Billets pour la catégorie Anonyme :

Contes polonais traduits et adaptés par Agnieszka Macias

Passé à la librairie polonaise pour acheter Gottland.
— Quoi? mais on en a déjà acheté trois ou quatre !
— Je sais, mais on n'en a aucun, je les ai tous offerts.

Près de la caisse sont exposés des livres des éditions L'école des loisirs: Contes polonais, Contes biélorusses et Contes yiddish. Je prends les trois.

La préface des Contes polonais est très intéressante et regorge de noms à peine connus par Wikipedia :
Les collecteurs de contes de la fin du XIXe et du début du XXe parcouraient la Pologne, partagée alors entre trois empires voisins, mais unie par une langue, une histoire et une culture communes.
Ils étaient animés par l'idée romantique, populaire à l'époque dans toute l'Europe, que le conte était un récit remontant à la nuit des temps et donc indépendant de la culture moderne. Leurs recherches ont eu pour effet de préserver le folklore disparaissant peu à peu avec la migration des paysans vers les villes et de fixer la langue du pays que l'on remplaçait souvent par les langues des empires souverains.

Les collectes des ethnographes polonais ont été diffusées en majeure partie dans le dadre des publications de l'Académie des sciences (Akademia Umiejętności) de Cracovie, existant grâce aux relatives libertés accordées aux Polonais vivant sous la domination de l'Empire austro-hongrois.

La plus riche est sans doute celle d'Oskar Kolberg, le plus grand, peut-être, parmi les collecteurs slaves. Son chef-d'œuvre, Le Peuple (Lud), comprenant cinquante volumes, répertorie les contes, mais aussi les croyances, coutumes, mélodies et danses polonaises, région par région.

D'autres collectes, dont les trésors se trouvent dans la présente anthologie, reflètent la culture paysanne de la Petite Pologne — terre natale de Jan Swietek, et terrain de recherche du premier professeur d'anthropologie en Pologne, Izydor Kopernicki —, de la Warmie — région dont le dialecte polonais fut étudié par Augustyn Steffe —, et de la Cujavie, où les quêtes folkloriques furent menées par Aleksander Petrow. Elles furent publiées sous forme de monographies ou dans des revues d'anthropologie et d'ethnographie comme Recueil des connaissances sur l'anthropologie du pays (Zbiór Wiadomości do Antropologii Krajowej), entre autres.

Le lecteur est invité à entrer dans le monde merveilleux, harmonieux et si souvent facétieux des contes polonais.

A.M

Noms bibliques

- Ada, l'une des deux femmes d'un descendant (cinquième génération) de Caïn (Gn 4,19) : Nabokov

- Milka, belle sœur d'Abraham (Gn 11,29) : le chocolat

- Kush, petit-fils de Noé (Gn 10,6) : cf Les Ethiopiques d'Hugo Pratt.

- Dina, la seule fille de Jacob (Gn 30,21) : le chat d'Alice dans Alice au pays des merveilles

«Estimable rédacteur en chef...» : 60 ans de lettres d'immigrés juifs en Amérique

J'ai oublié Ulysse un matin en partant travailler, j'ai attrapé ce livre qui attendait (que je le prête à quelqu'un que je ne croise pas) sur une étagère au bureau et je l'ai lu en vingt-quatre heures, ce qui est toujours plaisant (unité de temps, saisie mentale).

Il s'agit d'une sélection du courrier des lecteurs envoyé au journal yiddish Forverts, rubrique devenue célèbre sous le nom de Bintel Brief.
La première lettre date de 1906, la dernière de 1967. Les problèmes évoluent et suivent l'histoire de l'Occident pendant un siècle, des conditions très dures de l'avant-première guerre (fuite devant les pogroms, désertion des shetls, exploitation par des patrons américains sans scrupule, misère, abandon des femmes par leur mari) aux dilemmes politiques (retourner en Russie pour mener le combat aux côtés des socialistes en 1917, émigrer en Palestine dans les années 20?), en passant par des problèmes plus spécifiquement religieux, comme les mariages mixtes (chrétiens/juifs), l'abandon des valeurs religieuses et des tradition,…

