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Ecrire un discours : plan et méthode

Ces quelques pages, autrefois en bibliothèque verte, aujourd'hui en poche jeunesse, peuvent servir de modèle à bien des exposés. C'est un bon début pour découvrir ce qu'est un plan.
Et en quelques mots, le professeur leur exposa son drame. Il leur dit comment sa femme avait vaincu ses craintes en lui écrivant le texte du discours [de distribution des prix] qu'il devait prononcer. Cela l'avait considérablement soulagé, et il était parti tout confiant… Pour découvrir, à son arrivée à Linbury, qu'il avait oublié les précieux feuillets!

«Et maintenant, je ne me rappelle plus un seul mot du discours! se lamenta-t-il. Et je n'ai pas la moindre idée de ce qu'on peut dire!»
Ce fut Bennett qui trouva le remède.
«Tout ira bien, m'sieur. Nous, nous connaissons la musique, assura-til. Nous avons si souvent entendu les vieux bir euh!… les distingués visiteurs qui nous distribuaient les prix, que nous connaissons les discours par cœur. Pas vrai, Morty?
— Oui, m'sieur, c'est vrai, approuva l'autre… Surtout le général Melville.»

Le professeur Hipman regarda ses jeunes amis avec l'expression ardente d'un épagneul attendant un biscuit.
«Dans ce cas, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'aider», dit-il en fouillant dans sa poche pour chercher un crayon et un morceau de papier. Et il y inscrivit les sages paroles qui tombaient des lèvres de Bennett:
«Voilà, m'sieur. Vous commencez par dire: «Mon premier devoir est de féliciter les bons élèves, honorés par leur excellents résultats.» Ensuite, vous réconfortez les gars qui viennent en queue de classe, en leur disant qu'au fond ils sont aussi intelligents que les autres. Vous pourriez même ajouter: «Moi, je n'ai jamais remporté de prix quand j'étais au collège… Eh bien, voyez ce que je suis devenu!»
Le professeur eut l'air gêné.
«Mais j'ai remporté des prix, protesta-t-il faiblement. J'étais même considéré comme un élève très brillant…
— A votre place, je tâcherais d'écraser un peu, conseilla Bennet. Le général Melville se tord toujours de rire quand il nous dit qu'à notre âge, il était le roi des cancres.
— Ce passage commence par: «Ce n'est pas toujourts les plus rapides qui gagnent la course», intervint Mortimer. Après ça, vous dites: «Les années de collège sont les plus belles années de votre vie.» Il eut un petit rire équivoque. «Je sais que c'est idiot, surtout si on est dans la classe de M. Wilkinson, mais ça fait partie du discours.
— Très intéressant! murmura le professeur en griffonnant des notes au dos d'une enveloppe. C'est précieux pour moi Et que dit-on encore?
— Après ça, vous nous conseillez de nous appliquer et de réussir. Et puis… et puis…»

En cinq minutes, les deux garçons eurent fourni au professeur le résumé de tout ce qu'ils se rappelaient avoir entendu dans les discours de précédentes distributions des prix. […]
«Evidemment, vous pourriez dire encore beaucoup de choses, mais vaut mieux pas, conclut Bennett. En général, le général termine par un long bla-bla-bla sur la différence entre instruction et éducation…
Mais je vous conseille de laisser tomber ça. Plus ce sera court, plus nous applaudirons.»

Anthony Buckeridge, Bennett et ses grenouilles, p.189-190, livre de poche jeunesse.
Plus tard, le professeur révise mentalement:
Et tout en suivant son hôte à travers les terrains de jeux, ses lèvres s'agitait en une revision silencieuse:
«Féliciter les bons élèves… Réconforter les derniers de la classe… Moi aussi, j'étais le roi des cancres… Travaillez, prenez de la peine… Regardez ce que je suis devenu… Les plus belles années de votre vie…»
Grâce à Bennett et à Mortimer, l'éminent professeur Hipman aborda avec confiance la tâche qui l'attendait dans la salle des fêtes.

Ibid, p.205-206

Conseil pour la dissertation : exemple

Je dédie ce billet à Gv.

