens qui est de démontrer en toute lucidité qu'il tourne sur lui-même en ruminations vaines. C'est un livre de folie lucide.

Dans la première partie, le narrateur expose les raisons pour lesquelles l'homme ne se conduit pas rationnellement. Il y a quelque chose d'anti-hegellien dans cette démonstration, même si je ne sais si ce jugement possède une quelconque pertinence appliqué à Dostoïevski (Dostoïevski avait-il lu Hegel? Je n'en sais rien). Si l'homme se conduisait rationnellement, si deux et deux faisait quatre, sans doute au bout d'un temps d'observation suffisamment long tous ses actes seraient-ils prévisibles. Or s'il y a une chose que l'homme souhaite par dessus tout, avant le bonheur, le plaisir, la paix, c'est de demeurer imprévisible, c'est d'«avoir le dernier mot». C'est sa liberté qui est en jeu, finalement, même au prix du bonheur.

A présent, laissez-moi vous demander ce que l'on peut attendre de l'homme, être doué d'aussi étranges qualités ? Comblez-le de tous les biens terrestres, noyez-le dans le bonheur de telle sorte que seules des bulles viennent crever à la surface comme si c'était de l'eau ; accordez-lui une telle abondance économique qu'il n'ait plus rien d'autre à faire que dormir, manger des gâteaux et pourvoir à la non-interruption de l'histoire universelle — eh bien, même là, l'homme, même là, rien que par ingratitude, par malice, il trouvera le moyen de vous jouer un tour de cochon. Il ira jusqu'à risquer ses gâteaux et souhaiter délibérément le plus néfaste non-sens, l'absurdité la plus anti-économique, rien que pour mêler à tant de sagesse positive son funeste élément fantastique. C'est justement ses désirs fantastiques, sa bêtise la plus triviale qu'il voudra conserver à son acquis, à seule fin de se confirmer à lui-même (comme si c'était tellement indispensable !) que les hommes sont encore des hommes et non des touches de piano dont daignent jouer les lois de la nature en personne et de leurs propres mains, mais en menaçant de faire durer la musique jusqu'au moment où l'on ne pourra plus rien vouloir en dehors du calendrier. Et ce n'est pas tout : à supposer même qu'il soit vraiment une touche de piano, qu'on le lui prouve par les sciences naturelles et les mathématiques, là aussi, il refusera d'entendre raison et se livrera exprés à quelque acte contraire, par pure ingratitude, rien qu'elle : en somme, pour avoir le dernier mot. Et s'il est démuni de moyens, il inventera la ruine et le chaos, il inventera mille souffrances. Mais il aura eu le dernier mot ! Il jettera sa malédiction sur le monde, et comme la malédiction est le propre de l'homme (c'est ça le privilège qui le distingue principalement des animaux), ma foi, par sa seule malédiction il arrivera à ses fins, c'est-à-dire à se convaincre vraiment qu'il est un homme, et non une touche de piano. Si vous soutenez que même cela, on peut entièrement le prévoir en fonction d'une table de calcul — le chaos, l'obscurité, la malédiction — si bien qu'à elle seule la possibilité du calcul préalable arrêtera tout et que la raison l'emportera, dans ce cas, l'homme deviendra fou, exprès, pour ne plus avoir sa raison, mais avoir quand même le dernier mot ! Cela, j'y crois, j'en réponds, car toute la tâche de l'humanité consiste précisément, à ce qu'il me semble, en ce que chacun veuille perpétuellement se prouver qu'il est un homme et non une tirette d'orgue ! à se le prouver, quitte à payer les pots cassés ; quitte à revenir à l'âge troglodyte. Après cela, comment ne pas se laisser tenter, ne pas se vanter qu'on n'en est pas encore là et que le vouloir dépend encore le diable seul sait de quoi...

Dostoïevski, Notes d'un souterrain, première partie, fin du chapitre VIII. Traduction de Lily Denis pour GF-Flammarion

Cependant, cette exposition si rationnelle et si convaincante de l'origine du malheur des hommes, dû à leur refus d'une vie heureuse et prévisible, ne tient pas lorsqu'on examine le récit que nous fait le narrateur de quelques jours de sa vie: il apparaît très vite que l'homme du souterrain est moins un homme qui veut rester libre qu'un homme qui ne sait pas être libre, qui est incapable d'agir librement sans que les autres ne soient les moteurs, souvent répulsifs, de son action. La première partie est un leurre puisque la seconde ne l'illustre pas; le récit lui-même n'est pas ce qu'il prétend être.

L'homme du souterrain est un homme asocial, rongé par l'envie, intelligent, plus cultivé sans doute que nombre de ses collègues et anciens camarades d'école, mais incapable d'agir, et qui ne sait que passer sa colère sur son entourage pour se venger de son caractère trop faible. Les êtres plus forts que lui en rient, les êtres plus faibles en pleurent, mais tous finalement seront plus forts, même la fille de joie aura le courage de lui rendre son argent et de refuser sa pitié. L'homme du souterrain cherche quelqu'un à humilier et meurt de rage de ne pas le trouver, il ne peut vivre sans se mesurer aux autres et son comportement, dans une sorte d'enchaînement masochiste, fait que ce mesurage lui sera toujours défavorable.

C'est un récit étrange, le héros n'agit qu'avec retard, toujours à la traîne de sa pensée qui imagine et se représente par avance des scènes auxquelles elle ne sait donner corps par une action suivie et systématique. La trop grande importance accordée aux autres, à l'opinion supposée des autres, empêche le narrateur d'oublier de penser pour agir. Il est véritablement malade d'être conscient, de posséder une conscience, car ainsi qu'il le dit en première partie «l'excès de conscience est une maladie, une véritable maladie.»


Comment avouer ce qui m'a réellement fait sourire en lisant ce livre? J'ai reconnu dans l'homme du souterrain le portrait d'une ancienne connaissance à la fois convaincue de sa supériorité et sans volonté, et j'ai trouvé dans cette description si exacte une revanche sardonique:

Non seulement je n'ai pas su devenir méchant, mais je n'ai rien su devenir du tout; ni méchant ni bon, ni crapule ni honnête homme, ni héros ni insecte. Et à présent, j'achève mes jours dans mon coin, m'échauffant la bile de la consolation parfaitement inutile qu'un homme intelligent ne sera jamais quelqu'un, que seuls les imbéciles y arrivent. Eh oui! Un homme intelligent du XIXe siècle doit, est moralement tenu d'être avant tout une créature sans caractère; mais l'homme de caratère, l'homme d'action, doit être de préférence une créature bornée.

Ibid, première partie, fin du chapitre I.

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