Les réponses apportées en quelques lignes (j'ai cru comprendre qu'il s'agissait du résumé des originales) sont souvent pleines de bon sens et paraissent évidentes (il est d'ailleurs étrange de constater que souvent la réponse est déjà en germe dans la lettre interrogeant: bien que connaissant instinctivement la conduite à adopter, chacun de nous semble la fuir ou vouloir la retarder).
C'est tout juste si l'on note un durcissement dans les conseils du journal après la deuxième guerre: les mariages mixtes sont systématiquement découragés, l'éducation traditionnelle (les juifs orthodoxes, par opposition aux juifs libéraux) discrètement approuvée (même si chacun a "le droit de vivre comme il l'entend"), les belles-filles encouragées à la patience, les belles-mères à la tolérance…
Avec le temps, la langue et l'accent deviennent un enjeu: avoir honte ou pas de ses parents ne parlant que le yiddish, autoriser ses enfants à les fréquenter, oser lire le Forverts en public, dans les transports en commun…

Le principe du livre (comme de la réalité!) est un peu sadique: nous avons le récit pathétique d'une personne, le conseil que lui donne le journal, puis… rien. Nous ne savons pas si le conseil a été suivi, si le lecteur écrivant a résolu ses problèmes, quel choix il a fait, s'il est venu à bout de ses difficultés. Il ne nous reste qu'à espérer (parfois pour des cas où tous les protagonistes sont morts depuis longtemps…)


Dans la postface, Henri Raczymow raconte en quelques pages ses souvenirs d'enfant d'immigrés juifs en France. Extrait (ce récit relate l'atmosphère des années trente. Il recoupe celui d'A la recherche des Juifs de Plock, de Nicole Lapierre):
Eux, les parents, se sacrifiaient, mais leurs enfants auraient une vie digne. Il suffisait de travailler. Le mérite républicain. L'école publique. L'école de tous. Où l'on apprenait Voltaire, Victor Hugo, Émile Zola, Anatole France, Romain Rolland... De si grands écrivains qu'ils sont traduits en yiddish, c'est dire! Dans l'espace public, en tout cas, on adopterait tous les signes de la «francité». À la maison seulement, on s'autorisait à maintenir les prénoms yiddish et la langue d'origine. Les parents s'adressaient à leurs enfants dans leur langue et ces derniers, scolarisés, leur répondaient généralement en français. Si bien que la langue maternelle de ces nouveaux petits Français serait souvent une mixture franco-yiddish…

>Devenir un «vrai» Français était donc un idéal. Si l'on posait aux enfants cette question aujourd'hui saugrenue, sinon incompréhensible: «Tu es juif ou français?», ils répondaient dans un haussement d'épaules et sous l'œil ému des parents: «Français!» Les parents étaient fiers que leurs enfants parlent si bien la langue de Molière, qu'ils aient de bonnes notes à l'école, qu'ils soient intégrés. Nul problème alors d'intégration. Les enfants d'immigrés étaient naturellement, ipso facto, intégrés. Ils fréquentaient naturellement l'école publique. (Les écoles juives, si répandues aujourd'hui, étaient rarissimes. Il n'existait pas, contrairement à ce qui se passait aux Etats-Unis ou en Argentine par exemple, d'écoles yiddish.)

Henri Raczymow, postface à l'édition française de «Estimable rédacteur en chef…», p.260

Les livres, propriété sacrée

For him that stealeth, or borroweth and returneth not, this book from its owner, let it change into a serpent in his hand and rend him. Let him be struck with palsy, and all his members blasted. Let him languish in pain, crying aloud for mercy, and let there be no surcease to this agony till he sing in dissolution. Let bookworms gnaw his entrails… and when at last he goeth to his final punishment, let the flames of Hell consume him forever.

Anonymous curse on book thieves from the monastery of San Pedro



Quant à celui qui vole, ou qui emprunte pour ne pas le rendre, un livre à son propriétaire, que ce livre se transforme en un serpent dans sa main et le déchire. Que le voleur soit frappé de paralysie et que tous ses membres soient foudroyés. Qu'il dépérisse dans la douleur, criant miséricorde, et qu'il n'y ait pas de répit à cette agonie jusqu'à ce qu'il chante en se dissolvant. Que les rats de bibliothèque lui rongent les entrailles… et quand enfin il atteindra le moment de son châtiment final, que les flammes de l'Enfer le consument à jamais.

Malédiction anonyme lancée sur les voleurs des livres du monastère de Saint Pierre
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