Ayant à faire quelques recherches sur la biographie de René de Obaldia, j'ai découvert avec délice son discours sur la vertu.

J'aime beaucoup l'humour qu'il y a à donner, année après année, le même sujet de dissertation à des écrivains maniant parfaitement la langue française, j'aime beaucoup l'humour avec lequel ils se plient à cet exercice à contraintes, respectant la forme, le fond, tout en se moquant de l'exercice, et sachant malgré tout, ce qui doit être désagréable, que leur discours sera comparé à ceux de leurs confrères.
J'aime beaucoup la façon dont ressortent, quelle que soit la somme de contraintes imposées, le style et la personnalité de chacun.

Je crois qu'un lycéen ou un étudiant qui voudrait faire des progrès dans la rédaction de ses dissertations aurait tout intérêt à imprimer et étudier les différentes versions de ces discours sur la vertu.

Pour les fatigués du clic, pour ceux qui ont une connexion lente, je livre (pour appâter) le début et la fin du discours de Obaldia :
Mesdames, Messieurs,

Je dois me rendre à l’évidence : c’est mon tour !
Je veux dire que, suivant la tradition établie à l’Académie française — et, bizarrement, de nos jours, toute tradition prend à mes yeux allure d’avant-garde — je suis invité, après maints de mes illustres confrères, à discourir de la Vertu.
Si nous ouvrons le Dictionnaire de la conversation, paru dans les années 1830, qui se définit comme « un inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous », nous pouvons lire au mot discours : « La première vertu d’un discours est de ne pas s’étirer au-delà de l’ennui. » Aussi, malgré l’ampleur du sujet, je vais tendre à ne point m’étirer.

Permettez-moi tout d’abord, en guise d’ouverture, de vous conter un apologue :
Cela se passe aux Indes. Un sage, particulièrement vénéré (visage émacié, regard venu d’une autre planète, barbe touchant terre) a élu domicile au pied d’un somptueux palétuvier. De tous les horizons, on vient le consulter. Voici que s’approche de lui un vieil homme.
— Auguste vieillard, interroge le sage, pourquoi t’avances-tu vers moi ?
— Pour connaître si mon désir de recommencer ma vie est légitime.
— As-tu été vertueux dans ta vie ?
— Maître, je le fus.
— Alors, pourquoi veux-tu recommencer une chose aussi triste qu’une existence vertueuse ?

[…]

En ces jours épais, où règnent la confusion des valeurs, le mensonge, la violence, le laxisme (Ah ! comme devraient être remis à l’honneur ce vieil adage : «On ne s’appuie que sur ce qui résiste», ou encore: «L’obstacle est le père de l’homme»), le laxisme, la bêtise galopante, où les médias — la télévision en particulier — donnent droit de cité, le plus souvent, à la vulgarité, à l’infantilisme, à la pornographie considérée comme un des beaux-arts: tous ces plein feux braqués sur l’insignifiance… alors, oui, vive la Vertu !
Comme l’a confié, un soir de grand vent, Sancho Pança à son maître le Chevalier à la triste figure : « L' homme est comme Dieu l’a fait — et bien souvent pire.»

Les vertus ne viennent-elles pas au secours de l’homme pour éviter le pire, précisément, afin qu’il puisse vivre en harmonie avec ses semblables?
J’irai jusqu’à vous confier que, parmi celles-ci, qui s’épaulent et s’enrichissent mutuellement, je placerai au premier rang l’humilité, pierre de touche, à mon sens, de toutes les autres vertus: en découlent la charité (le pouvoir de dire non, selon saint Paul), le courage — superbement magnifié ici, il y a peu, en l’honneur de notre chancelier, M. Pierre Messmer —, l’espérance, et autres petites sœurs…
Toutefois, c’est l’une d’elles, des plus modestes, qui me va droit cœur en ce moment même : la patience.
La patience dont vous avez fait preuve, Mesdames et Messieurs, en m’écoutant discourir, tant bien que mal, sur ce noble sujet.
Je ne puis que vous exprimer ma gratitude.
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