Billets pour la catégorie Boulgakov, Mikhaïl :

Récits d'un jeune médecin, de Mikhaïl Boulgakov

Pour qui ignore ce qu'est un voyage à travers les chemins de campagne les plus reculés, il est inutile d'en entendre le récit : de toute façon, il ne comprendrait pas. Quant à celui qui sait de quoi il s'agit, je ne tiens pas à le lui rappeler.

Mikhaïl Boulgakov, Récits d'un jeune médecin, incipit, Seuil 1986.
Cet ouvrage, hors commerce, vous est offert par votre libraire pour tout achat de trois volumes des collections "Points".

Souvenirs de Kiev

En sortant du Couronnement de Poppée, (mise en scène orientale en ombres chinoises bleutées de Bob Wilson, belle Drusilla chantée par Gaëlle Arquez), P. me raccompagne et m'offre quelques souvenirs de Kiev : un sweat et Le Maître et Marguerite en deux tomes minuscules (sept ou huit centimètres de haut) achetés dans la maison de Boulgakov comme le prouvent les tampons à l'intérieur.
Il ne reste qu'à apprendre le russe.




Le tome 1, avec le chat bien sûr, mais aussi les chaussures:




Le tome 2 avec le chat au bal:


Une âme en paix

— La seule chose innée chez l'homme, disait-il à ses élèves, en pinçant sa barbiche érudite, c'est l'amour de soi. Et le bonheur est le but de la vie de tout homme! Et quels sont les éléments du bonheur? (Les yeux du philosophe étincelaient.) Deux, messieurs, et deux seulement: une âme en paix et un corps sain. Pour ce qui est de la santé du corps, n'importe quel médecin vous conseillera utilement. Mais pour la paix de l'âme, je vous dirai: mes enfants, ne faites pas le mal, et vous n'aurez ni repentir ni regret, qui sont les deux seules choses qui rendent les gens malheureux.

Mikhaïl Boulgakov, Le roman de monsieur de Molière, p.46 (Folio, dépôt 1993)

Miséricorde

C'est l'extrême fin du livre, un livre empli de rires, d'extravagances, de folie et de cauchemars. L'ensemble est tendre, hilarant, démesuré, baroque.
Le passage suivant met en scène Jésus et Ponce Pilate, Ponce Pilate qui souffre de terribles migraines depuis qu'il a abandonné Jésus à ses bourreaux.
Les personnages ne sont pas nommés, on les reconnaît car la Passion a couru tout le livre en contrepoint d'un récit passablement échevelé.

La scène suivante naît du rêve apaisé d'un professeur fou qui souffre de cauchemars.
Je crois que ces quelques lignes ne sont pas présentes dans toutes les traductions (ce qui me fait redouter de perdre cet exemplaire).

Du lit à la fenêtre s'étend un large chemin de lune, sur lequel marche un homme au manteau blanc doublé de pourpre, montant vers la lune. A côté de lui marche un jeune homme en tunique déchirée, dont le visage est mutilé. Tous deux parlent avec chaleur, discutent, cherchent à se mettre d'accord sur quelque chose.
«Dieux, dieux! dit l'homme au manteau blanc en tournant un visage orgueilleux vers son compagnon. Quel supplice vulgaire! Mais dis-moi, s'il te plaît — et là, le visage hautain se fit suppliant —, il n'a pas eu lieu, hein? Dis, je t'en prie, il n'a pas eu lieu?
— Bien sûr que non, il n'a pas eu lieu, répond l'autre d'une voix rauque. C'est un rêve que tu as fait.
— Et tu peux le jurer? demande obséquieusement l'homme au manteau.
— Je le jure! répond son compagnon dont les yeux, on ne sait pourquoi, sourient.
— C'est tout ce que je voulais! s'écrie l'homme au manteau d'une voix brisée, et il continue de monter, toujours plus haut, vers la lune. Derrière eux marche, calme et majestueux, dressant ses oreilles pointues, un gigantesque chien.

Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite traduit par Claude Ligny, p.509-510, le livre de poche biblio, imprimé en août 1992

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